3. Cameron (1)

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J'ouvre péniblement un œil avant de le refermer aussitôt. La musique du radio réveil tambourine bien trop fermement dans mon crâne. J'attrape le fil et tire d'un coup sec pour stopper ce calvaire.

Putain que c'est bon, le silence !

Je me retourne pour me blottir cinq minutes de plus dans mon lit douillet, mais sursaute devant la paire d'yeux de biche appartenant au corps à moitié à poil entre mes draps. Après un temps d'arrêt, je reprends de l'aplomb :

— Il est temps de déguerpir ma jolie, Estelle ?

Dénégation de la préposée.

— Agathe ?

Toujours pas.

Elle va m'aider ou cette nana est dépourvue de langue ?

— Harmony, se renfrogne-t-elle sans bouger d'un Iota.

— Bien, Harmony, je vais te raccompagner jusqu'à la porte !

J'arrive – je ne sais comment – à me hisser hors du lit pour me traîner jusqu'à la cuisine où j'ingurgite un jus d'orange directement à la bouteille. Il semblerait que j'ai un peu trop abusé pendant la soirée d'hier. Je me montre désagréable avec cette nana, mais en vérité, je ne me reconnais pas. Je déconne grave en ce moment, j'enchaîne les conquêtes alors que ce n'est pas du tout mon style. Ma sœur dirait que je prends la grosse tête. Elle n'aurait sans doute pas tort. Si un mec devait se comporter de cette manière avec Hailey, je lui referais le portrait sans hésiter. Pris de remords, je retourne dans la chambre où Harmony s'est habillée. Elle est vêtue d'une robe de soirée ultra courte et moulante, tellement que je distingue les os de son bassin. Cette fille n'est pas mince, elle est maigre, voire anorexique. Le noir prononcé qui orne ses iris bleu indigo a coulé, et gâche son joli regard. Encore une fille paumée. Sans doute autant que moi...

— Je suis désolé, j'ai trop bu hier soir.

Je me passe la main dans les cheveux, n'ayant jamais su quoi faire de mes dix doigts lorsque je suis gêné.

Harmony attrape son sac et me lance un sourire éblouissant, qui la fait paraître plus jeune que dans mon souvenir.

Putain, elle est majeure, au moins ?

— C'était super Cameron, je te laisse mon numéro, tu m'appelles quand tu veux !

Je cligne des yeux devant cette scène surréaliste. J'ai envie de lui dire qu'elle ne devrait pas se laisser traiter de cette manière. Qu'elle devrait me dire mes quatre vérités. Mais je suppose que ce n'est pas mon rôle. Je me sens déjà comme une merde, de toute façon...

Elle m'embrasse sur la joue et me fourre le papier dans la main, tout en se déhanchant d'une façon provocante. Ou vulgaire, au choix. Je la regarde franchir la porte de l'appartement, avant de froisser le bout de feuille et de le jeter dans la corbeille.

Je ne boirai plus. Juré craché !

Les évènements de la veille remontent à la surface. La soirée au bar, la bière qui coule à flot, les filles se déhanchant sur la piste, et le petit intermède avec Eden. Cette fille est vraiment unique. Une gaffeuse ambulante. Elle est vraiment entrée au moment le plus inopportun lorsque j'étais dans la loge avec Daphné. Et sa tête ! À mourir de rire ! Je n'ai pas pu m'empêcher de la provoquer au bar. C'est si facile avec elle. Mais il aurait mieux valu que je m'abstienne. Le paparazzi ne nous a pas ratés ! Pris d'un pressentiment, je tends la main vers mon portable, qui se met justement à sonner.

— Je te manque déjà ?

— Je n'ai pas réussi à fermer l'œil sans toi !

Eden a le don de m'agacer, mais j'apprécie sa répartie naturelle, bien qu'elle me soit particulièrement destinée !

— Qu'est-ce que tu veux ? Être en retard n'est pas dans mes habitudes à moi, alors si tu pouvais abréger !

— J'entends toooooout ! Sois sympa CamCam !

La voix d'Hailey me parvient très distinctement, et je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel. J'ai du mal à saisir leur amitié. Hailey et Eden, c'est le jour et la nuit. Nous, on vient des poubelles, Eden, elle, a toujours fait partie de l'élite. Ça se sent. Je le sens. La première fois que je l'ai vue, j'ai immédiatement su qu'elle cachait son jeu. Serveuse ? Foutaises. Sa façon de se tenir, son port altier, ses ongles parfaits, ses manières irréprochables... J'ignore ce qu'elle cache – ou fuit – mais je suis certain que nos deux mondes sont à jamais incompatibles...

Cependant, je lui concède une volonté farouche, celle de s'intégrer, de se débrouiller seule, aussi.

— Oui, soit sympa CamCam, répète exagérément Eden.

Il faut que je me rappelle de passer un savon à Hailey pour laisser échapper ce vieux surnom ridicule !

— Qu'est-ce que tu veux ? insisté-je, cette fois réellement agacé.

— À ton avis ? J'ai reçu un appel de Brian.

— Qu'est-ce qu'il a dit ?

Je grimace et me pince l'arête du nez. Brian est un conservateur égocentrique. Ses réactions sont difficiles à appréhender, ce qui est certain, c'est qu'il n'apprécie pas les esclandres.

— Difficile à dire vu que je n'ai pas répondu... À ce soir !

— Qu...oi ?

— Je parlais à ta sœur, abruti, elle vient de sortir.

— OK.

J'élude, j'en ai rien à foutre. Ce qui m'intéresse, c'est le reste :

— Comment ça se présente ? Je n'ai pas encore regardé la presse people.

— T'as déconné Cameron, tu m'as prise pour une de tes conquêtes à la con hier soir !

Eden lâche un long soupir face à mon absence de réaction, puis poursuit :

— Quelques unes, quelques tweets, rien d'insurmontable, j'imagine...

— Tu imagines ? Je ne peux pas me permettre de me faire virer, Eden.

— Je sais, je suis désolée, répond-elle, sincère, alors qu'elle n'a rien à se reprocher.

Elle a beau ne pas me supporter, elle sait mieux que quiconque à quel point j'ai besoin de ce job puisqu'elle vit avec Hailey. Depuis la mort de notre mère, j'ai enchaîné les boulots minables, ceux de jours, ceux de nuits, parfois les deux ensemble. Il fallait juste subvenir à nos besoins. J'avais 18 ans à l'époque, ma sœur 13. On a galéré, mais on s'en est sorti. Hailey termine ses études de droit dans deux ans, et elle a besoin du fric que je gagne.

— Qu'est ce qu'on va lui dire ?

J'ai l'air d'un gosse, mais je ne peux m'empêcher d'angoisser...

— La vérité. Que c'était un jeu. Qu'il n'y a rien entre nous, et que ça ne se reproduira plus... Tout ira bien Cameron ! Ça m'arrache la langue de dire ça, mais le public t'adore. Alors Brian ne te virera pas. Moi, en revanche...

Un rire m'échappe alors qu'elle laisse sa phrase en suspens.

— J'attends de voir ça. À lundi ! Tâche de ne pas être en retard, pour une fois !

Je raccroche, et mon stress monte d'un cran lorsque je parcours les médias. OK, je n'ai pas été très intelligent hier, et sur les photos, l'angle utilisé fait réellement penser à un baiser. J'ouvre un article et repère le hashtag #Cameden. Sans déconner...

J'envoie un texto à Lane : « Ce soir, j'ai besoin que l'alcool coule à flot ! »

Oui, OK, déjà envolées, les bonnes résolutions. C'est ça ou j'appelle Daphné, mais je ne suis pas sûre qu'elle accoure pour relever sa robe...






Le rôle de ma vie...Where stories live. Discover now