5. Cameron (1)

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J'ai du mal à émerger du sommeil, ça fait trois nuits que je ressasse la soirée où j'ai appris pour Lane et Hailey, sans réellement trouver le sommeil. Le bon côté des choses, c'est que je ne suis pas dans l'obligation de pointer au chômage. Il semblerait que je me sois inquiété pour rien.

Je traverse mon appartement pour me faire couler un café bien corsé, histoire de survivre à cette journée.

Mes yeux se posent alors sur une photo installée dans son cadre sur la commode depuis des années, vestige d'un bonheur éphémère qui n'a réussi qu'à créer l'illusion. Mon cœur se serre.

Je me rapproche de l'image et la fixe, hypnotisé. C'est une photo de ma mère et nous. Une des trop rares où l'on semble irradier de bonheur. Elle venait d'être embauchée en tant qu'aide soignante au General Hospital ; son sourire se reflète dans son regard obsidienne, elle nous enlace afin de coller nos têtes les unes contre les autres pour ce cliché hors du temps. Puis très vite, la colère supplante la douleur. Je secoue la tête et en chasse tous les souvenirs. Ils sont bons à être enfermés à double tour...

Et pour être honnête, le visage poupin de ma sœur n'amoindrit absolument pas la déception que je ressens. Je n'arrive pas à croire ce que j'ai vu à l'appartement. Ni la trahison de Lane. Depuis quand se foutent-ils de moi ?

Tout se mélange dans mon esprit jusqu'à faire remonter une bile acide dans ma gorge. J'ai juste envie de coller une bonne droite à mon ex meilleur ami, qui a profité de la jeunesse et de l'insouciance d'Hailey pour la séduire. Je ne pourrai jamais lui pardonner ce coup bas.

Je malaxe mes poings, la rage au ventre, prêt à en découdre, lorsque mon téléphone se met à vibrer. Je suis sur le point de le couper, pensant que c'est une nouvelle tentative d'approche de Lane, qui m'a envoyé au moins quinze textos et appelé au moins autant de fois.

Mais non, ce sont juste les réseaux sociaux qui se déchaînent. J'ignore ce qui me pousse à déverrouiller l'écran pour satisfaire ma curiosité.

Bordel...

Des photos d'Eden et moi sur le tournage, des story instagram et même des tiktoks sur notre pseudo couple. Comment font les journalistes pour réaliser ce genre de cliché ? Eden et moi en train d'éclater de rire à une pitrerie d'Eliott, Eden et moi lors d'un duel de regard dans la série, Eden et moi à la soirée où on a l'impression que l'on s'embrasse. C'est dingue, même moi je pourrais y croire !

Et les mêmes hashtag, qui me font rire : #Mathy #camedem.

Je prends ça à la rigolade, mais j'imagine les conséquences que ces conneries pourraient avoir si Eden et moi avions une famille, un conjoint, des enfants. De quoi briser une vie...

Évidemment, le dommage collatéral Eden-Alex est un mal pour un bien. Hailey – même si je lui fais la gueule – m'a mise au courant pour leur rupture, et tant mieux ! Je côtoie suffisamment Eden pour admettre qu'elle vaut bien mieux que lui.

Je regrette désormais de ne pas lui avoir parlé de ce que j'ai vu en boîte. C'est pourtant pour cette raison que j'ai débarqué chez elle il y a trois jours, mais je me suis dégonflé, en me répétant que je ne devais pas m'en mêler. Le principal, c'est qu'il est désormais loin d'elle...

La sonnette de la porte d'entrée retentit. J'attrape une madeleine qui traîne sur le bar avant d'ouvrir, mais il n'y a personne.

Je baisse alors les yeux sur un colis déposé sur le pas de la porte. J'attrape la boîte, le gâteau en bouche, et referme du bout du pied. Le paquet a été emballé soigneusement dans du papier kraft décoré. Je le dépose sur ma table basse avant de le renifler : quelqu'un a visiblement renversé son flacon de parfum dessus. À l'intérieur, je découvre une boite de chocolat de chez Whooper, ceux que je préfère, ainsi qu'une bouteille de vin. Un petit mot manuscrit complète l'ensemble. Perplexe, je le déplie.

Le rôle de ma vie...Where stories live. Discover now