Chapitre 5: Itinéraire d'une amitié brisée

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Trois jours passèrent à l'impasse du Tisseur, sans que le moindre rayon de soleil ne traverse les rares fenêtres de la demeure de Severus. Quand Lily tentait de trouver une distraction en regardant le paysage, elle ne voyait qu'un perpétuel crachin, les fumées chargées de carbone de l'usine dans le ciel lourd, et quelques fois des rongeurs – de gros rats – se repaître des ordures laissées sur le trottoir. Carbone-les-Mines avait été autrefois une ville prospère, grâce à sa mine de charbon et à ses usines. L'impasse du Tisseur était un quartier ouvrier, avec ses maisons typiques en briques. La fermeture de la mine, au milieu des années 1960, avait peu à peu entraîné le déclin de Carbone-les-Mines et de ses environs. Et les différentes crises, au cours de ces dernières années, avaient provoqué la faillite de plusieurs industries de la région. L'usine de Carbone-les-Mines, dans laquelle les pères de Severus et Lily avaient travaillé, tournait toujours et crachait inlassablement des volutes de fumée noire.

Lily avait grandi dans un quartier un peu plus cossu, de l'autre côté du ruisseau. Son père, avant de mourir, avait longtemps travaillé à l'usine de métallurgie de Carbone-les-Mines en tant que comptable, tandis que sa mère restait à la maison et complétait leurs revenus en effectuant quelques travaux de couture. Chez les Evans, il y avait un petit jardin dans lequel la famille faisait pousser quelques légumes et faisait sécher le linge étendu sur une corde. Comble du luxe, Mr Evans avait pu offrir à sa femme et à ses filles un téléviseur à la fin des années 1960.

Bien que le petit lotissement derrière le ruisseau fût propret, Carbone-les-Mines n'était pas une ville agréable. Tout comme Pétunia, Lily avait fini par quitter cette cité industrielle, mais les terribles dernières circonstances l'avaient ramenée dans cette ville à l'air vicié, non pas dans la maison de son enfance, mais dans celle de son vieil ami. Severus n'aimait pas non plus Carbone-les-Mines, il détestait les murs entre lesquels il avait grandi. Pourtant, il n'avait pas de meilleur refuge à offrir à Lily et à son fils.

Lily n'avait rien à reprocher à Severus. Il n'avait jamais masqué sa haine pour James, mais il s'occupait bien de son enfant qui était son portrait craché. Chaque jour, depuis leur arrivée, il préparait les repas et veillait à ce que ses invités mangent à leur faim. Il ne faisait pas particulièrement preuve d'affection avec Harry, mais il répondait à chacun de ses besoins quand Lily était en incapacité de le faire. La sorcière n'avait – par exemple – jamais entendu Severus prononcer le prénom de son fils, ni même lui parler. Il avait néanmoins quelques attentions envers Harry. Le surlendemain de leur arrivée, Severus avait trouvé dans le grenier un vieux coussin et avait passé plusieurs heures à le métamorphoser en un couffin douillet pour le petit. Il avait aussi mis la main, dans une antique malle reléguée au grenier, sur un exemplaire des Contes de Beedle le Barde qui avait appartenu à sa mère. Severus avait dit à Lily qu'elle pourrait ainsi raconter des histoires à son fils, si elle le souhaitait.

Harry, lui, demeurait un bébé calme et adorable. Il ne pleurait que quand il avait faim ou avait besoin d'être changé. Lily se demandait si Harry s'était rendu compte qu'il n'avait plus de papa, s'il avait compris que la situation était grave. Son fils n'était qu'un bébé, après tout. Il n'était sûrement pas en âge de comprendre. Et pourtant, Lily avait le sentiment que Harry ressentait tout en plongeant son regard dans ses yeux verts, les mêmes que les siens. Elle pouvait y voir de la tristesse, mais aussi de l'amour et de l'espoir. Harry semblait aussi apprécier leur hôte. Il ne hurlait pas quand Severus le prenait dans ses bras. Il gazouillait, babillait et souriait même au sorcier. Sans doute lui avait-il accordé sa confiance.

Depuis le dernier appel de Dumbledore dans la cheminée, Lily n'avait reçu aucune nouvelle. Elle ignorait tout de la situation des Londubat, mais l'absence de nouvelles – bonnes ou mauvaises – n'augurait rien de bon. Elle ne savait pas non plus comment allaient ses amis, Remus et Sirius, depuis leur visite. Dumbledore lui avait formellement interdit d'entrer en contact avec eux, car l'Ordre avait été infiltré par une taupe. Lily était persuadée que le traitre n'était pas l'un de ses amis. En revanche, elle craignait que l'espion continue à pister, à épier les moindres faits et gestes des deux derniers Maraudeurs. C'était sans doute à cause de cet infiltré que Peter avait été enlevé, torturé et tué par Voldemort. Elle avait beau réfléchir, elle ne voyait pas qui au sein de l'Ordre aurait pu commettre le parjure suprême en informant régulièrement leurs ennemis.

Et si...Where stories live. Discover now