Chapitre 3

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Bizarrement, je n'ai plus faim... Tu m'étonnes ! Onze morts... onze. ONZE ! Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Quelle sorte de mutante je suis pour faire un carnage pareil ? Ah ça... le professeur X et Wolverine vont avoir du boulot avec moi. On frappe à la porte, très fort. Je suis soudain prise d'une nausée. Papa se lève et entrouvre la porte. Il commence la conversation en faisant croire qu'il ne parle pas bien français alors qu'il a grandi à Paris et finit par se retourner vers nous en bloquant la porte.

— MARIA, hurle-t-il en espagnol, AYUDA A LA PEQUEÑA PARA HUIR

Pour ceux qui « no hablan español » ça veut dire : « Maria, aide la petite à s'enfuir ». Bref : je suis dans la m... euh, mouise.

Mama ne perd pas une seconde et me tire par la main vers ma chambre pendant que mon père occupe nos visiteurs. Ma mère prend un sac à dos, y fourre des vêtements au hasard, mes papiers d'identités, mon téléphone et quitte la chambre en courant silencieusement après m'avoir fait comprendre de ne pas bouger de cette pièce. Comme je ne sais pas quand je vais revenir, ni même si je vais revenir un jour, je plonge sous mon lit et sort mon journal intime de sa cachette ainsi que mon argent de poche donné par mes grands-parents, que je gardais en liquide au cas-où. Je les mets dans une petite trousse et la range sous mes vêtements pour ne pas me la faire voler car Dieu sait où je vais aller. Maman revient avec un gros sandwich, une bouteille d'eau et un paquet de serviettes hygiéniques, signe que je pars pour longtemps, et les ajoute au bazar. Puis elle ouvre la fenêtre donnant sur le jardin et me fait enfiler une écharpe, puis le sac à dos. Elle me donne des baskets que je mets sans un bruit et j'entends le zip du sac se refermer au moment où je relève la tête. Je ne sais pas ce qu'elle a ajouté mais à mon avis, c'est quelques chose que je refuserais si je savais ce que c'est. Mama me prend dans ses bras et me serre très fort.

— Fais attention à toi Anaya-Esperanza. Ma pequeña... va-t'en. Pars d'ici, loin, très loin : là où personne ne pourra te retrouver. Et surtout ne fais confiance à personne.

— C'est promis mama. Tu...

Je sens les larmes revenir.

— Tu embrasseras papa pour moi, hein ?

— Oui ma fille. Maintenant pars : on n'a pas beaucoup de temps.

Je hoche la tête et enjambe le rebord de la fenêtre. Je détale comme un lapin vers le grillage, trouve facilement le trou que mon père avait promis de réparer il y a deux ans, et quitte la maison de mon enfance. Derrière le jardin impeccablement tondu, il y a un immense champ en friche. Hé, on vit à la campagne, faut pas croire ! Je bondis entre les ronces et les hautes herbes en direction de la route. Il fait nuit mais il est encore temps d'attraper un bus. C'est risqué mais je n'ai pas le choix : je dois quitter la ville et je n'y arriverais jamais à pied. Mes pieds foulent l'asphalte et je risque un œil vers chez moi. Je distingue un énorme camion garé juste devant le portail et trois hommes lourdement protégés qui viennent de forcer la porte d'entrée. Soudain, je me baisse. Mon mouvement à été si rapide que mon menton heurte le sol. Il y a cinq hommes dans le champ en friche qui scrutent les herbes hautes avec attention. Comment ai-je fait pour ne pas tomber sur l'un d'eux ? Un bruissement dans les herbes me fait sursauter. Je m'attends à voir surgir un homme armé jusqu'au dents... euh, non. Si c'était le cas, je le verrai arriver : ses collègues ont l'herbe qui s'arrête aux cuisses. A moins que ce ne soit un nain ? Ou alors... L'adorable tête de Queen émerge des herbes hautes. Sapristi ! C'est ma chienne qui m'a suivie.

— Tu ne peux pas venir avec moi Queen, murmurais-je au risque de me faire repérer, retourne à la maison. Allez !

Autant crier dans l'oreille d'un sourd : Queen à décidé de me suivre et rien ne pourrait la faire changer d'avis. Je progresse le long de la route, pliée en deux pour ne pas me faire voir, ma Golden sur les talons. Quand je m'estime assez loin de la maison, je me redresse et enclenche la quatrième vitesse. Quand j'arrive enfin à l'arrêt de bus, je n'ai que le temps de sauter à bord, juste au moment où les portes se referment. Je baisse les yeux, et paie ma place sans un mot.

Ushuara - La chasse a commencé (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant