Chap 2 : pdv du contrôleur de train

29 12 15
                                    

    Chaque jour, c'était le même rituel.

J'attendais que le train arrive en gare. Je regardais les gens descendre et monter du train. Le spectacle valait le détour. Certains avaient le don de se bousculer ou de se marcher dessus en oubliant certaines règles de savoir-vivre. C'était un spectacle déroutant.

Un jour, j'avais vu un reportage sur le Japon. Les gens laissaient poliment les passagers descendre du wagon ensuite, ceux-ci montaient dans le train en suivant docilement des flèches marquées sur le sol. J'avais été très impressionné en découvrant ces images.

En Belgique, ce n'était pas le même délire.

Quelquefois, j'hallucinais quand j'observais la cohue qui régnait sur le quai. Étaient-ce vraiment ces gens-là que j'allais contrôler ? Ces navetteurs qui se piétinaient, ces gens pressés et stressés qui regardaient leur montre avec agacement?

Heureusement, ils n'étaient pas tous comme cela.

Ensuite, il fallait les laisser s'installer selon des critères très variables et aléatoires. Il y avait ceux qui se jetaient sur le siège «côté fenêtre » en ayant l'air de croire que le paysage allait être extraordinaire, différent des autres jours alors que c'était invariablement le même. Un subtil mélange de jardins, de béton, de champs et de poteaux électriques.

Il y avait ceux qui restaient «côté couloir» sans comprendre pourquoi cette place leur paraissait plus avantageuse, ceux qui déposaient automatiquement leur sac à dos à côté d'eux pour éviter que quelqu'un s'installe trop près.

Il y avait le groupe d'adolescents qui parlait fort et qui riait de bon cœur dans le wagon, ne réalisant pas que leur chahut perturbait tout le monde.

Il y avait aussi les solitaires ou ceux qui espéraient trouver l'élu de leur cœur lors d'un trajet.

Grâce à eux, je n'étais plus seul. Rien que pour cette raison, je ne pouvais pas trop leur en vouloir.

Je contemplai tous ces gens avec reconnaissance. Mon agacement passa vite à la trappe.

Il y avait eux. Puis, il y avait moi.

Le contrôleur de train qui n'intéressait personne.

Le train de nos vies ordinairesWhere stories live. Discover now