Chap 7 : pdv Idgie

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6h00

J'ouvris les yeux et fixai le plafond. Je n'avais pas envie de me lever. Pas du tout. Dehors, une pluie battante fracassait le carreau de ma chambre.

J'aurais tout donné pour rester au fond de mon lit ce samedi matin, mais avec mon père, c'était impossible. Debout tous les jours à six heures. 

Hors de question de traîner en pyjama dans le salon, de se lever à midi ou de végéter comme un légume devant Netflix. Qu'il pleuve ou qu'il vente, il fallait se bouger, toujours être en mouvement.

6h04

J'entendis mon père hurler du bas des escaliers. Il venait de réaliser que je ne m'étais pas levée directement, car le parquet en bois de ma chambre n'avait pas grincé.

Il ne pouvait même pas me laisser quelques minutes de répit. Je pestai contre lui intérieurement.

4 minutes, ce n'était pas la fin du monde.

6h09

Il déboula dans ma chambre comme une furie. La porte s'ouvrit d'un seul coup sans me laisser le temps de réagir. Ses grands yeux noirs me dévisagèrent.

-Idgie ? C'est une blague ?

Quelques minutes de retard sur le planning, ce n'était pas un drame, mais pour lui, c'était une catastrophe. Fallait pas chercher à comprendre.

-Tu te moques de moi ou quoi ? me demanda-t-il.

Je me levai d'un bond sans oser lui répondre. Je savais que discuter avec lui ne servait à rien. Il avait toujours raison. Son attitude malsaine avait fait fuir le peu d'amis que j'avais, sauf Lali.

«Je fais ça pour toi ».

«C'est pour ton avenir ».

«J'aurais aimé qu'on fasse pareil pour moi».

«Tu devrais être plus reconnaissante ».

Sans grande surprise, je n'avais pas voulu rentrer dans le débat.

Après une bonne douche de cinq minutes maximum (pas plus sinon c'était la panique) j'enfilai ma tenue de sport. Un legging Under Armour gris foncé et un t-shirt Adidas violet. Mes baskets Asics aux pieds, je descendis l'escalier avec résignation. Mon visage était voilé par mes cheveux bruns en bataille, quelques mèches courtes envahirent mon visage ce qui énerva davantage mon père. 

-Mets un élastique ! T'as vu ta tête? Si quelqu'un te voit dans la rue?

Marre de toujours devoir suivre un planning si strict, marre de ne jamais pouvoir faire ce que je voulais quand je le souhaitais.

Je soufflai bruyamment pour dégager les mèches de mon visage, mais c'était peine perdue. Je n'avais pas envie de me coiffer ni de faire un effort. Flemme.

Le samedi matin, c'était toujours le même rituel. Boire un verre d'eau tiède citronnée puis partir courir 10km avec mon père, même sous la pluie ou en pleine canicule.

À notre retour, j'avais toujours droit aux étirements puis à un petit déjeuner de championne (un smoothie maison et des œufs sans bacon ni toast) puis c'était parti pour le cours de tennis.

Pendant mon cours, je savais que mon père surveillait avec beaucoup d'attention mes réseaux. Il rêvait déjà de Roland Garros alors que je n'étais pas spécialement brillante dans ce sport.

Ma dernière vidéo avait fait le buzz. C'était une vidéo dans laquelle je chantais une compo. Cette chanson, je l'avais écrite en secret et je l'avais jouée accompagnée de ma guitare quand mon père était parti faire quelques courses. 

Je ne voulais surtout pas la poster sur internet, car j'y parlais de mon passé, de choses très personnelles, mais il avait fallu que mon père s'en mêle et tombe dessus en «rangeant » mon bureau.

Sans blague.

Il avait posté le morceau sur mon compte TikTok sans me demander mon autorisation.

Pour lui, tout ce qui comptait, c'étaient les likes ou le nombre d'abonnés, pas ce que je ressentais.

Il se moquait de savoir si j'allais bien et si ce quotidien effréné ne me rendait pas dingue.

Au fond, ce n'était pas son image à lui qu'il étalait sur internet, c'était la mienne. Il pensait avoir tous les droits sur ma vie et sur mon avenir. C'était insupportable.

Allait-il un jour me demander mon avis et m'écouter ?

Le train de nos vies ordinairesWhere stories live. Discover now