Chap 21 : pdv du sans-abri

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   Traîner dans une gare comme je le faisais tous les jours, ça se passait relativement bien, surtout lorsque nous étions en pleine journée. Il y avait du monde. C'était un véritable tourbillon.

Mais au fur et à mesure des heures qui s'écoulaient, la gare se vidait pour laisser place aux retardataires, aux employés qui travaillaient tard, à ceux qui prestaient des heures supplémentaires ou à ceux qui avaient des horaires décalés.

Ensuite, brusquement, l'ambiance changeait, se dégradait. Le calme devenait inquiétant, effrayant parce que les seules personnes que vous pouviez croiser à cette heure-là, c'était justement celles que vous ne vouliez pas rencontrer.

Je n'avais pas spécialement peur, mais je ne me sentais pas à l'aise. Serrant mon chien contre moi, j'espérais toujours que le lendemain arrive vite, très vite.

Je caressais son pelage frénétiquement pour éviter de réfléchir, pour ne pas sombrer davantage dans cet état d'anxiété.

Quand je percevais des cris ou des échanges animés, je frémissais toujours en me demandant qui pouvait encore traîner ici au beau milieu de la nuit et surtout, dans quel état ? Dans quel but ?

Honnêtement, je préférais ne pas avoir la réponse.

Parfois, quelqu'un approchait. Un type bourré, une personne paumée. La plupart du temps, ceux-ci passaient leur chemin sans même m'adresser la parole.

Jusqu'à maintenant, j'avais eu de la chance. Je le savais. Il ne m'était jamais rien arrivé.

Voilà pourquoi je vivais au jour le jour. Chaque nuit passée était un exploit, je le réalisais. Dans ma situation, je pouvais mourir de froid ou de faim, mais je pouvais aussi me faire agresser.

Fébrile, je continuai de caresser la tête d'Aiko qui somnolait à mes côtés. Il leva la truffe pour me regarder puis s'installa plus confortablement sur sa couverture fétiche. Elle était pleine de poils et elle sentait l'égout, mais il adorait son vieux drap usé. C'était devenu son nouveau panier.

Je souris en le regardant et fixai ensuite l'horloge accrochée au mur, non loin de nous.

4h17

Bientôt, la délivrance. Bientôt, la foule sera de retour.

J'avais survécu à la nuit. J'y étais arrivé, Aiko aussi.

Une nuit de plus.

Le train de nos vies ordinairesWhere stories live. Discover now