Britton Dagda

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Britton Dagda entra en trombe dans le salon. Son concentrateur, une chevalière en or, brillait encore du sortilège d'un maléfice d'inconscience.

« Nao ! » s'exclama-t-il en se précipitant vers sa fille.

L'adolescente s'écarta du policier fédéral, chancela et manqua de tomber. Son père lui saisit l'épaule puis la tint serrée contre lui.

« Est-ce qu'il t'a fait mal ? », demanda-t-il, anxieux.

Naola secoua la tête négativement et se déroba. D'un revers de manche, elle chassa les larmes qui roulaient sur ses joues et posa son regard sur l'intrus.

« Qu'est-ce que tu lui as fait ? questionna-t-elle d'une voix tremblante.

– Ta main... souffla le père. Tu es blessée ! Montre-moi. »

L'adolescente baissa les yeux vers sa paume entre-ouverte. En transférant sa magie si violemment, le concentrateur du P.M.F. y avait imprimé une brûlure en forme de cercle. Naola grimaça.

« C'est... c'est rien, assura-t-elle en tendant le bras. Qu'est-ce que tu lui as fait, papa ? Il est blessé, il faut le soigner. Il faut qu'on l'amène...

– Comment est-il entré ? coupa Britton.

– C'est moi qui l'ai laissé entrer. »

Le sorcier se figea et la dévisagea. Il se redressa et jeta un coup d'œil au corps dans son canapé, puis serra les poings.

« Pourquoi est-ce que tu l'as laissé entrer ? souffla-t-il d'une voix blanche.

– Il était blessé. »

Sa tête tournait et ses oreilles bourdonnaient. Elle se passa la main sur le front, fit un pas en arrière et tira une chaise sur laquelle elle s'affala. Son père marchait de long en large, nerveux.

« C'est un P.M.F., papa. J'allais pas l'abandonner dehors comme... commença-t-elle à justifier.

– Il est poursuivi par l'Ordre, l'interrompit-il avec des accents de panique dans la voix. Il y a des Vestes Grises partout dans le quartier. Ils fouillent systématiquement toutes les maisons !

– Bah, on l'emmène au Centre Fédéral et c'est bon, répliqua-t-elle sèchement, agacée qu'il ne voie pas l'évidence. Ils ne le trouveront pas ! »

Son père pâlit plus encore et resta d'interminables secondes à l'observer. Naola, livide et épuisée, lui rendit son regard le plus déterminé ; celui qui signifiait qu'elle ne changerait pas d'avis.

Le menton haut, les sourcils froncés ; cette expression avait toujours fait partie de son répertoire d'attitudes, même bébé. Seulement, ce soir-là, elle avait du sang au bout des doigts, sur ses vêtements et sans doute sur le visage.

« Les... Les voisins m'ont prévenu de la descente de l'Ordre. Ta mère est encore au restaurant, je... je venais te chercher pour te mettre à l'abri, mais tu... tu... »

Britton se remit à arpenter le salon, une main crispée sur son menton.

« Il était blessé, papa. Il est toujours blessé et on peut le sauver, souffla Naola, la gorge nouée d'angoisse.

– Tu ne comprends pas ! Tout se sait. Si quelqu'un... Si la moindre personne a vu cet homme entrer ici... Qu'est-ce que tu crois que l'Ordre va faire ? ! »

Le ton de son père monta vers l'aigu. Naola détourna le regard, les dents serrées.

« Maintenant qu'il est là, autant le sauver, non ? »

Britton s'immobilisa puis déglutit avec difficulté.

« C'est un espion P.M.F. qui s'est infiltré dans l'Ordre », articula-t-il en détournant le regard.

Il avala sa salive, tendit sa main à Naola et l'aida à se relever :

« Tu es épuisée. Monte te coucher, je vais m'occuper de lui.

– Qu'est-ce que tu vas faire ?

– Naola, ne discute pas, souffla-t-il.

– Qu'est-ce que tu vas faire ? ! demanda-t-elle plus fort.

– On ne peut pas s'opposer à l'Ordre ! », répliqua le père sur le même ton.

Naola écarquilla les yeux, horrifiée. Elle s'écarta brusquement de lui et recula de quelques pas, le menton tressautant sous le choc de découvrir une telle lâcheté chez son paternel. Britton se décomposa et vira au rouge colère, blessé par l'expression dégoûtée de sa fille.

« Maintenant, ça suffit. Tu montes dans ta chambre et tu te tiens tranquille, Naola », ordonna-t-il d'une voix redevenue presque calme.

Si calme que c'en était effrayant.

« Non ! Non, tu n'as pas le droit ! »

Il s'avança vers elle, lui saisit le bras et l'entraîna jusqu'à l'escalier. Elle criait, elle pleurait, elle le griffait, elle le traitait de tous les noms.

« Monte ! », hurla-t-il en tentant de la porter sur les premières marches alors qu'elle le repoussait de toutes ses forces.

Même affaiblie par le transfert d'énergie qu'elle avait effectué plus tôt, elle pesait de tout son poids et s'agitait violemment. Britton grogna et resserra sa prise. Impossible de lui faire franchir les degrés de l'escalier. Il la plaqua contre le mur proche, ouvrit la cave à la volée et l'obligea à descendre. Il claqua la porte sur elle et dressa un charme de silence entre eux deux, masquant brutalement les cris et les insultes qu'elle lui adressait à travers le bois.

Naola frappa la cloison des deux poings avant de se laisser glisser sur la première marche. La tête posée contre ses genoux, elle sanglota nerveusement, incapable de reprendre le dessus sur ses émotions, incapable de pardonner la scène qui se déroulait dans sa propre maison.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 1Where stories live. Discover now