Vestes Grises

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Britton Dagda resta presque une minute à observer la porte derrière laquelle il venait d'enfermer sa fille. De l'abriter. Il déglutit doucement, promena la main sur son visage, puis poussa un long soupir.

D'un sortilège, il effaça les traces de sa lutte avec Naola et revint dans le salon. Il détailla le fugitif et se baissa pour récupérer son badge, abandonné sur la table basse. Mettre un nom sur celui qu'il allait condamner ne l'aidait pas. Il serra les dents.

S'il l'emmenait au centre de commandement de la Police Magique Fédérale, il le sauvait, et il obligeait sa famille à l'exil. Le gouvernement organisait bien des programmes de protection, mais ils s'avéraient souvent peu efficaces. Leuthar, le puissant sorcier à la tête de l'Ordre, n'avait qu'un mot à dire pour que ses ennemis et dissidents disparaissent.

Le père ne voulait pas prendre le risque. Il soupira une nouvelle fois et se décida. Il se rendit à l'entrée de sa maison, sortit sur le perron, puis dans l'allée de leur petit jardin. Il plaça son concentrateur au creux de sa paume ouverte. L'objet pulsa une succession de flash lumineux, à intervalles réguliers. Largement assez pour attirer l'attention des Vestes Grises qui ratissaient le quartier. Dans les secondes suivantes, trois sorciers et une sorcière se matérialisèrent devant lui, concentrateurs chargés, prêts à faire feu. Britton leva les bras, livide.

« Ne... Ne tirez pas. Je sais où se trouve votre homme.

– Ton concentrateur ! Tout de suite ! », ordonna l'un des gars de l'Ordre.

Britton s'exécuta. À gestes mesurés, il retira sa chevalière, et tendit sa paume ouverte vers eux. La femme s'avança et la lui prit brusquement. Elle lui saisit l'autre poignet et lui arracha le badge du P.M.F. de la main avec un petit cri de victoire.

« Oh... Mais voilà qui est intéressant... », souffla-t-elle sans le lâcher.

Elle avait les cheveux courts, des yeux verts, sans doute la quarantaine. Beaucoup trop proche de lui, elle lui sourit avec une expression très sensuelle. Britton baissa le regard et serra les dents.

« Il est là. Je... Je l'ai immobilisé... », articula-t-il avec difficulté.

La femme sourit de plus belle et passa ses doigts sur le visage de Britton. Il esquissa un mouvement de recul à cette caresse.

« Bon garçon, murmura-t-elle. On peut entrer ?

– Oui. Entrez... répondit-il avec un léger tremblement.

– Merci. Allez-y, les gars ! », ordonna-t-elle au reste du groupe, qui s'engouffra dans la maison.

La sorcière les suivit et fit un signe au propriétaire de venir avec elle.

« Votre nom ?

– Britton Dagda. Faites vite, s'il vous plaît, souffla-t-il d'une voix peu assurée.

– Comment est-il entré chez vous ? questionna la femme sans tenir le moindre compte de sa requête.

– Je... Je l'ai piégé », mentit Britton, très mal à l'aise.

Dans le salon, deux hommes avaient poussé le fugitif au sol. Ils l'attachèrent, puis le réveillèrent d'un sort. Le malheureux, dont l'état avait empiré, se mit immédiatement à crier. La femme abandonna Britton sur le pas de la porte. Elle donna un gros coup de pied dans le ventre du policier pour le faire basculer sur le dos. Elle s'installa sur son torse, referma sa main sur son bras blessé et serra. Il hurla de plus belle, trop faible pour se débattre. Elle lui immobilisa la tête, ses doigts bloqués sur son menton, et rit, penchée sur son visage.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 1Where stories live. Discover now