La tempête

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La masure était plongée dans un silence tendu, ponctué par les assauts du vent contre ses murs antiques. Naola, toujours adossée contre le manteau du foyer, dévisageait ses parents et le lieutenant Viickhel, la gorge serrée. L'histoire qu'ils venaient de lui raconter ne lui plaisait pas du tout.

« Je... », commença-t-elle, mais les mots restèrent coincés.

Elle toussa pour dégager ses bronches.

« J'ai besoin de réfléchir. »

Elle se décolla subitement du son appui et marcha vers la sortie à grandes enjambées. Sa mère se leva, mais son père la retint par le bras.

« Nao ! Tu ne vas quand même pas... »

L'adolescente l'ignora et ouvrit la porte qui claqua violemment, entraînée par le vent, et Naola s'engouffra dans la tempête. Elle avança droit devant elle, indifférente au sable et à la pluie battante. Elle ne s'arrêta qu'au ras des flots, ses bottes de vol submergées par le ressac en fin de course. La mer déchaînée roulait en vagues gigantesques dans lequel le ciel se déversait en torrents, brouillant les perspectives du paysage.

Existait-il dans cette foutue vie quelqu'un à qui elle puisse vraiment faire confiance ? Mordret, d'après ses parents, avait œuvré dans son dos pour qu'elle n'ait plus aucune autre solution que de rester au pub. L'adolescente avait commencé par les traiter de menteurs, mais la lieutenante Viickhel avait pris leur défense, approuvé leurs thèses et cautionné les faits. Elle, elle n'avait aucune raison de mentir.

Naola inspira, puis toussa aussitôt, noyée par la pluie battante. Stupide vampire ! Elle aimait l'existence qu'elle s'était échinée à se forger ces deux derniers mois. Quel besoin avait-il eu à mettre ses canines dans ses affaires ?

Toute cette rancœur, toute cette tristesse, toute cette colère accumulée contre ses parents, contre leur absence de réaction, contre leur mensonge... Tout ça pour rien ! Ce connard lui avait même servi un chocolat chaud pour la réconforter d'une situation qu'il avait lui-même provoquée !

L'adolescente serra les poings. Elle pleurait de rage, mais ses larmes, emportées par les embruns, avaient à peine le temps de réchauffer ses joues glacées. Elle hurla sa colère aux éléments, attrapa un débris enfoui sous le sable et le lança de toutes ses forces. Comme une réponse à cette agression, une vague plus haute que les autres se brisa à quelques dizaines de mètres d'elle. La déferlante lui faucha les jambes. La morsure de l'eau salée ramena la jeune fille à la réalité. Elle s'extirpa des flots à l'aide d'un sortilège, toussant et haletant. Tu veux finir noyée ou quoi ? ! Arrête les conneries !

Naola tenta de retrouver l'ensablée en grelottant. Elle n'était absolument pas certaine de la direction qu'elle avait prise et fut soulagée lorsqu'elle croisa la silhouette de son père.

« Naola ! cria-t-il par-dessus les gémissements du vent. On s'inquiétait, tu... Bon sang, dans quel état tu es ! Tiens, viens. »

Il l'attira contre lui sous sa grande cape de pluie. Le vêtement battit au frais, avant de se refermer sur la jeune fille et son père, maintenu par un sortilège. Ils coururent pour regagner la masure.

Hyzerfrid et le lieutenant étaient toujours assis à table lorsqu'ils entrèrent. Jérôme, installé à côté de l'âtre, attisait le feu. Naola se dirigea directement sur lui et se posa le plus près possible de foyer.

« Ça va ? murmura l'antiquaire, d'un air inquiet.

— Ouais, souffla-t-elle. C'est juste... »

Elle haussa les épaules, puis activa son concentrateur. Un charme diffusa une lumière chaude autour d'elle et la sécha doucement. Elle décolla ses cheveux humides, encore plaqués sur son visage.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant