Embauchée

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Naola se réveilla en douceur avec l'impression de s'enfoncer dans son oreiller. Ç'aurait pu être un matin comme les autres. Boire un chocolat chaud au petit déjeuner, commencer un nouveau mnémotique, sortir... Si son père l'y autorisait, elle pourrait sans doute se balader sur son hexoplan. Il lui tardait d'acheter le sien !

Une journée de vacances normale, rêvait-elle, dans ce moment où l'on n'est ni tout à fait en sommeil ni tout à fait en éveil. Elle entrouvrit les yeux et tâtonna à côté d'elle dans la pénombre pour activer le charme-horloge. Il devait être tard, le jour perçait à travers les volets et éclairait la chambre. L'armoire n'est pas à la bonne place, songea-t-elle sans s'en inquiéter. La fenêtre non plus... La proximité des murs donnait à la pièce une dimension anormale. Le cerveau embrumé, Naola refusa de s'alarmer.

L'adolescente se redressa et s'assit dans le lit, le regard fixé sur la paume de sa main. Pourquoi n'arrivait-elle pas à déclencher l'horloge de chevet ?

« Parce que je ne suis pas à la maison », conclut-elle à voix haute, sereine.

Elle grogna et se laissa glisser, de nouveau, sous les couvertures. Les pièces du puzzle s'emboîtèrent sans hâte dans son esprit.

Fuguer, c'est pas une activité reposante, pensa-t-elle dans un sourire endormi.

Mordret l'avait mordue. Elle sursauta et se redressa brusquement.

Naola revit, très nettes, les dents du vampire s'enfoncer dans son poignet. La soirée se recomposa d'un coup. Elle repoussa les draps et baissa les yeux sur son bras, protégé d'un bandage blanc. Elle était en pyjama. Comment est-ce qu'elle s'était retrouvée en pyjama ?

La jeune fille tourna vivement la tête vers la porte de la chambrette et grimaça de douleur. Elle portait aussi un pansement sur la gorge, là où son adversaire l'avait lacérée. Son col roulé devait être foutu.

Naola posa les pieds au sol et se leva avec prudence. Ça allait. Pas de vertiges. La gêne de son cou provenait plus du bleu qui s'y était formé que des déchirures de sa peau. Elle constata, en découvrant le miroir, que, hormis la teinte violacée-jaune de sa gorge, ses blessures avaient presque disparu.

La jeune fille fronça le nez, toujours léthargique. Quand s'était-elle mise en pyjama ? Un fond de lucidité lui indiqua que Mordret pourrait probablement répondre à cette question. Elle se détourna de la glace, puis sortit de la chambre.

En bas, sur le comptoir, elle trouva une assiette de fromage, un petit pain, un pot de confiture, du jambon et un café. Elle sourit et décida qu'il serait encore plus agréable de petit-déjeuner dans l'un des fauteuils en cuir du salon de lecture.

Elle terminait son plat quand le vampire se manifesta. Un battement de paupière et il se tenait en face d'elle. Il l'observait. La sorcière ne sursauta pas à son apparition et se fit la remarque que ses réflexes devaient être ralentis par quelque chose. Ou alors, elle s'habituait.

« N'imaginez pas que vous puissiez prendre l'habitude de ceci », souffla Mordret de sa voix atone en désignant son repas du menton.

Naola ne répondit pas. Elle remonta les pieds sur le cuir de l'assise, engloutit quelques bouchées supplémentaires et, son assiette en équilibre sur un genou, se pencha pour attraper sa tasse.

Elle avala une longue gorgée et soupira de satisfaction. Le café était excellent. Il s'agissait, comme le chocolat, d'une denrée rare. Sa famille n'en consommait que le dimanche, et en qualité bien moindre. La sorcière avait beau en boire régulièrement depuis son arrivée au pub, elle ne se lassait pas de la boisson et de ses arômes.

« Que vous me prépariez le petit déj' ? demanda-t-elle.

— Que vous mangiez dans le salon, corrigea le vampire.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 1Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora