Le loup

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La lumière entre les rideaux réveilla l'homme. Le soleil pointait à peine son nez entre les montagnes russes et le ciel était irisé de rose, de violet et d'indigo. L'homme s'étira longuement, grognant pour la forme et grattant ses rouflaquettes. Il se leva, observant d'un œil critique le réveil. Six heures vingt. C'était plus tard que ce qu'il avait prévu.

Il enfila rapidement un jean et un T-shirt noir, afin d'être à l'aise dans ses tâches. Il saisit quelques tranches de pain, les mit dans le grill, et se servit un café serré en attendant.
Sa petite cabane en bois sombre était perchée sur un flan de falaise, entre deux hautes montagnes stériles. Le manque de végétation ne le dérangeait pas, la chasse aux charognards faisait son repas, et ils abondaient.

De sa fenêtre il pouvait apercevoir de vieux bâtiments en ruine dans la vallée en contrebas, ainsi qu'un torrent remplit de truites qui grondait plus au nord.
Si il descendait un peu en altitude, il pouvait placer des pièges à lapins, des collets. Mais il n'en avait pas besoin.

Il s'installa à table et beurra ses tartines. Tout en déjeunant, il surveilla la pendule au-dessus de la cuisinière. Six heures quarante-cinq. Il était en retard, les prises seraient mauvaises.
Étrangement, cela ne le mit pas dans un état déplorable. Il avait encore à manger pour quelques jours, et les pièges installés dans la vallée lui rapporteraient de la viande si nécessaire.

Il termina son repas et posa sa vaisselle dans l'évier. Il s'en occuperait plus tard, sûrement en même temps que s'occuper des patates.
Il enfila de bonnes chaussures de marche et passa son fusil en bandoulière, ses cartouches dans la poche extérieure de sa veste.

Il sortit en claquant la porte derrière lui, sans prendre la peine de la fermer à clé. Ces montagnes étaient désertes de toute façon.
Le soleil commençait à grimper dans le ciel, illuminant et chauffant le paysage quelque peu désertique. L'homme grogna. S'il faisait trop chaud les animaux se planqueraient dans leur trou.

Il escalada les pentes escarpées, suivant la piste d'un lièvre qu'il avait vu filer la veille.
Il traversa le torrent, prenant garde à ne pas mouiller son matériel, et avança dans une forêt.
Les résineux poussaient au hasard, disparates, masquant les rayons du soleil. Les yeux rivés sur le sol sec couvert d'épines, l'homme ne vit pas immédiatement le mur de pierre.
Il se cogna donc le crâne contre la falaise le surplombant.

Il grogna, lâcha quelques injures, et examina la paroi. L'ascension serait rude, mais pas impossible. Il cala son fusil entre ses épaules et agrippa la première prise à sa portée. Il se hissa sur quelques mètres, prenant garde à ne pas faire rouler de bouts de roche sous ses pieds, et observa les alentours.

Il n'était pas encore au-dessus des sapins mais le soleil l'atteignait, et il pouvait voir les montagnes aux alentours, rondes et verdoyantes.
La falaise diminuait vers la droite en pente douce, trop douce pour qu'il puisse envisager faire le tour, et il vit au bas de la muraille naturelle un rocher énorme qui semblait être tombé d'en haut s'il en croyait les fissures le recouvrant.

Il jeta un œil au-dessus de lui. Le sommet était encore loin, aussi se pressa-t-il d'avantage.
Il agissait mécaniquement, comme s'il s'agissait là d'un simple exercice quotidien. Il n'en était rien, l'homme découvrait pour la première fois ce versant de la montagne et cette falaise.

Il souffla un peu sous l'effort, mais fini par se hisser en haut du mur de pierre. Assis au bord, les jambes dans le vide, il admira un instant le vallon se réveiller. Une nuée d'oiseaux passa au dessus de la vallée, pépiant joyeusement.

L'homme inspira un bon coup. Le printemps était là, étirant ses branches paresseuses et ses feuilles tendres, et l'odeur entêtante de la résine embaumant l'air. Il s'insulta. Ce n'était pas le moment de faire dans la poésie.

FamilyWhere stories live. Discover now