Devoir N*1: Melody Clame

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« C'est tout pour aujourd'hui. Merci Melody, tu étais parfaite, » lâche finalement le photographe après plusieurs heures de shoot. Les lumières s'éteignent, les employés quittent le plateau tandis que je me dirige vers ma loge après avoir salué tout le monde, épuisée. Une fois là-bas j'abandonne ma longue robe bleu nuit à volants, pour une tenue qui me ressemble plus. Un jean effilé et un tee-shirt blanc cassé accompagné d'une veste en cuir.

« Si seulement je pouvais porter ces fringues tous les jours... » pensais-je. En effet, mon travail ne s'arrête jamais vraiment. En dehors du mannequinat, je suis toujours obligée de porter des vêtements chics, soit disant pour faire honneur à ma famille et à mon rang. Si jamais mes parents découvraient que je  possède et câche d'autres vêtements, je crois qu'ils me renieraient. Ne riez pas, mon père en serait sérieusement capable. Depuis toute petite, j'ai toujours été obligée de suivre la vie qu'il avait décidé pour moi. Et depuis toute petite, je ne cesse de le décevoir. Pas assez élancée, pas assez souriante, pas assez... Enfin, on est comme on est, et je me trouve très bien comme je suis.

Ni une ni deux, je me rends dans le vieux théâtre abandonné, à quelques rues seulement du studio où j'ai passé la journée. C'est le seul endroit qui me rend heureuse et où je peux être moi-même. J'y retrouve quelques affaires, dont ma guitare, et entame une ballade :

« I'm gonna love you

Until you hate me

And I'm gonna show you

What's really crazy... »

La scène, la sensation des cordes qui vibrent sous mes doigts, les tremblements d'émotion dans la voix... Je suis dans mon élément. J'aime les ballades. Ironie du sort pour une fille qui ne croit pas en l'amour et n'a rien de romantique ! J'aime le parfum de liberté qui se dégage de ces amours mythiques, même si je n'ai aucun espoir que ça ne m'arrive. Je suis condamnée à sortir avec les garçons que l'on choisit pour moi, comme Mathias Manson. Ce garçon, charmant, attentionné et apprécié par tout le monde est en fait d'une superficialité déconcertante. Il ne s'intéresse à moi que pour ce que je représente, une petite princesse, mais pas ce que je suis réellement. Enfin, à force de jouer la comédie, je ne sais pas moi-même qui je suis, ou quel genre de personne je veux être. Quel ennui ! Toute ma vie, je ne serai rien d'autre qu'une poupée.

Personne n'est là. Habituellement, je retrouve Jonathan qui s'isole pour répéter. C'est un Cinq, et je devais cohabiter avec lui lorsque nous nous retrouvions ici au même moment, mais j'ai vite apprécié sa façon de voir la vie et sa personnalité. Froide au début, il aurait dû être effrayé, mais non. Il souriait d'un air narquois. Cela m'agaçait, mais m'intriguait aussi beaucoup. Souvent, les garçons des Castes Inférieures font tout pour me plaire, et cela me lasse. Mais pas lui. Depuis, c'est mon confident, le seul qui me connaît vraiment en dehors de mon frère Mark. Mais en public, on ne se connaît pas.

Résignée, je finis par rentrer chez moi car j'ai un couvre-feu. Je dois toujours être rentrée à l'heure du Bulletin. Dans la maison, tout est précieux, je retrouve donc mes vêtements de poupée. Je les déteste. Ca peut paraître idiot, mais pour moi, c'est le reflet de ma vie. Propres, lisses, parfaits... d'un ennui mortel, pour moi qui aime la spontanéïté !

Cependant ce soir, chez moi, c'est très différent. La maison est en effervescence, sans que je comprenne pourquoi. Il y a même un homme que je ne connais pas, une caméra à la main !

« Bonsoir ! Mais que se passe-t-il ici ? » je demande, aussi polie que je puisse être, comme on me l'a appris. J'aperçois mon frère qui vient à mon secours.

RPG: La SélectionWhere stories live. Discover now