Beth

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  Elizabeth Rippert. Ça fait nom de princesse, non ? Sauf que j'en suis pas une. Je préfère Beth, j'ai pas de gentils petits serviteurs soumis à mes ordres ; et ma meilleure amie, c'est la solitude.

  Mes parents sont morts. Remarque, je m'en fous, j'avais huit ans, je les connais pas. Et puis on les a remplacés, on a trouvé deux bouche-trous pour s'occuper de la sociopathe. Maintenant, je vis avec Bruno, un lâche de paysagiste qui n'ose jamais dire non à sa femme Marjorie, une petite comptable avec une coupe au bol et des jupes tellement serrées qu'elles la boudinent au point que ses jambes ressemblent à des saucisses cocktails. Je supporte pas ces bouche-trous. 

  Originaire d'Amesbury, une petite ville près de Stonhenge, ils m'ont expatriée à Toulouse, dans le sud-ouest de la France. J'aimais pas Toulouse, Bruno et Marjorie si. Je travaillais bien, mais ne fréquentais jamais personne. Ma vie se partageait entre les cours, la musique et... Je restais seule volontairement, faire confiance aux autres c'est stupide. Ils finissent toujours pas vous trahir. Et c'est pas ce crétin de Florian qui m'a fait penser le contraire. Je ne regretterai sans doute jamais de l'avoir poussé dans les escaliers en fin de quatrième, même s'il a failli devenir tétraplégique. Le problème, c'est qu'on m'a virée.

  C'est là que j'ai commencé à fumer. On m'a réinscrite dans trois écoles différentes, toujours le même résultat : j'allais jamais en cours, j'étais exclue. Alors, ils ont décidé de déménager à Paris, dans le cinquième, là où on trouve le Panthéon et tout un tas d'Ecoles ; histoire que j'étudie, que mon avenir soit pas trop sombre. J'aime encore moins Paris. Du coup, chaque matin, je cache ma mèche rouge sous mes longs cheveux bruns, et je promets aux bouche-trous de bien travailler. Mais chaque jour, dès qu'ils ne me voient plus, je laisse ma mèche retomber devant mes yeux, je traîne dans les escaliers, ou dans la rue des Martyrs, où je retrouve cette mauviette de Gatsby, mon dealer. Coke, ecsta, hero, shit, tout y passe. Je claque tout mon héritage dans cette saloperie, mais j'adore ça. 

  J'évite de rester près de l'immeuble vers dix-sept heures, pas envie de croiser le petit bridé et son grand con de pote qui affiche toujours le même sourire niais. Je crois qu'on est dans la même classe, mais j'suis pas sûre, j'ramène pas souvent ma veste militaire et mes pantalons déchirés dans ce vieux bâtiment qui pue la richesse et les intellos fayots. D'ici peu de temps, le grand ponte du lycée enverra quelques paperasses notifiant mon exclusion, ça ne sera plus un problème. Le seul que j'aime bien dans cet immeuble, c'est David, l'étudiant en droit qui m'achète de la drogue pour ses soirées. Enfin, c'est pas vraiment ce fils à papa que j'apprécie, mais son fric.

  En clair, à l'appartement C18 habite une punk de seize ans aux yeux sombres, qui adore le metalcore et la drogue. Rien de plus. Mais il y a une chose que je n'ai jamais avoué à personne, même pas à moi-même, quelque chose comme un secret que je garderais.  

Les Larmes de l'IkebanaNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ