PART TWO: ─ B I T T E R P I L L

5 0 0
                                    


Les poissons, ils ont les orbites écarquillées et des écailles moirées. Les poissons, ils chantent un spectacle de mime, une représentation artistique. Les poissons, ils ne se plaignent jamais de leur condition.

...

En fait ils n'y font pas attention.

Avec désespoir, Sully observe les bulles, elles s'échappent sournoisement pour aller se suicider contre la surface. Il voudrait les imiter, mais par instinct de survie et non l'inverse. Une réflexion sur l'antagonisme humain-eau le traverse et il note mentalement pourquoi les hommes et les sirènes n'auraient jamais pu vivre une histoire d'amour potable. Ecailles et chairs sont toxiques réciproquement. On aurait pu écrire du Roméo et Juliette à la Homère.

Homar. Caviar.

Pas de dessert pas de prince. Sa couronne est parterre et son cœur de jeunesse avec.

Répit - inspire bruyamment, avant de replon-... La douleur lui traverse le corps, parcourant ses vertèbres comme on feuillette un catalogue. Une vague sournoise. Il crie, tousse, et refuse d'ouvrir les paupières, comme si la fine membrane de chair pouvait lui éviter de participer au spectacle. L'autopersuasion, ça marche si on heurte répétitivement un mur carrelé?

- Alors, mademoiselle, tu es sûre de ne pas t'être trompé d'endroit pour venir pisser? Tu es perverse, coquine, et si on te dépucelait?

Le lavabo avait limite plus de sex-appeal.

Etre tête de turc, ça ne s'invente pas. Nul ne décide sur un claquement de doigts de s'improviser professionnel du domaine. Pour dire, on était même un éternel apprenti. La seule tâche qui importait, c'était de s'y coller avec plus ou moins de brio.

Et s'y faire n'était, somme toute, pas donné au premier venu.

- Crevette, tu as appris à parler quand même, non?

Non, Maman lui avait toujours dit de ne pas ouvrir la bouche pour contenter un inconnu. Et trois mois n'était pas assez pour décréter être familier avec qui que ce soit.

Surtout pas lorsqu'on ne connaît que des mains aux visages anonymes.

Sur le schéma social d'un étudiant américain, il existe plusieurs niveaux de victimisation, comme des terrains de jeux où l'affrontement immanquablement illégal est à déverrouiller pour un nouveau round. Un enfer de montante-descendante où il faut sortir les griffes, pas seulement pour se défendre mais aussi pour obtenir un simulacre de répit.

De toute évidence, Sully ne détenait pas la meilleure situation dans cette pyramide de course aux privilèges. Avec hargne, il serre les dents et retient son amertume, une saveur âcre aux relents d'acide sulfurique n'ose imputer à ceux qui ont déjà la gentillesse de s'endetter pour leur payer un avenir comme il faut - il a conscience de la ruine qui les attend, imminente, chuchotante. Encore qu'il doute de la pertinence et de la légitimité de celle-ci.

La gentillesse, a-t-elle vraiment quoi que ce soit à voir là-dedans ? Une boule d'incrédulité lui chatouille les côtes. Une menace pour une blague; or, chacun sait que les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. Et s'en convaincre, une autre affaire.

Protégés par ses chaussures, il a les orteils qui dansent leur comptine; une en seconde trois pour couper les cheveux en quatre, cinq-uiète six septuagénaire s'oct(r)o-yant un oeuf dix-parate -... Une délivrance minutée qui ricoche dans les halls, entre sol et plafond, et persuade enfin ses bourreaux

Les partitions éparsesWhere stories live. Discover now