GIVE IT A TRY - Momo

3 1 0
                                    


Un pas, deux pas. Les talons crissant sur le gravier terreux, épousant la boue délavée de l'hiver, et les semelles qui bâillent légèrement pour mieux donner des engelures. A la prochaine monnaie, se jura-t-il, il faudra investir dans une paire de chaussettes. Les plus épaisses possibles, les plus chaudes qu'il puisse se permettre. Les délicatesses de Mère Nature, il les aimait, sans le moindre doute; sauf, de fait, ces bises aussi glacées que le silence qui l'enveloppe depuis déjà quelques années. Un silence bruyant certes, mais bruyant de colère, de négligence, d'indifférence. Des silences comme ça, il n'en voulait pas; et face à ce mur contre lequel nul ne peut ni ne veut lutter, il avait appris à se taire, à serrer ses lèvres l'une contre l'autre, en les écorchant un peu parfois, et en ne les entrouvrant que pour pousser un cri rauque, des gémissements sans sens; articuler ce qui, pour les autres, étaient les délires des muets.

Son reflet lui, s'effaçait déjà par petits bouts.

Une à une, il dépasse les vieilles stèles que le lichen envahit sans vergogne. Il trouve ça poétique, la pudeur du temps et des souvenirs qu'on ne vient plus que fleurir ponctuellement. Il trouve ça intime. Il trouve ça étrangement métaphorique. Les touristes autour de lui ne lui prêtent pas attention, ils ne se préoccupent même pas de savoir vraiment les secrets qui sommeillent à quelques mètres sous terre - parfois moins que ça.

Sept pas, huit pas.

Le menton enfoncé dans son écharpe trouée, élimée, râpée d'avoir trop servie malgré le soin qu'il lui apporte, il suit des yeux le pékinois aux poils sales qui gambade sur les marches.

Momo et Tarantino.

Ca lui donne envie de rire, et ça lui fait affreusement mal en même temps. Dans la gorge et quelque part dans la poitrine, il sent une corde qui se casse ou qui branle, tangente. Les trois quarts des gens qui le croisent ne savent pas qui il est, ne le regardent même pas, parfois ils détournent même le regard lorsqu'il s'avance au milieu d'eux. Il arrive qu'on jette une pièce dans sa gamelle, et lui, il se demande ensuite si c'est au chien qu'il doit offrir ses piécettes. C'est quand même con, hein. Parce que le plus humain des deux, aujourd'hui, pour les autres, c'est sûrement la bête. Et Momo ça le fait sourire avec un peu d'amertume entre les dents et entre les lèvres.

Tarantino, mon garçon, tu es promis à de grandes choses.

Il marche encore un moment, l'esprit un peu flou, à moins que ce ne soit une de ces maigres euphories qui le prend quelques fois. Parce qu'il s'y est fait. Parce qu'il oublie un peu, à force de baigner dans la pauvreté de la rue.

Au bout de quelques minutes, il s'arrête; l'endroit est calme, paisible, isolé. Les gens restent à l'écart et les anonymes ont droit à un petit havre de paix, abrités sous le parapluie d'un saule. La tombe qui se dresse devant lui est marquée par les aléas de la météo, et aussi par les ans qui se sont succédés. Il la visite tous les jours, puisque maintenant il a des jours entiers à lui accorder, mais n'apporte des bouquets que rarement. Récolter un pécule suffisant pour offrir des roses aux tiges coupées, prêtes à mourir elles aussi, ça demande plus d'énergie qu'il n'est capable de fournir.

- Bonsoir, Maman... Tu vois, aujourd'hui aussi je t'ai emmené Quentin. C'est toi qui l'appelais ainsi, alors qu'il n'a jamais eu de prénom à proprement parler. Mais ça te faisait rire. Maman, Quentin c'est un peu ton bébé, pas vrai? Même s'il a grandi. C'est un fier gaillard maintenant, tu sais? Regarde comme il court.

Le gaillard en questionagite la queue en signe d'approbation    

Du hast das Ende der veröffentlichten Teile erreicht.

⏰ Letzte Aktualisierung: Jan 09, 2019 ⏰

Füge diese Geschichte zu deiner Bibliothek hinzu, um über neue Kapitel informiert zu werden!

Les partitions éparsesWo Geschichten leben. Entdecke jetzt