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Chapitre 1/ Skinny

n o t e d e l ' a u t e u r

cette fiction sera racontée selon le point de vue de plusieurs personnages. généralement, un chapitre ne sera raconté que par l'intermédiaire d'un seul point de vue, ces derniers changeants à chaque chapitre. Chaque point de vue sera indiqué en début de chapitre, en gras, et entre parenthèses.
En espérant que ce chapitre vous plaise,
Bonne lecture :)

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(m e r c y)

(t'es tu déjà allongé sur ton lit la nuit en pleurant parce que tu n'es pas assez bien? En recomptant tous tes défauts et te sentant encore plus mal. Et te sentant juste trop moche et seule.)

Mai
Je sais ce qu'ils pensent de moi. Ils n'ont pas besoin de me le dire, je le vois dans leurs regards.
"Je préférerais mourir, plutôt que de ressembler à ça"
Je baisse honteusement les yeux, et remonte l'allée de ma salle de classe, préférant m'assoir dans le fond.
"T'es vraiment énorme" semble me dire Marie "taille-zéro" Thompson, de son regard insistant, lorsque je renverse par inadvertence son sac à main en passant. Elle soupire bruyamment, avant de ramasser prestement le contenu de son Prada, le déplaçant de l'autre côté de le table.
Crois-moi Marie, je ne serais pas passée devant toi, si je n'y avais pas été obligée. Je n'ai pas le choix, je ne peux pas y échapper. Je ne peux pas m'échapper. Je suis piégée entre ces couches de bourrelets et de cellulite. Tout me semble trop serré, inconfortable.
Du moment où je me réveille, ayant du mal à me mettre debout, au moment où je me couche, je suis coincée dans cette énorme armoire qu'est mon corps.

La colère tapis au fond de moi grandit, s'échappant des différentes couches de mon corps. Marie est une cible facile.

- Marie, ma sœur m'a dit que tu t'étais très bien débrouillée lors des entraînements de cheerleader. En excluant "cette partie", tu sais...

Je laisse ma phrase en suspens, attendant que le doute et la peur s'installent dans son esprit. Elle n'a aucune idée que cela fait des mois que ma demie-sœur, capitaine de l'équipe de cheerleader du lycée, et moi ne nous adressons plus la parole.
Voyant la peur dans le regard de Marie, je me sens un peu coupable, et décide de rengainer cette haine que j'ai envers elle.
Marie se tourne vers sa meilleure amie, aussi maigre qu'elle, Whitney Reeds.

- Tu m'avais dit que mes enchaînements étaient parfaits!
La deuxième haussa les épaules, en signe d'incompréhension.

- Pas mal! me félicite Alicia Garcìa, inscrite au club de théâtre.
Tandis que j'avance difficilement à travers les tables, elle me tape dans la main comme si nous étions deux bonnes amies. Ce que nous ne sommes pas. Je crois qu'elle me déteste juste un peu moins qu'elle déteste Marie et sa bande de Barbies "taille-zéro".

"Tu es comme un marshmallow. Énorme. Et dégueulasse."
Je continue à remonter l'allée à contre-coeur. Je passe bientôt à droite de Peter Holt.
Il porte un jean foncé avec une chemise bûcheron déboutonnée par dessus un t-shirt bleu. Je remarque un bracelet de cuir brun autour de son poignet droit, tandis qu'il passe la main dans ses cheveux noirs. J'aime le fait qu'il ne semble porter aucune importance à son style vestimentaire. J'aime cela, et à peu près tout chez lui.
Si seulement je pouvais lui parler, le toucher. Je m'assiérais à ses côtés, il m'entourerait de ses bras. Je me mettrais sur la pointe des pieds, reposant difficilement la tête sur son épaule trop haute pour moi.
Et je sais exactement ce que ça fait, car je l'ai vécu, Il était une fois.
J'attends qu'il relève les yeux sur moi pour deviner ce qu'il pense, mais il ne le fait pas. Je ne sais pas ce qui me blesse le plus, que Peter ne pense rien en mal de moi, ou qu'il ne pense pas du tout à moi. Lorsqu'il était pré-pubère, avec ses dents de travers et ses lunettes rondes, il pensait souvent à moi. Maintenant qu'il est grand, qu'il porte des lentilles et a de belles dents droites et blanches, il a oublié la cabane que nous avions construit dans son jardin, et le baiser que nous avions partager derrière l'arbre du jardin public. Maintenant qu'il est populaire, je n'existe plus à ses yeux.
J'aurais tellement voulu être l'une de ces filles dans la bande de Marie "taille-zéro" Thompson, avoir un ventre plat, presque inexistant et des cuisses fines et légèrement musclées. J'aurais tellement voulu être plus maigre, plus jolie, pour qu'il me remarque.

Peter se retourna, riant à une blague de Marie à propos d'une soirée le week-end dernier. J'accélère le pas. Je regarde droit devant moi, cherchant des places restantes dans le fond de la salle. Le dernier rang est toujours remplit en premier, pourtant, je m'arrange toujours pour arriver en avance, me réservant une place. Pas cette fois. Je balaye la salle du regard. Y'a-t-il une place pour moi? Quelque part?
Il reste une table. C'est le genre de table d'écolier, avec le haut qui se referme au dessus de l'estomac. Mais il ne se refermera pas au dessus du mien. Je devrais alors le laisser ouvert, déposant mes affaires de classe sur mon flanc. Un flanc qui n'existe pas.
"Tu feras tomber des choses, que tu sera incapable de ramasser. Les autres te regarderont, se moqueront, te pointeront du doigt. Tu te feras encore plus remarquer. Est-ce que c'est ce que tu veux, Mercy?"
Je cherche en vain une autre place. Il n'y a pas d'autre choix. Je m'assois difficilement sur la chaise, mon ventre comprimé par la table. Je dépose lentement mon sac de cours sur le sol, en prenant garde de bien le refermer, évitant ainsi au contenu de s'éparpiller. Contenu que je ne pourrais bien évidemment pas ramasser s'il venait à se renverser. Je ne veux pas plus attirer l'attention.
Je dépose rapidement mon cahier sur mon estomac, l'ouvrant à une page blanche.
Mon professeur de maths regarde dans ma direction. "Pauvre gosse! Elle ne peut même pas s'asseoir correctement sur la chaise!"
Il entame finalement son cours.

△▽△▽

Je préfère attendre que tout le monde ai quitté la salle, avant de sortir à mon tour. Je m'extirpe douloureusement de ma chaise, rejoignant mes deux amies, Salma et Elisa, dans la cafétéria. Je ne comprends toujours pas ce qu'elles font avec moi. Peut-être restent-elles par pitié.
Marie et Whitney passent devant notre table. "Elle ne pouvait même pas s'asseoir!"
Je n'ai pas besoin de regarder Whitney dans les yeux pour deviner ce qu'elle pense. Je l'entends distinctement. Whitney Reeds ne prend même pas la peine de baisser d'un ton. Elle porte un crop top rose avec le mot "Juicy" inscrit en paillettes dorées au niveau de ses seins.
Les gens pensent qu'en étant gros, on devient sourd à la fois.

- Je ne savais pas qu'il existait des pantalons dans cette taille, continue Whitney, Je devrais peut-être faire un régime. Je t'ai dit que mes jeans devenaient un peu serrés?
- Ne t'inquiètes pas, tu ne ressembleras jamais à ça. la rassure son amie Laura, une petite blonde aux yeux verts.

Salma m'assure à son tour, que je n'ai pas à m'en faire, que je suis très bien comme je suis.
- Oui, ne va pas écouter ces idiotes de "taille-zéro". renchérit Elisa

Une partie de moi aimerait les croire en passant outre ces paroles méchantes prononcées pas Whitney et l'autre blonde. Mais au fond de moi, je rêve d'être comme elles: mince, élancée. Populaire. J'aimerais pouvoir porter l'un de ses crop tops, sans avoir à craindre l'apparition d'éventuels bourrelets. J'aimerais être admirée de tous, comme elles le sont. Mais la seule chose pour laquelle je suis remarquée est ma taille "imposante".
En face de moi, Elisa et Salma changent de sujet, échangeant sur le dernier John Green qu'elles ont lu. Je prends part à la conversation, à mon tour. Le problème établit est de déterminer qui d'Alaska, Margo et Hazel Grace est la meilleure héroïne, et pourquoi.
Salma assure avec force qu'Alaska est de loin la "plus talentueuse". C'est un personnage assez complexe, d'après Elisa, lui préférant Margot. Cette dernière se souciant peu du regard des autres. Tout en débattant avec elles, je me fais la promesse de devenir comme Marie "taille-zéro" avant la fin de mes années lycée.