Mutem

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Victor s'assit dans le coin de la cour de récré afin de n'être vu de personne. Il se retrouvait alors seul avec la créature hideuse porteuse de nombreux noms tout aussi affreux représentant la noirceur enveloppant l'être fait de ténèbres glaciaux et enivrants. Il n'osait pas manger, jeûner étant devenu une de ses occupations quotidiennes. Lorsque la Bête ne se plaignait pas, le temps semblait ralentir et brisé ; les secondes ressemblaient à des minutes et les minutes à des heures. Plus le froid des mécaniques temporelles le prenait en grippe, plus les envies de lames de rasoir colorées en rouge s'imprégnait dans son esprit l'empêchant de se concentrer sur sa propre vie ; chaque instant de celle-ci était un supplice où il fallait survivre sans réelle raison. Et ça, il croyait détenir la raison pour laquelle la vie était si importante. 

J'ai besoin de compagnie... 

Les amis de Victor arrivèrent alors. Ils s'assirent avec lui sur le banc et se saluèrent en silence. James ne possédait que des tartines emballées dans de l'aluminium alors que Simon dégustait un cornet de pâtes comme s'il n'en avait jamais touché. James prit la parole en premier.

-Vous avez vu les nouvelles hier soir ?

Simon releva les yeux.

-La mort de Séréna ? Ouais. J'ai réussi à voir quelques photos qui ont fuitées et franchement, même si je ne la connaissais absolument pas, elle ne méritait pas de mourir de manière aussi... carnassière ?

-Ouais, moi aussi j'ai eu la malchance de tomber sur des photos de son corps réduit en charpies. Et encore, je ne suis pas vraiment sûr que "charpies" soit le mot adapté.

Victor releva la tête et scruta le visage de son ami.

-James, pourquoi essaies-tu de cacher la blessure près de ton œil ?

-Hum, ça ? Oh non, ce n'est rien, je me suis juste battu avec mon chat, il est devenu complètement fou, m'a sauté sur le vi-visage et m'a griffé. J'essaie de cacher ma marque parce que je n'ai justement pas envie que l'on me pose cette question, tu vois ! Je veux dire, expliquer ça à longueur de journée, c'est épuisant.

-James, sans vouloir être vexant ou quoi que ce soit d'ailleurs, personne, à part Simon, moi et peut-être tes parents ne pourraient te poser la question.

Il grimaça et bougea la mèche de ses cheveux.

-Oui. D'accord. Tu as probablement raison. Non, tu as complètement raison. Mais je n'avais vraiment pas envie d'en parler, tu vois ?

Simon prit la parole dont en fronçant les sourcils et en posant un doigt sur son arcade sourcilière. 

-Attends, quoi ? Tu ne veux pas parler de... ton chat ? Sincèrement ? Tu peux tout nous dire, on est là pour ça tu sais.

James balança sa tête de droite à gauche, ferma les yeux quelques instant, se mordit la lèvre et serra violemment son pain.

-D'accord, oui, c'est faux, contents ? Lorsque j'ai quitté les cours hier, il n'y avait presque personnes, sauf trois zigotos complètement chtarbés et dérangés mentalement. Du moins, deux d'entre eux. Je soupçonne le troisième de souffrir de troubles extrêmes de la personnalité. Ils m'ont accostés et bien évidemment, m'ont tabassé gentiment. Rien de grave quoi, ils ont juste été un peu violents en attaquant mon visage quoi !

Son petit copain laissa tomber sa fourchette dans son cornet et le regarda la tête penchée, l'air dubitatif.

-"Gentiment" ? T'es sérieux toi ? Attends, à partir du moment où tu utilises le verbe "Tabasser" et "Gentiment" dans la même phrase, je dirais plutôt que c'est toi qui a un léger problème mental mon vieux !

Ad BaneWhere stories live. Discover now