Suspensus

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Simon était étendu dans son lit, le bras barrant son front. Il faisait semblant de dormir, préférant éviter un quelconque contact humain. Sa rupture avec James était bénéfique, il le savait, mais il ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir, les regrets et les remords empalant son cœur pourtant si jeune. Il se disait toujours que c'était sa faute si, au final, tout cela avait abouti à ce brisement. Il aurait dû faire plus d'efforts, autant sur le plan physique que psychologique. Il n'avait pas été un bon petit ami ; en même temps, c'était son premier essai, et généralement, les premiers couples formés pendant l'adolescence ne restent jamais soudés bien longtemps. 

Mais le problème, c'est que lui, par rapport aux autres enfants de son âge, il en avait besoin. Il se sentait si bien, lorsqu'ils arrivaient à emboîter leur corps de manière si légère et pourtant puérile. Il se sentait si bien lorsqu'ils se touchaient, le contact de sa douce peau planche lui hérissait ses poils blonds, son sourire le rendait instantanément heureux. Malheureusement, cette dernière action n'arrivait pas souvent. 

05/01/2043

À force de penser, il finit par s'endormir. 

Il se réveilla alors dans une grand plaine, recouverte par un ciel gris gonflé d'eau prête à se déverser sur l'herbe. Il remarqua qu'il était affalé sur une longue pierre plate aux couleurs sombres. Il croyait que la roche était du marbre, même s'il entendait ; jamais il n'avait vu du marbre aussi sombre et agréable au touché. 

Il observait les horizons, examinant les hautes montages aux pics enneigés l'encerclant de toutes parts, les nombreux talus où le gazon avait commencé à pousser, les arbres certes communs mais tout de même magnifiques plantés par-ci par-là, de manière plutôt désordonnée. Il remarqua à sa droite une immense forêt aux jolies couleurs vives se dresser jusqu'au flanc de la plus grosse montagne. En contrebas de là où le garçon se situait, coulait une calme rivière d'un bleu dragée. Elle rentrait également dans la grande forêt. Simon se doutait fortement que l'eau passait sous la montagne où alors qu'elle retombait dans une source posée au pied d'un gros bloc de terre. Mais évidemment, il n'en savait rien, il se basait uniquement sur des décors qu'il avait déjà visionné dans des films ou bien des séries. 

Le garçon onirique sauta en bas de la pierre et vit qu'il portait exactement la même chemise que celle avec laquelle il s'était endormi ; une chemise blanche sans manche remplie de plis qui laissait apercevoir ses bourrelets ainsi que son ventre omniprésent. Il portait également son boxer blanc aux bords rouges, laissant ses cuisses à l'air libre. Il aurait probablement dû avoir honte de se retrouver ainsi, presque nu, en plein milieu d'une plaine, contemplatif sur l'une des plus hautes collines. Mais étrangement, il savait que personne n'était là ; il pouvait le ressentir. Personne n'était là. Car il n'avait pas envie d'en voir. Il dévala la pente herbeuse et se retrouva tout en bas du sommet où il se trouvait précédemment. Il regarda timidement les bois, sans vouloir les approcher pour autant. Au lieu de visiter le reste de la plaine, il s'avança vers la rivière. Il buta un instant sur une pierre, ce qui le fit grimacer, mais qui ne changea pas grand chose à son trajet. 

Il s'arrêta au bord de la rive gauche et se contempla dans l'eau limpide suivant son libre courant. Il savait s'y voir. Il voyait sa coupe blonde et moderne qu'il chérissait énormément, ses grosses joues, ses yeux fins et sa bouche émettant un rictus continu. S'il ignorait qui était la personne dont le visage se reflétait, il aurait pu la trouver belle. Malheureusement, il savait bien que c'était lui. Encore et encore lui. Et si pour un instant il pouvait juste...

Il plongea la tête la première dans le cours d'eau et l'eau devient beaucoup plus sombre ; elle tourna à l'indigo et les rayons du soleil disparurent. Il n'avait pas besoin de voir ou de respirer car il connaissait l'océan. Il remonta à la surface et vit la lune rouge flotter au-dessus de sa tête dans un ciel noir rempli d'étoiles. Il s'était bien éloigné de la berge. Il y alla en brasse, regardant avec attention l'île tropicale où régnait en son centre un immense volcan entièrement recouvert d'améthyste. Dans le ciel, de la poussière orange tentait de couper les étoiles, en vain. Simon arriva enfin sur le bord de la plage et sentit le doux sable parfait toucher ses pieds. Il s'y assit et regarda la mer, se demandant jusqu'où ce paradis onirique et changeant pouvait s'étendre. 

Ad BaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant