Caedes

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Les fenêtres explosèrent. Tout le monde hurla et s'enfuit alors, espérant pouvoir fuir aux armes mortelles. Certains tentèrent de monter par les gradins, mais ceux-ci se refermèrent sur eux sauvagement, broyant leurs poumons, les faisant suffoquer pendant de longues minutes de souffrance. 

Le panneau où les points étaient auparavant affichés explosa, un éclair tomba sur le toit du centre sportif. 

Les sbires commencèrent alors à tirer de nouveau sur toutes les personnes présentes dans la pièce. Perforés par de multiples balles, certaines personnes ne semblaient plus avoir de corps, comme s'ils n'avaient été composés que par des boyaux et des organes, sans chair ni os.

James prit par le bras Simon et Victor, les emmenant vers la porte de sortie. Alors qu'ils s'apprêtaient à pousser la porte, il sentit une douleur vive dans sa jambe. Il cria et tomba sur le sol. Il se tenait la jambe, constatant avec effroi que toute sa cuisse était dorénavant ensanglantée. 

-Oh putain de merde ! s'exclama Simon, scrutant le trou que la balle avait formé dans la jambe de son ami.

-Pas le temps de traîner, prends le sur ton dos ! hurla Victor, tentant de crier plus fort que le bruit du vent et du tonnerre. 

Simon prit alors James sur son dos et fonça vers l'issue de secours. Le garçon sur son dos se retourna légèrement et vit que la personne qui l'avait touchée était maintenant immobile, le regardant s'éloigner. Il ne voulait pas le tuer, ni même le blesser. Il voulait juste les mettre en garde, leur montrer qu'ils avaient maintenant un contrôle sur tout et que l'histoire de la Bête était bien plus compliquée que ce qu'ils n'avaient réussi à imaginer.

***

Victor se tenait au chevet de James, les mains posées sur ses cuisses, son regard perdu dans les ondes du vide, contemplant ses pensées. Il n'arrivait toujours pas à trier ses pensées, à les analyser ou même à les croire. Ses visions commençaient à concorder et la seule chose qu'il arrivait à peu près à tirer comme conclusion était qu'ils n'étaient que des pantins insignifiants aux yeux de la Bête, des pions qu'il fallait déplacer pour arriver à un but encore invisible aux yeux du jeune garçon à cet instant. 

Même si la blessure de son ami n'était pas particulièrement profonde, il avait perdu énormément de sang. Ils étaient sortis du gymnase et ont été confrontés à la police. Entendant le récit du spectacle auquel les adolescents venaient d'assister, la police appela de multiples ambulances et décupla ses forces. Malheureusement, ils n'ont trouvé que des cadavres éparpillés un peu partout, sans personne armée. La seule chose qu'ils ont retrouvé qui pourrait appartenir aux terroristes étaient des blouses noires et des lambeaux de chair réunis en un monceau. Encore une fois, une multitude d'articles pointant du doigt l'incapacité à la police de réagir rapidement sans même se préoccuper des morts. Les seules personnes ayant parlées des morts les utilisaient comme excuse pour vendre car le morbide attire et évoque une certaine part de ténèbres que l'on dissimule mais qui a besoin de son lot de déchéances et de violences. 

De nombreuses théories et suspicions se tenaient dans la tête des habitants, mais aucun n'osait mettre le sujet sur la table. Ils ne voulaient pas en parler, comme s'ils allaient réveiller le plus grand des démons et déchaîner la colère de Thanatos, ramenant Cthulhu parmi nous, brisant les dimensions et apportant des centaines de créatures immondes telles que les dépeignait Lovecraft*. 

Le myope sortit de sa rêverie et se leva. Il s'approcha du corps endormi de son ami, scruta un instant son visage et s'en alla. 

Lorsqu'il sortit de l'hôpital il se dirigea vers sa mère qui l'attendait dans la voiture. 

-On avait dit dix-huit heures, t'es dix minutes en retard ! dit-elle, une cigarette à la main.

-Je sais maman. Je me suis endormi. Tu as des nouvelles de l'attentat ?

-J'en ai rien à foutre des attentats si tu es en vie. J'ai toujours trouvé que c'était une mauvaise idée les cours de gym, à quoi ça vous sert, tiens, comme presque tous les cours que vous avez d'ailleurs ! Vous finirez tous comme des drogués de toute façon !

Il ouvrit la porte de derrière et s'assit sur la banquette. Sa mère se retourna, une lueur de malice baignant dans ses yeux embellie par un sourire sarcastique sur son visage fripé.

-Sauf toi mon poussin, n'est-ce pas ?

-Je ne me droguerai jamais et je ne me drogue pas. Je prends des médicaments, mais je ne me drogue pas. Ce n'est qu'un traitement, je ne suis pas fou, je suis juste précoce. 

-Tout juste chéri ! On va rentrer, tu vas prendre tes comprimés, on va manger, et tu iras dormir d'accord ? Je ne veux pas que tu traînes en lisant un livre ou en allant sur l'internet ! 

-Bien entendu maman.

Elle démarra la voiture, le moteur hoquetant légèrement. Il marmonna entre ses dents "Pauv' conne" et elle se retourna, prête à mettre le contact.

-Qu'est-ce que tu as dit mon poussin ?

-Oh, rien de bien intéressant maman. Je me disais juste que j'étais heureux d'avoir une mère si compatissante que toi.

Sa mère sourit.

-Je fais mon possible. Ce n'est pas facile de t'avoir, alors j'aime bien quand tu remarques que tu n'es que le sombre fruit d'un péché.

Victor ne répondit rien, mais continuait d'alimenter sa partie ténébreuse, celle qui attendait le jour où sa mère allait mourir, un burger coincé dans son œsophage. Il la voyait dépérir lentement, s'éteignant à petit feu devant lui, alors qu'il pourrait l'aider en propulsant le morceau mal mâché. Mais il savait qu'il ne ferait rien pour sauver sa mère. Pour rien au monde, il ne l'aimerait.




Notes d'auteur inutiles (ou inutile, si vous préférez) :

*Je suis un grand fan de H.P. Lovecraft. Avec Stephen King, c'est l'un de mes auteurs préférés !

Ad BaneWhere stories live. Discover now