Goner

50 6 1
                                    

Le ciel était encore si sombre, profondément endormi dans un lit de bleu nuit, que je m'avançais dans la ruelle, brisant l'air glacé qui dominait la ville au petit matin.
Je frottais frénétiquement mes mains, même en sachant que je ne pourrai les réchauffer.
Mon manteau de laine ne m'apportait pas assez de chaleur, et les multiples coussins et couvertures qui me berçaient encore quelques heures auparavant me manquaient affreusement. Mon écharpe enroulée autour du cou, je claquais des dents, frigorifiée.
Puis, seulement quelques secondes après que je sois arrivée à l'arrêt, le bus apparut au coin de la rue.
A l'intérieur il faisait plus chaud, les ventilateurs du moteur placés en dessous des sièges réchauffaient mes pieds gelés. Je regardais la ville défiler derrière la vitre embuée, avec un petit soupçon de dépit.
En vérité je n'avais absolument pas la moindre envie, ce matin-là, de me rendre au lycée.
Je pensais à Arnaud, mon ami d'enfance, mon complice de sottises, mon confident de toujours, celui auquel je pouvais confier moindre de mes secrets, vécus et ressentis. Il était le seul à toujours me comprendre, me soutenir quoiqu'il arrive, être là quoiqu'il advienne.
Arnaud voulait s'engager dans une voie professionnelle assez particulière, alors pendant l'année de Troisième, il s'est battu, il s'est dépassé, il avait cette rage de vaincre et de réaliser ses rêves.
Il a brillamment réussi son brevet.
Et il est parti dans un lycée professionnel.
Alors que je me suis dirigée vers le général.
Il était parti...
On ne se voyait presque plus, et de moins en moins encore.
L'autre jour, je l'ai croisé dans la rue, alors je lui ai souri et j'ai voulu m'approcher, pour le serrer dans mes bras, lui dire qu'il me manquait, terriblement.
Mais il a continué son chemin à la vitesse de l'éclair, sans même me voir.
Sans même me prêter un peu d'attention.
Une larme coule le long de ma joue.
Il me manquait tellement... Je n'avais pas réalisé à quel point mon quotidien était différent sans lui, sans son rire, sans ses sourires, sans ses conseils, sans notre amitié.
La vie nous avait mené sur de différents chemins, et je lui en voulais beaucoup, à cette vie, de m'avoir privée de l'ami le plus extraordinaire que j'ai jamais eu.
"Prochain arrêt : Lycée Jules Verne."
Je me suis redressée, et j'ai regardé par le pare-brise du conducteur, le lycée apparaître au bout de la rue.
J'ai vite séché mes larmes, tenté de faire le vide dans ma tête pendant un instant, et je suis descendue alors que le ciel aux aurores prenait une légère teinte rosée.
Allez Louna. Souris. Regarde toi, regarde toi un peu.
Tout n'est pas si noir, courage.

LOUNA - IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant