Dernier nous

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La journée avait passé à une allure pour le moins, déprimante.
J'avais l'impression de toujours revivre un modèle type, avec seulement quelques petites modifications, qui distinguaient chaque jour du précédent.
J'avais désespérément besoin de ce petit rien qui changerait tout. J'avais besoin de tout remettre en question, vraiment. Besoin de faire le vide et de repartir sur de nouvelles bases, besoin de passer à autre chose, de découvrir de nouveaux horizons et putain, de pimenter un peu cette vie qui en a cruellement besoin.
J'ai toujours aimé l'interdit.
La sensation qu'il me procure, ces frissons que je ressens.
Quand je fais quelque chose qui m'est interdit, je me sens invincible.
Aussi fou et absurde que cela puisse paraître. C'était ma philosophie.
La nicotine qui se rependait dans mon corps a chaque clope.
La sensation d'oubli que me procurait l'alcool et ce fameux verre de trop.
Les soirées, toujours plus dégentées.
Voilà de quoi était fait mon échappatoire, ma parenthèse, à moi. Ce qui me permettait d'oublier un instant le goût à la fois fade et amer de mon triste quotidien.
Ce n'était pas très raisonnable, et j'en avais parfaitement conscience. Mais je m'en foutais.
Je m'amusais, je m'échappais.
J'étais une autre Louna. Celle que personne ne connaît, la véritable, l'originale.
Celle qui n'a pas été méticuleusement retouchée par les mains minutieuses de ses parents, à l'éducation stricte, l'expression polie, et bien-sûr, toujours souriante.
Au fond, derrière toutes ces mascarades, j'étais une ratée, une vraie de vraie. Ratée. Loupée. J'avais merdé.

Enfin, Lukas arriva dans le parc pour me rejoindre.
Clope dans une main, portable dans l'autre, je le fusillais de mon regard intensif, pour qu'il dédaigne de prendre cet air innocent, en parfait je-m'en-foutiste. Sans succès.
Accablée de découragement, je poussais un long soupir, et levais les yeux au ciel.
Lukas était maintenant devant moi, et son attitude commençait sérieusement à m'énerver. J'avais juste envie de lui hurler à la figure et de vider mon sac, savourer la transition de son expression vers l'ébahissement, et le planter là.
Mais je me suis retenue.

Il tenta de s'approcher pour m'embrasser, mais je le repoussai aussitôt.
Soudain il parut plus énervé, profondément blessé comme si je lui avais planté un poignard en plein cœur. Ou presque.

Lukas - Bon, Louna putain... Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je pris quelques courtes secondes de réflexion. Je ne voulais pas que tout soit trop... Brutal.
Mais comment ne pas être brusque lorsqu'on abandonne quelqu'un qui nous aime ?
Ou plutôt, censé nous aimer...

Moi - Lukas... Écoute... Je... Oh et puis merde. J'en ai assez de tout ça Lukas...
Lukas, me coupant - Euh, pardon ? Tu en as assez de quoi ?

Je pris une grande inspiration. Il fallait que je me calme, et que je me concentre.
Mais j'étais incapable d'y parvenir... Malgré mes efforts. C'était malgré moi.

Moi - J'en ai marre de nous Lukas, de toi. C'est pas une relation, ce qu'on vit, c'est tout sauf ça, je suis désolée... Je n'existe pas à tes yeux, sauf comme un objet de distraction devant les autres. "Regardez j'ai une copine", je ne te sers vraiment qu'à ça ? Je suis navrée mais c'est trop pour moi. Tout part de travers tout le temps... Y a plus rien entre nous. Et j'en ai assez qu'on se mente à se balancer des "je t'aime" qui n'existent pas.
Désolée Lukas. Je refuse de continuer comme ça.

Il resta de marbre, plus ou moins. Sa mâchoire se contracta, et ses yeux gris perle semblaient tout à coup se retourner contre moi, son regard s'endurcit.

Lukas - C'est tout ? T'as fini, c'est bon ?

Je ne réagis pas. Il fronça les sourcils davantage.

Lukas - Très bien. Pour ta gouverne, je m'attendais franchement à ce que tu me quittes ce soir. J'en étais même presque sûr, mais après tout cela paraissait plus qu'évident. Dans trois jours je te manquerais déjà. Tu reviendras me voir et comme un con, je t'ouvrirai grand les bras parce que moi, je t'aime, et ce ne sont pas des mensonges tu vois.

Je baisse la tête. J'avais été trop directe, comme d'habitude.
Mais soudain mes idées s'éclaircirent.

Comment ça "dans 3 jours je reviendrais" ?

Moi - Crois-moi je ne reviendrais pas non. C'est terminé Lukas, vraiment. J'en peux plus. Et...
Lukas, me coupant encore - Comment ça "t'en peux plus" ? Ça c'est la meilleure ! Tu fais la gueule tout le temps. Tu passes ton temps à ne strictement rien faire, à part t'enfermer dans tes bouquins, ou ton portable. C'est vraiment n'importe quoi...
Moi - Je fais encore ce que je veux, ok ? Puis je lis parce que je t'avoue que, en nous, y avait plus grand chose a lire. Tu noteras la vanne. Salut.

Je me suis retirée aussi vite qu'une ombre dans la nuit, qu'une brise un jour d'été, qu'un rayon de soleil en hiver.
Pourquoi rester ?
J'avais tout dit.
Il n'y avait plus à comprendre, plus à chercher.
C'était terminé.

LOUNA - IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant