Partie 8

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Il était temps qu'elle fasse ses adieux définitifs à cet endroit qui lui rappelait trop de souvenirs. Elle la contempla encore une dernière fois puis pensa à celui qui l'avait amené ici, la première fois, ensuite elle dit à haute voix : il n’existe maintenant que dans ma mémoire, et il y restera jusqu'à ma fin.
Venait- elle d'effacer Moïse de son cœur? Elle emporta la réponse à cette question dans sa tombe.

Néanmoins, une chose était sûre, Moussa Mouhamed Kane marqua l'esprit et le cœur de Aïcha Ly à jamais, d'abord en l'aimant, ensuite en l'épousant puis enfin en lui offrant une fille , fille portant le prénom de Salimata, mère de mon grand-père.

Cependant, il y a un jour qui aurait pu changer la vision des choses d’Aïcha Ly, jour où elle avait le choix de comprendre et de pardonner ou de haïr jusqu'à la mort, jour où Babacar l'avait conduit à Kazemizu, jour qui finit comme suit :

"Chère Aicha,

Je suis tellement heureux que tu puisses lire cette lettre, car cela signifie que tu as lutté de toutes tes forces pour survivre et que tu as accepté ce cœur que le bon Dieu a voulu t'offrir. Sûrement tu as hâte de revoir ce visage qui te manque tant et qui t'as d'une manière ou d'une autre poussé à combattre la maladie de toutes tes forces, ce visage qui est le mien.
Je m'en excuse mais cela ne vas pas être possible pour le moment parce que j'ai fait une chose que tu arriveras peut être à me pardonner après avoir lu cette lettre. Aicha, j'ai tué....."

Elle se leva et hurla sur Babacar : qu'est-ce que ces conneries? Qui est ce que Moïse a tué? Non! Non! Non! Je rêve ou quoi? Que veut-il dire par là?
- Aïcha, calmes toi! Continues, lis cette lettre!
- Il a écrit que je ne le reverrai plus et tu veux que je me calme? Est-il en vie ? Dit-elle en pensant à la peine de mort.

Babacar fuit les yeux d’Aïcha. Cette dernière, insista en l'appelant par son prénom trois fois de suite, mais le membre de Blood Chaos ne cessa point de regarder les vagues se heurter aux rochers de Kazemizu.

Elle pleura de toute son âme. Elle n'avait pas su que lorsque son cœur de chair lui faisait faux bond, son cœur abstrait, Moussa, s'était éteint.

Aïcha déchira la lettre et dit à Babacar en pleurs : "je ne veux plus rien savoir de lui".

Babacar, lui, est resté assis près de ma grand-mère et attendit qu'elle se calme pour lui donner la deuxième lettre.
Oui, il en avait un second. Mon grand-père connaissait bien son épouse, il savait qu'elle avait toujours préféré ignorer que de savoir, si savoir incombait à souffrir. Elle lui avait déjà fait le coup, quand il a voulu lui parler de Jessica, elle l'a interrompu car cela aurait pu la pousser à la jalousie pour des futilités.
Si la première était déchirée, la seconde devrait, non pas combler les doutes de Aïcha, mais plutôt la pousser à tourner la page et à l'aider à se figer sur son avenir.

Babacar, en consolant la femme de son ami, laissa défiler dans sa tête les événements qui causèrent ce drame.

Moïse n'arrivait plus à dormir, il ne pouvait pas laisser sa femme et son futur enfant mourir. Cette balle qu'avait reçue Aïcha par sa faute allait non plus tuer une, mais deux personnes.
Alors, il se renseigna : il y en avait un qui correspondait bien à tous les critères, un homme hospitalisé depuis une semaine, victime d'un accident, dans un état de légume. Un homme blanc qui avait signé une décharge de don d'organe à sa mort.
Sachant qu'il restait à Aïcha peu de temps, Moussa vendu son âme au diable et étouffa cet homme en débranchant la machine qui aidait se dernier à respirer. Quand il constata la mort, il ralluma la machine, puis s'enfuit. Facile à faire, puisque le médecin de garde regardait une série télévisée et que les infirmières de garde dormaient.

Cependant Moussa savait qu'il y avait un grand risque qu'Aïcha rejette ce cœur, donc il fallait qu'elle pense qu'il venait de lui. Il convaincu le médecin et Babacar de le faire passer pour mort.

Il fit semblant d'avoir eu un malaise au chevet de sa femme, puis le médecin le déclara mort. Babacar fit tout pour que personne ne puisse voir Moïse et ils enterrèrent autre chose à sa place dans sa demeure.

Tout le monde pensa qu'il avait offert son cœur à Aïcha, sauf six personnes les membres de Blood Chaos - Moïse inclus - et le médecin de sa femme. Mais personne ne savait encore qu'il avait aussi tué cet homme blanc.

Il s'exila dans les plantations de Richard Toll et ne revit plus jamais une seule personne de sa vie antérieure, puis fit en sorte qu'à sa mort, le Blood Chaos puisse accéder à son corps : l'enterrement fut désert, une trentaine d'années passèrent, il n'y avait que sa légion qui était présente, accompagnée d'un imam. En ce jour orageux de septembre à Tivaouane, il avait enfin fini par rejoindre Pierre sous terre.

Mais avant de s'exiler, il mit trois lettres dans la voiture de Babacar, une pour ce dernier et les deux autres pour sa femme.

Dans la lettre destinée à son ami, il lui demanda deux faveurs.
La première était pour qu'il lise et qu'il fasse lire, chaque membre de la légion, le journal intime qu'il lui avait laissé dans sa boîte à gants. Journal relatant toute sa vie, même l'assassinat.
La dernière faveur, consistait à donner à Aïcha la lettre marquée "-" et que si elle ne la terminait pas de lui donner la lettre marquée "+".

Babacar fut choqué à la fin de la lecture du journal, mais ne jugea pas son ami. Il se disait que peut-être il ferait pire pour sa femme et son fils. Alors il exécuta les faveurs de son ami.

Ce qui nous ramène encore à Kazemizu, où ma grand-mère Aïcha commençait à sécher ses larmes.

Babacar, lui donna la seconde lettre. Elle lui demanda si c'était une copie, il répondit non de la tête, alors elle l'ouvra :

« Chère Aïcha,

Tu as encore fuit la vérité pour éviter de souffrir, raison pour laquelle tu lis cette lettre.
La première était écrite pour te raconter les choses telles qu'elles se sont passées, parce que je ne voulais pas quitter ton monde avec un mensonge sur le dos.
Cependant cette dernière lettre, est écrite, pour que tu redeviennes la femme forte dont je suis tombé amoureux à New-York, la femme qui me voulait moi et qui m'a obtenu, la femme qui porte en son sein, notre enfant, le fruit de notre amour.
Raoul Follereau, a dit un jour : « tout amour semé, fleurira ». Moi, je crois en ses mots, mais j'y ajoute cette phrase de Paulo Coelho « qu'un petit détail même anodin peut tout détruire ».
Pourquoi? Parce qu'un petit détail, ma réaction dans une supérette, a failli tout détruire.
Je te demande de me pardonner, et j'espère que tu le feras un jour, pour que je puisse reposer en paix.
Et pour notre enfant, dit lui que je l’aimais tellement que j'ai dû sacrifier le restant de mes jours pour qu'elle puisse voir le jour.
Refait ta vie Aïcha Ly, ne laisse pas ton cœur sombrer dans le passé, je suis mort, je ne reviendrai pas, oublies moi. Remplace cet amour que tu me portes par un autre amour, un amour maternel. Aimes notre enfant, et je sentirai ton amour pour moi où que je puisse être.

Le monde est fait de « bonjours » et de « au revoir », je ne peux guère échapper à cette règle, même si c'est dur à dire, à écrire, un  « au revoir » à la personne qui a pu donner un sens à sa vie.

Donc, AU REVOIR MA BIEN AIMÉE !

De la part de l'homme à qui tu as donné temps d'insomnies.

Moussa Mouhamed Kane dit Moïse.

AISHTERU - je t'aime en japonais -. »

Aïcha laissa couler une dernière larme, qui heurta les écrits de son mari, puis elle constata qu'il y'en avait d'autres tâches, de larmes séchées, sûrement celles de mon grand-père lorsqu'il écrivait cette dernière lettre.

Ma grand-mère se leva, puis donna la lettre à mon grand-père Babacar -oui, mon grand-père car c'est lui le père de mon père puis elle s'essuya le visage et dit :
« Cette histoire, histoire de mon premier amour, commença au collège, continua à New-York et se termina à Kazemizu. Elle ne fut pas vaine car elle va m'offrir mon premier et surement dernier enfant. Elle fut courte car elle a décidé de prendre fin ici. Babacar! Allons-y, il n'y a plus rien pour moi ici! »

Fin Partie 8

Épilogue à suivre

Poussière d'étoileWhere stories live. Discover now