64 - Völva

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Je crus me mettre à pleurer à ce moment-là, lorsque je compris que c'était réellement fini, que non seulement j'avais perdu le jeu, mais surtout que j'avais perdu la vie. Or, en cet instant, je réalisais à quel point je voulais vivre. Désespérément. Follement. A quel point je voulais les revoir, à quel point je voulais chasser ces larmes de son visage et la voir rire et sourire de nouveau.

Ma conscience vacilla, mais refusa de s'éteindre. J'étais simplement perdu dans le néant, l'obscurité impénétrable du vide. Jusqu'à ce que je discerne au loin une lumière blanche et aveuglante. Était-ce la Porte que nous avions tant cherchée, ou bien était-ce la Mort ? A vrai dire, cela ne faisait plus de différence pour moi, à présent, si je ne pouvais plus être avec eux.

Je m'approchais donc doucement, abattu, et cette lumière se mit à grandir, à m'envelopper, puis à s'épanouir dans une palette de couleurs vives mais floues. Des sons étouffés me parvinrent à leur tour. Tout se précisait de plus en plus, mais avec une lenteur peut-être due au surmenage que j'imposais à mon cerveau depuis des années.

Il y avait du monde autour de moi, de l'agitation. Enfin, je pus discerner des visages et des voix.

— Lyall ! Lyall !

Je clignais des yeux pour tenter de clarifier ma vue. J'étais allongé dans l'herbe, sur le dos, et huit visages étaient anxieusement penchés sur moi. C'est alors que je reconnus avec stupéfaction mes amis des Fils de la Lumière.

— Je suis en vie, compris-je, sidéré, en me palpant moi-même pour m'assurer de ma tangibilité.

Ilya acquiesça vivement, à nouveau en larmes à cause de moi.

C'est alors seulement que je remarquais que l'un des visages m'était totalement inconnu. Ses traits étaient fins et délicats, avec de grands yeux bleus, et de longs cheveux blonds noués en une tresse épaisse. Sa tenue, faite de cuir, de soieries et de pièces de métal ouvragées, était en concordance avec de nombreux bijoux réalisés avec précision et style. Le nom au-dessus de sa tête, d'une couleur différente de celui de mes amis, indiquait non seulement qu'elle s'appelait Eir, mais surtout qu'il s'agissait d'un PNJ.

Je me redressai précipitamment et reculai instinctivement, sans quitter le pantin de Valhalla des yeux, effrayé.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demandais-je d'une voix blanche.

Les autres s'écartèrent légèrement de la femme avec méfiance, mais c'est elle qui répondit :

— Je m'appelle Eir. Je suis une servante de Freyja, et la déesse mineure de la Médecine et de la Résurrection. Petit homme, je t'ai ramené du royaume des morts.

— Quoi ? balbutiais-je, sidéré.

Ce qu'elle racontait n'avait absolument aucun sens.

— Ton amie et toi avez imploré mon secours, il y a longtemps, dans un temple en ruine à Vanaheim. Malgré la pluie de feu, je n'ai rien pu faire, car vos malheurs ne touchaient aucun domaine de ma compétence. En échange de vos prières de ce moment-là, et parce qu'à présent je peux les honorer, je te rends la vie aujourd'hui, poursuivit Eir, imperturbable.

Cela n'avait aucun sens, vraiment. Pourquoi Valhalla aurait-il consenti à me laisser la vie sauve, de son plein gré, après avoir assassiné des milliers d'autres joueurs avant moi ?

— Mais..., commençai-je à protester.

Cependant, la déesse de la Résurrection se volatilisa sous nos yeux, d'un claquement de doigts. Il n'y eut rien de plus qu'une lumière aveuglante, qui lorsqu'elle s'estompa, ne laissa rien après elle.

Skyline EmrysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant