1789 - Les Miracles de la Bastille

Chapitre 5

La guerre pour se plaire

Mars 1789

Comme chaque matin depuis presque un mois, Marinette effectuait sa pénible et douloureuse routine. Se faire passer pour un homme, c'était une bonne idée. Mais devoir porter un corset modifié pour que ses courbes de femme ne se voient plus, ça, ce n'était peut être pas la meilleure idée qu'elle ait eu, mais c'était le prix à payer. Et c'était très efficace. Mais pour que tout soit dissimulé, il fallait que la jeune femme fasse preuve d'une grande souplesse afin d'atteindre les ficelles du haut de l'engin de torture. Elle avait rajouté des pièces de bois pour former le corps d'un homme fin, mais le plus difficile à supporter n'était pas la reformation des épaules ni celles des hanches. Le pire, c'était de devoir cacher ses seins.

Elle avait essayé de plusieurs manières différentes de les couvrir de tissu pour les cacher, mais rien à faire, la forme était toujours là. Alors si elle ne pouvait pas les masquer, elle devait les faire disparaître d'une autre façon. C'est pour cela que chaque matin, elle souffrait en serrant le plus fort qu'elle pouvait cette planche de bois qui les aplatissait au maximum du supportable. La douleur était présente pendant une vingtaine de minutes, mais Marinette était forte et courageuse, alors elle oubliait la sensation désagréable le plus vite possible. Et elle priait également pour que la matinée s'écoule rapidement et qu'elle puisse revêtir une tenue plus féminine et surtout plus confortable.

Elle sortit en trombe de la chambre et prit le vieux manteau d'Adrien qu'elle enfila rapidement une fois dehors. Le blond était justement entrain de l'attendre devant la porte et il l'attira par le bras pour qu'elle court avec lui. Mais Marinette crispa son visage en sentant glisser le long de long de son bras une des petites planches de bois qui se maintenait au niveau de ses épaules.

"Je t'ai fait mal ?" demanda Adrien en ralentissant le mouvement et lui en lui lâchant instinctivement le bras.

"Non, ce n'est rien. J'ai mal mis mon faux corset, c'est ça qui me fait mal." Marinette passa devant lui et commença à courir tout en essayant de replacer grossièrement ce qu'elle appelait communément son engin de torture féminine.

Adrien n'aimait pas la voir souffrir ainsi. Même si ça ne durait que quelques minutes, elle avait du mal à respirer quand elle le portait et avait besoin d'un certain temps avant de pouvoir respirer pleinement et de bouger normalement. Mais il devait bien avouer que son stratagème était parfait, personne n'avait de soupçons.

Quelques jours seulement après leur visite secrète au Palais royal, Adrien avait présenté Nino Desmoulins à Marinette. Ce dernier était journaliste, avocat et député du tiers état. Il résidait non loin du Palais Royal avec sa fiancé, une noble, et il se démenait sans relâche pour amener le peuple à se révolter contre la monarchie absolue. Il écrivait des pamphlets et commençait à rédiger un journal révolutionnaire. C'était l'un des hommes dont Marinette avait entendu la voix lors de leur petite séance espionnage, et apparemment, un vieil ami d'Adrien. Il accepta leur demande pour faire partie des révolutionnaires, mais il y avait un problème de taille.

Marinette était une femme. Lui, il n'avait rien contre cela, bien au contraire. Mais certains partisans n'étaient pas convaincus par l'égalité des réflexions feminines et masculines, et préféraient laisser les femmes garder les enfants plutôt que de leur demander leur avis. Il avait donc commencé par refuser l'admission de Marinette, mais devant les paroles et la détermination de la jeune femme, Nino ne put que lui accorder sa chance, à condition qu'elle trouve un bon stratagème pour se faire accepter des autres.

"Et bien, s'ils ne veulent pas de femme, je me déguiserai en homme." lui avait elle alors dit. Ce faisant, elle provoqua un fou rire chez les deux hommes qui ne la prenaient pas au sérieux.