Chapitre 5 : L'identité de mon cœur

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Au dos de l'enveloppe, il y avait un cachet de cire doré, avec un sceau où on y voyait dessiner minutieusement un loup hurlant sous la lune au dessus d'un rocher qui dominait une forêt. En voyant cela j'en étais certaine, la lettre était écrite par le loup que j'avais vu en bas de ma fenêtre. Il n'était pas, en effet, si normal que ça. J'ouvris délicatement l'enveloppe, afin de ne pas abimer le sceau. Je n'avais qu'une hâte, c'était d'en savoir un peu plus, de comprendre vraiment cette histoire de loup-garou. Mais la question principale que me trottait dans la tête, ce fût : ''Qui est le loup? Quel est son nom ?''. Sur cette correspondance, je pouvais y lire ces termes, avec une écriture un peu brouillonne :

Bonjour, ma chère Gwenn.
Si tu lis ces mots, c'est que tu as trouvé cette lettre en revenant de la bibliothèque et que tu as percé un mystère. Comme tu peux t'en douter, je suis le loup-garou qui t'aimera pour l'éternité ! Mon âme sœur ! Viens me retrouver, ce soir, dans la cabane sous la forêt, où un loup t'a fait visiter. Oui, l'animal à ta fenêtre, c'était moi! Et je te surveillais aussi quand tu dormais. Qu'est-ce-que tu peux être belle partout! Quand la nuit tombera Gwenn, je t'attendrai!
Je t'aime.
Le loup-garou

En lisant cela, une multitude de nœuds d'excitation, de peur, de stress, c'étaient créer au creux de mon ventre. Je savais qu'avec tous ces émois, je n'y arriverais certainement pas à trouver le sommeil de la nuit, une fois que je serai enfin rentrée à la maison.

La journée nocturne arrivait à grand pas sur la ville de Karantez et j'étais bien incapable de manger ne serait-ce qu'un morceau de nourriture, tellement mon corps était pris d'assaut d'émotions. Les criquets chantaient leur chanson de victoire. Les hiboux festoyaient grâce à leur chasse fructueuse. Les mulots faisaient de bon repas pour les renards. Et moi, j'étais là, devant ma fenêtre de chambre, à regarder la lande mystérieuse et plongée dans la nuit. La bourgade était dominée par un croissant de lune étincelant de mille feux sous les arbres de Brocéliande. Une douce brise de vent soufflait et berçait la nature. Puis, un loup s'était mis à hurler, je ne serais dire pourquoi, mais peut-être que c'était le loup qui m'attendait et peut-être que c'en était un autre. Bref, c'était une nuit parfaite pour rencontrer son âme sœur. Je me suis enfin décidée à prendre mon courage à demain pour sortir de chez moi et aller à sa rencontre. J'ai vite enfilé une veste et je suis descendue jusqu'au jardin. Tout avait l'air bien plus étrange, plus effrayant et plus angoissant une fois que l'on était dehors et seule. Toutefois, j'ai adoré sentir les frissons sur ma peau, j'avais l'impression qu'une nouvelle aventure commençait. À pas prudent, je me suis dirigée vers les bois, les sens en alerte du moindre mouvement, bruit ou nouvelle sensation. Puis, j'ai fini par atteindre la lisière de la forêt et je m'y suis engouffrée. Cette sensation, qu'était la cause de l'adrénaline, progressait dans mon sang, dans mes veines, dans mon corps tout entier, me rendant de plus en plus imprudente et m'excitant comme je ne l'avais jamais été auparavant. J'avais la forte impression de revivre. Je marchais dans la nuit sans la fichue autorisation de mes parents. Les animaux sauvages se réveillaient, chassaient, poussaient des cris étranges, mais je n'avais pas peur. Je me sentais bien trop libre pour avoir peur. Je n'étais par sur un sentier. J'avançais dans les fougères, entre des grandes arbres recouverts parfois par la mousse, escaladant des rochers, détournant des flaques de boue, longeant un lac ou il y avait deux grenouilles l'une sur l'autre, dépassant des terriers de renards, de mulots, ou encore un trou dans un arbre où une chouette se logeait et guettait le va et vient de la vie nocturne. Puis, j'ai fini par apercevoir la cabane du loup et j'ai avancé tout droit vers elle. Mais, quand j'ai posé la main sur la poignée, je me suis mise à douter. Je me suis demandée si tout ce cirque n'était qu'une farce afin de se moquer de ma naïveté. De toutes les façons, la meilleure pour le découvrir était d'ouvrir la porte et c'était ce que j'avais fait. La porte a grincé sur ses gonds tout le long de sa rotation.

La première chose, que je vis, fût le loup au centre de la pièce, allongé sur un tas de foin. Je suis restée là où j'étais, droite comme un I, stupéfaite. Maintenant, je ne pouvais qu'être que trop sûr que toute cette histoire de loup-garou n'était aucunement montée de toutes pièces. Le loup s'était levé, est venu à ma rencontre, s'assit quelques secondes devant moi, puis il partit fermer la porte avec ses deux pattes avant, ensuite il s'est retourné pour me faire face tout en faisant barrage devant la porte. L'animal s'est transformé soudainement en humain. Les loups-garous existaient bel et bien à Brocéliande. L'individu devant moi, je l'aurai reconnu entre tous. C'était Nico! Je me suis dit à ce moment que j'aurai dû le deviner depuis le début, c'était évident. Cependant il y régnait, entre nous, une atmosphère que jamais je n'avais rencontré jusqu'alors. Je ne pouvais m'y tromper, parce que j'étais tellement mystérieusement attirée par lui, par son regard noir encré dans le mien. Ce ne pouvait qu'être un amour naissant. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. Il n'existait plus que lui et moi, rien d'autre! Nous sommes restés là, à nous contempler, pendant je ne sais trop combien de temps. Je n'ai remarqué que plus tard, qu'il ne portait qu'un short marron claire, qu'il était torse nu et qu'il avait quelques brandilles dans ses cheveux bruns en bataille. Il parcourut le peu distance qui nous séparait l'un de l'autre, jusqu'à ce qu'il ne resta plus que quelques centimètres avant que nos corps se furent touchés. J'eus l'impression que le temps s'était drôlement ralenti. Sa main caressa ma joue, glissa derrière ma nuque. J'ai frissonné à ce toucher, qui provoqua aussitôt une armée d'hamster grattant à l'intérieur de mon ventre. Front contre Front, nous nous sommes regardés dans les yeux. J'ai très certainement eu le rouge aux joues. Nos lèvres s'approchaient de plus en plus. Mon cœur était sur le point d'exploser dans ma cage thoracique et les hamsters redoublèrent la force de leurs grattements dans mon abdomen, à en devenir insupportable.

_ Non, Nico, je suis désolée, mais je ne peux pas t'embrasser.
_ Oui, c'est vrai. Tu as raison. C'est beaucoup trop tôt !

Un énorme silence se fit entre nous. Il fallait que je le brisasse. Je le sentais.

_ Alors, c'est vrai que jusqu'à maintenant tous ceux de ta meute ont rencontré leur amoureuse?
_ Oui, c'est vrai. Tous les loups connaissent maintenant l'amour, donc nous serons plus fort face aux démons. On raconte souvent que l'amour qu'éprouve un loup pour une autre personne le rend plus fort face aux démons et c'est vrai. Le démon ne peut plus se nourrir, en effet, des sentiments de son adversaire tant que l'amour est là et le loup gagne en puissance aux combats. Mais, je ne veux pas en parler aujourd'hui. C'est pas un sujet plaisant pour une nuit comme cela. Laisses- moi te montrer plutôt un endroit sacré pour les loups qui n'est qu'à quelques pas d'ici.

Ses yeux me regardèrent fixement comme s'il attendait une réponse de ma part.

_ Oui, d'accord.

Sa main gauche s'est refermée dans la mienne et nous sommes sortis tout les deux de la cabane. Je le suivis à travers Brocéliande. Nous avons marché sur un petit sentier exigu, où les plantes nous frôlèrent les épaules et les jambes, pendant trois ou quatre minutes, pas plus. Puis nous avons escaladés des rochers pour nous retrouver sur le plus haut de toute la vallée où il y avait une grande plateforme un peu incliné. Nous étions, inconsidérablement, dans un endroit d'une splendeur inégalée avec une vue magique, plongeante sur la forêt et d'autres grands rochers similaires à celui où nous étions, mais un peu plus bas dans le paysage. Les roches étaient entièrement en schiste rouge. Et de là où nous étions, nous voyons parfaitement les étoiles, scintillantes de milles feux. Je tournais dos à Nico pour admirer la vallée et pendant ma contemplation, j'ai senti ses bras musclés qui m'encerclaient et son souffle d'abord dans le creux de mon cou qui me chatouillait un peu, puis ensuite, remontant dans mon oreille.

_ On l'appelle la chambre aux loups, me chuchota-t-il. C'est le lieu de naissance du premier loup-garou. On raconte aussi que c'est le lieu où il rencontra l'amour de sa vie pour la première fois, alors qu'elle s'était égarée. Mais, j'y pense, il vaudrait mieux que tu sois d'aplomb pour demain. C'est jour d'école. Tu ferais mieux d'aller dormir.

_ Rabat joie. T'étais obligé de me parler d'un sujet qui fâche ! m'exclamais-je.

Il m'accompagna tout le long du chemin du retour, main dans la main, jusqu'à chez moi. Je l'ai invité à rester cette nuit puisque mes parents étaient toujours en Inde. Nous sommes rentrés par la porte du jardin que j'avais laissé ouverte tantôt dans la soirée. Nous avons gravi les escaliers jusqu'à ma chambre. Fatiguée, je me suis installée dans mon lit, suivie de près par Nico qui m'entoura de ses bras et aussitôt m'endormis-je la tête contre son torse, en entendant les battements réguliers de son cœur : «boum, boum, boum...».


Gwenn et Nico : Les élus, Livre 1Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang