Chapitre 15 : Le récit de l'Oracle de Damona

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C'était le milieu de l'après midi. Je désirais ardemment en savoir plus sur mes parents biologiques. Ils étaient une part de moi, de mon identité, mais c'était cette part de moi-même qui m'était la plus obscure. J'eus l'idée soudaine de rendre une petite visite à Hedwige sans savoir quand j'irai. Elle était le seul être vivant, humain comme créature fantastique, de mon entourage, à avoir connu personnellement ma mère et mon père. Elle était donc la seule à pouvoir m'en apprendre d'avantage. Je voulais savoir ce qu'ils faisaient la plupart de leurs journées, je voulais en savoir plus sur leur relation, sur leurs habitudes, leur quotidien, leur façon de comprendre le monde, sur ce qu'ils aiment faire comme activités, sur les découvertes de ma mère sur le village de Karantez. Mais, au fond, ce que je désirais le plus intimement c'était de les rencontrer et les entendre me dire qu'ils m'aimaient, mais ça, c'était impossible ; on ne peut pas faire revenir les morts.

J'étais recroquevillée sur une chaise en face d'une fenêtre, mes bras encerclèrent mes jambes. Mes yeux étaient rivés sur les branches des arbres qui frémissaient à l'extérieur, mais mon esprit était ailleurs. Il méditait sur la rencontre et la jeunesse de mes parents lorsque Nico ouvrit subitement la porte de la chambre, eut un temps d'arrêt, s'avança dans ma direction, s'arrêta net en face de moi, s'abaissa à mon niveau, me regarda dans les yeux et me demanda si j'allais bien, car, d'après lui, j'avais l'air tourmenté, je lui parlai de mon envie d'aller voir Hedwige et lui demandai s'il voulait venir avec moi. Il accepta de m'accompagner sans me poser la moindre question.

Quelques minutes plus tard, nous étions tous les deux sortis du Refuge et nous nous dirigions main dans la main vers sa moto. Il sortit un casque du siège de sa Yamaha et me le tendit. Je le pris et l'ajustai sur ma tête. Nico ne mettait jamais de casque ; la prudence n'était pas l'une de ses qualités. Il monta sur le véhicule ; je l'imitai. J'encerclai de mes bras son torse, comme je le faisais à chaque fois que nous nous déplacions en moto. Il démarra aisément le moteur et nous quittions le parking.

Quelque temps plus tard, nous étions arrivés à notre destination. Nico gara sa moto sur le parking le plus proche de la bibliothèque. Nous descendions du véhicule et je lui rendais son casque qu'il rangea. Il me prit ensuite par la main et nous nous dirigeâmes vers le lieu de travail d'Hedwige. Comme à son accoutumé, il n'y avait jamais de visiteur à la bibliothèque municipale, à croire que les habitants de la ville de Karantez ne lisaient donc jamais. Nous montâmes ensemble les marches de l'escalier principal qui montaient jusqu'au hall de la bibliothèque.

_ Hedwige, hélais-je.

Une voix douce presque chantante se fit entendre. Elle provenait de quelque part dans les milliers de rayons.

_ Oui, je suis là Gwendoline. Je savais que tu allais revenir me voir très prochainement.

Nico et moi vîmes enfin notre interlocutrice sortir d'un des nombreux rayons sur notre droite. Ses yeux se posèrent aussitôt sur mon compagnon.

_ Enfin, il était temps que tu me ramènes de la compagnie, articula-t-elle avec engouement. Je suppose que c'est le fameux loup-garou à l'instinct de guerrier.

_ C'est exacte, confirmais-je.

Elle tendit la main vers mon petit-ami, afin de lui dire bonjour. Nico la lui serra aussitôt.

_ Hé bien, je suis ravie de faire votre connaissance, Nico. Je sais pourquoi vous êtes venus, alors, ne me posez pas la question et suivez-moi.

Hedwige marcha devant nous. Nous la suivions. Elle avançait toujours tout droit pendant plus d'une cinquantaine de mètre à travers les rayons délabrés de la bibliothèque, puis elle s'arrêta devant une porte d'un âge avancé, craquelée de partout, dont le bois avait pourri à cause de l'humidité. Hedwige l'ouvrit. Nous vîmes aussitôt apparaitre un long couloir obscur dont les murs étaient recouverts de toiles d'araignées. Des gouttes d'eau tombaient du plafond et s'écrasèrent dans des flaques sur le sol. Nous passions le pas de cette porte et Hedwige la refermait derrière Nico et moi. Dans cette partie de l'édifice, il n'y avait pas non plus d'électricité, comme dans les escaliers principaux ou encore dans la salle qui contenait des trilliards de livres. Des torches accrochées aux murs éclairaient faiblement les lieux. Dans cet endroit étrange et inconnu, j'avais peur. Je pris la main de Nico, afin de m'armer de courage. Sentir sa proximité me rassura aussitôt. Nous longeâmes, pendant peut-être une éternité, ce couloir qui déboucha devant un cul-de-sac. Hedwige prononça une parole en breton.

Gwenn et Nico : Les élus, Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant