Chapitre 20: Nico s'en est assez !

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Je suis rentrée au Refuge à contre cœur, vers 5 heure du matin, avec Nico et la meute, en voiture. Je n'ai pas dit un mot de tout le chemin, les autres non plus. La tête contre la vitre arrière, je regardais le paysage passer sans vraiment le voir. Je retenais si durement mes larmes. Mon cœur m'intimait à fuir, fuir pour être seule, loin de la personne qui m'a fait tant de mal, loin de la personne juste à côté de moi qui scrutait le moindre de mes mouvements. Arrivés enfin au Refuge, nous sommes tous partis dans notre étage respectif, sans prononcer le moindre mot. Nico se mit vite au lit, juste après m'avoir embrassé sur le front. Il s'endormit presque instantanément, pas moi. L'esprit embué par le chagrin du mensonge par omission, je ne pouvais me laisser bercer par les vagues apaisantes du sommeil. J'ignorais comment Nicolas arrivait à dormir sur ses deux oreilles avec tout ce qu'il s'était passé dans cette soirée, mais également avec tout ce qu'il m'avait avoué. Tous les évènements tournaient en boucles dans ma tête, inlassablement, les bons comme les mauvais. Je me demandais comment j'avais pu me confier aussi intimement à lui, accepter sa demande en mariage alors que je ne le connaissais que depuis 8 mois. Comment avais-je pu être aussi idiote et aussi naïve ? J'avais besoin d'air, besoin de m'éloigner, besoin de prendre du recul pour faire passer ma souffrance.

Je ne vais pas vous mentir, je n'ai pas réussi à fermer l'œil du reste de la nuit. Toutefois, quand je fus sûr d'être enfin la seule encore consciente dans toute la maisonnée, je me suis aussitôt éloignée d'un Nico assoupi, de cette chambre du cinquième étage, pour descendre jusque dans la serre de Rina. J'ai allumé une bougie sur la table de travail et me suis assise sur le seul banc de la serre. Puis, j'ai laissé mes larmes perlées les unes après les autres, en silence, jusqu'à ce qu'elles se tarissent. Durant toute cette soirée, j'avais remis en cause toute l'existence de ma misérable vie. Certes, je ne désirais plus vivre dans le monde des humains, mais je ne savais pas non plus où aller, ni quoi faire de mon avenir. Je ne savais même plus ce qui avait de l'importance pour moi ; avant c'était Nico, la meute, et toutes ses découvertes incroyables, mais tellement réelles, sur les créatures fantastiques. Maintenant, j'étais incapable de répondre à la question : quelle est ta raison de vivre ?

Vers 7 heure du matin, j'ai essuyé du revers de la main mes yeux mouillés. Je me suis enfin levée du banc. Mes muscles me faisaient terriblement mal ; j'avais de vilaines courbatures. Mais, je suis quand même remontée dans cette chambre du cinquième étage me préparer pour cette énième journée d'école. Je ressentais ce besoin d'y aller, pour prendre de la distance avec tous ces évènements survenus tantôt. Néanmoins, heureusement que Nico y dormait encore profondément dans cette chambre, car je n'avais pas envie d'affronter son regard tout de suite. Je ne voulais pas qu'il voie mes yeux rougis par la tristesse et le manque de sommeil.

Je n'avais pas pris le petit déjeuner avec la meute cette matinée-là. J'ai juste demandé à Nitahel si je pouvais emprunter un vélo et aller seule au lycée, exceptionnellement. Il a accepté ma demande assez facilement, malgré le fait que cela puisse être risqué, selon lui, à cause de la menace constante qui grondait sur moi. Cependant, je me prête à croire qu'il avait compris mon besoin d'être un peu seule quelques temps, sans que je n'ai besoin de l'articuler à voix haute. Après avoir obtenu son accord, je n'ai pas perdu la moindre seconde : j'ai descendu des escaliers en pierre jusque dans l'immense grenier baigné d'obscurité, allumé le chandelier qui était dans l'entée avec les allumettes que je gardais toujours dans l'une de mes poches ; puis, j'ai remonté l'une des bicyclettes, cahin-caha ; je suis enfin sortie du Refuge avec, et, l'ai enfourché. Faire du vélo sur l'asphalte, sentir le vent humide sur mon visage et dans mes cheveux, respirer l'odeur de la forêt me fit un grand bien. Mon esprit ne pensait plus qu'au moment présent. Les beautés des paysages défilaient devant mes yeux. De tant de merveilles de la nature, j'en étais témoin. La quiétude de la forêt, la vie des écureuils, les chants délicats des oiseaux planants au-dessus des cieux, tout cela je l'observais comme une bénédiction. La bénédiction de la beauté présente éloignait de moi ma tristesse. Cependant, ma blessure était toujours là dans mon cœur, mais elle me faisait moins mal, déjà. Cet instant était ma bénédiction ponctuelle, je le savais. Je le savourais tout de même, ce cher bref salut divin qui chérit une chérubine. Hélas, les paysages défilaient, mes pieds pédalaient machinalement, la bourgade apparaissait un peu plus à chaque seconde. C'était fatal. Je le savais que j'arriverai à un moment ou à un autre dans le centre de Karantez, puis devant le lycée.

Gwenn et Nico : Les élus, Livre 1Where stories live. Discover now