Chapitre 22

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Assise sur un banc, les genoux repliés contre ma poitrine, je regarde droit devant moi. Le vent me fouette et mes cheveux partent dans tous les sens. Il fait un froid de canard et j'en oublierai presque que mes membres commencent légèrement à geler. 

Mais je m'en moque car je suis libre. Pour la première fois de ma vie je me sens légère et en accord avec moi même. Je sais à présent ce qui a poussé mes parents à nous élever de cette façon. Même si je ne serais jamais d'accord avec leur style de vie parmi cette communauté étrange et inconnu du reste du monde. Je peux comprendre qu'ils n'ont fait que suivre les règles. Celles qu'ils ont dû suivre depuis l'enfance. Comme nous. 

En y réfléchissant, nous sommes probablement les seuls avec Maxime à avoir quitté le cercle. Mais je lui en suis reconnaissant de nous avoir sauvé tous les deux. 

Car même si le choc a été brutal et qu'il aurait pu m'en parler, je suis maintenant capable de décider ce dont je veux faire de mon avenir. Mais surtout avec qui je veux le partager. Car même si je n'ai aucun moyen d'avoir de ses nouvelles, je ne peux pas m'empêcher de penser à lui. Hugo me manque terriblement. J'ai l'impression d'avoir perdu la moitié de moi même depuis qu'il a quitté la maison de mes parents. Mais je devais le faire. Je devais d'abord prendre le temps de me décrocher définitivement de ma famille et de la communauté avant d'entamer ma vie avec lui de façon saine. 

Mais une grande partie de moi prie pour qu'il m'attende. Je suis terrorisé à l'idée qu'il me remplace. Si je viens à lui et qu'il m'accueille au bras d'une fille? Qu'est ce que je vais faire? Qu'elle sera mon plan B ?

Je me dis que plus j'attends, plus je prends le risque de laisser passer ma chance. 

Mais je dois lui faire confiance. Après tout si il m'aime vraiment, il m'attendra et il comprendra mon souhait de m'isoler quelques temps. 

C'est pour cette raison que je passe mes journées ici. Au bord d'une énorme falaise. Là où les vagues se cassent contre les rochers. Je choisis toujours le banc le plus proche du vide. Face à l'océan. Seul avec moi même. 

Je repense à mon enfance. Je me pardonne peu à peu d'avoir désobéis à mes parents. De les avoir déçue. J'essaie de me rappeler des bons souvenirs que j'ai pu vivre avec mon frère. Je retrace mon passé pendant des heures et j'en efface les mauvais jours. Ceux que je veux oublier. Je vide ma tête en laissant le vent et l'océan éloigner mes souvenirs douloureux. Je les imagine partir loin de moi. 

Je referme peu à peu le livre de mon enfance pour pouvoir en ouvrir un nouveau. Avec des pages blanches. Qui je l'espère sera remplie de souvenir avec Hugo. 

Il se met à pleuvoir. Comme chaque jour aux environ de 14H00. Alors je remonte ma capuche sur ma tête et mes mains dans mes poches. Au bout de quelques minutes je décide qu'il est tant de rentrer. Alors je me lève du banc et je commence à marcher pour rejoindre ma voiture. 

Seuls quelques touristes sont encore là. Les falaises bretonnes sont magnifiques. Surtout en hiver. Alors je comprends pourquoi ils viennent affronter le climat capricieux. Malgré la pluie, le froid et le risque de tomber des rochers. 

Je marche assez lentement comme toujours. J'ai l'habitude d'être mouillé. Ca ne me fait plus rien. Puis je monte dans ma voiture. Ou plutôt celle que ma mère m'a gentiment prêté. Car je finirais par lui rendre. Je ne veux rien leur devoir. 

Même si je me suis expliqué avec ma mère, elle reste celle qui n'a rien fait pour me protéger et me défendre. Je sais qu'elle ne souhaitera jamais quitter la communauté. Même si mon père la trompe elle n'échangera sa place pour rien au monde. Et c'est son choix. Alors je dois le respecter comme elle s'efforce de respecter le mien. Elle m'a laissé partir sans me juger. C'est elle qui m'a aidé à reprendre ma liberté en m'apportant les réponses que j'avais tant besoin. Alors je ne peux pas continuer à être en colère contre elle indéfiniment. Je dois juste l'accepter comme elle est. Elle et toute ma famille. 

Pourtant je ne pense pas revenir un jour car je ne veux pas les revoir. Alors en partant de chez eux, je laissais pour de bon tout ce dont j'avais connu jusqu'ici. 

Une fois que j'aurais finit tout ce chemin avec moi même, je lui ferai parvenir sa voiture. Elle comprendra alors que ma vie a recommencé ailleurs. Sans eux. 

Lorsque j'arrive à mon hôtel, je me sens très seule. 

Je monte les étages de l'établissement au ralenti. les marches me paraissent bien difficile à franchir. Aujourd'hui est assez particulier. Cela fait un mois que je suis ici. 

Un mois que je suis seul. 

Un moi qu'il me manque. 

Un mois de trop sans lui.

Alors une fois dans ma chambre je m'allonge sur le lit et commence à contempler le plafond. 

Et pour la première fois, Je sens que ma place n'est plus ici. L'évidence ma frappe aussi fort qu'un coup de poing. 

Je m'assoie sur le lit. Presque essoufflé par mes réactions soudaine. 

Est ce le bon moment ? 

Est ce que je suis prête? 

Est ce que j'en ai réellement envie ? 



Son unique moitiéWhere stories live. Discover now