chapitre 8

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Je suis silencieusement Devon une fois arrivés à l'extérieur de notre immeuble. Soudain, il se stoppe net devant une camionnette grise qui semble avoir fait au moins vingt ans de service.

"Pourquoi tu t'arrêtes ici, on ne devait pas aller chercher ta voiture ?" Demandais-je.

Il se tourne vers moi et me regarde en affichant un rictus qui ne présage rien de bon. Ne me dites pas que...

"Tu es déjà montée dans une camionnette aussi belle que celle-ci ?" Fait-il tout en pointant du doigt la camionnette en question avec une pointe de malice. Je viens de comprendre à cet instant que cette camionnette est la sienne.

Je le regarde horrifiée. Si on devait se déplacer avec ce véhicule aussi mal en point, je ne sais pas si on arrivera à destination en entier.

"Non et je t'avoue que l'idée ne me tente pas trop." Commençais-je. "T'es sûr qu'elle fonctionne ?" Fais-je incertaine.

"Parfaitement."

Sur ce mot, Devon ouvre la portière côté passager qui ne manque pas d'émettre un drôle de bruit de grincement. Je rentre et le remercie d'une voix presque inaudible avant qu'il entre à son tour puis démarre. À ma grande surprise, celle-ci démarre normalement ce qui me rassure un peu, je ne tiens pas non plus à mourir aujourd'hui.

J'inspecte l'intérieur de la camionnette des yeux, elle est très simple mais dispose de tout le nécessaire, c'est déjà ça. On va peut-être rester en vie tout compte fait. Mais il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre, pourquoi avoir choisi ce genre de voiture, il y a mieux quand même et je pense qu'il a parfaitement les moyens de s'en payer une nouvelle.

"Je sais que tu dois te poser beaucoup de questions sur cette voiture. Elle appartenait à mes parents et si ça peut te rassurer, elle fonctionne toujours aussi bien après vingt-cinq ans." Dit-il pour briser le silence.

Je lâche un petit rire nerveux, vingt-cinq ans ? On a à peine deux ans de décalage, cependant je ne fais aucun commentaire sur l'âge de la camionnette.

"Je parie que tu as passé beaucoup de temps là-dedans." Supposais-je.

"Tu n'as pas idée, j'avais à peine quatre ans lorsque mon père l'a achetée avec l'argent qu'il avait économisé depuis l'ouverture du magasin. Et depuis, je ne la lâche plus." Me confie-t-il.

Je suis surprise par ce qu'il vient de dire. De nos jours, il n'y a pas beaucoup de personnes qui continueraient de conduire la vieille camionnette de leurs parents par choix. Même moi, je ne l'aurais pas fait. Rien que pour ça je l'admire, je pense que mes yeux, qui le regardent avec cette admiration que j'éprouve en ce moment même, le confirment très bien. Cette voiture a une valeur sentimentale à ses yeux et il en prend grandement soin.

Pendant ce temps, je ne lâche aucun mot espérant qu'il continue son récit en pour lequel je porte un grand intérêt désormais.

"Mes parents étaient mariés pendant trente ans et tu sais quoi ?" Dit-il dans ses pensées. Pour une fois, je m'abstiens de dire non, mais je vais pas tarder à le savoir que j'ai l'habitude de dire. "Ils ont eu le même travail, le même véhicule et la même maison pendant leur vivant." Ajoute-t-il.

Avais-je dit que j'admirais l'homme à côté de moi ? Oui ? Je le dis encore une fois car il a le courage que je n'ai pas, il a cette facilité de parler de ses parents qui, soit dit en passant, ne sont plus de ce monde, tandis que moi, rien qu'à énoncer les prénoms des miens, j'en suis déjà paralysée.

"Ça fait déjà un an qu'ils sont partis mais je me souviens encore de notre dernière journée comme si c'était hier." Sourie-t-il avant de se garer devant un magasin de fleurs que je devine être le sien. Cependant, malgré que nous devions logiquement sortir de la camionnette, on n'en fait rien. On reste encore là, à fixer un point invisible devant nous avec, comme fond, les bruits émis des voitures qui passent.

"Tu ne me dis pas désolée ?" Demande le brun face à mon silence.

"Est-ce que ça changera quelque chose ?" Lui répondis-je directement.

Il ne s'attendait sûrement pas à cette réponse, il est néanmoins pris au dépourvu par ma franchise. Que ce soit désolé ou pas ne change rien aux événements passés.
Il détourne un instant ses yeux pour les ancrés dans les miens, on se fixe pendant je ne sais combien de temps avant qu'il aborde ce petit sourire en coin que je commence à très bien connaitre.

"Non, c'est juste que j'ai l'habitude d'entendre des gens me le répéter dès que je parle de ça." Déclare-t-il. Puis, sans attendre ce que j'ai à répondre, il sort pour venir ensuite m'ouvrir la portière du côté conducteur.

"Quel gentleman !" Riais-je en prenant la main qu'il me tend ce qui le fit rire à son tour.

Nous avançons vers l'entrée où nous apercevons une jeune femme recevoir un client. Elle doit avoir environ vingt-six ans maximum. Elle est assez petite et a de longs cheveux ébène. La forme de son visage est ovale et quelques taches de rousseur couvrent son nez. À travers ses lunettes à verres carrés, se trouvent des yeux bridés de couleurs que je n'identifie pas d'où j'e suis. À première vue, je dirais qu'elle est d'origine asiatique.

"Bonjour Sam." Lui salue Devon d'un ton jovial. La dite Sam se tourne en notre direction tout en nous offrant un sourire éclatant. J'ai l'impression que les gens dans ce magasin sont tous joyeux. D'abord Devon et ensuite cette Sam.

"Bonjour Devon." Dit-elle avant de poser ses yeux sur moi. "Bonjour." Fait-elle ensuite, toujours avec ce sourire, à mon intention. "Tu nous présentes Devon ?"

Devon rit ce qui est contagieux car je ris à mon tour.

"Je comptais le faire mais tu es trop impatiente Sam." Commence Devon.

"Alors Skyller, je te présente Samantha, mon assistante ; Samantha, je te présente Skyller." Nous présente-t-il.

Elle me scrute de haut en bas durant un instant avec une expression neutre, puis sans que je m'y attende, elle me saute dans les bras comme ma nièce à l'habitude de le faire. Quelqu'un peut me dire ce qui vient de se passer ?

"Enchantée." Crie-t-elle à mon oreille. Il faut dire que pour quelqu'un qui est enchanté, elle en a vraiment l'air. Je me contente de rire et de lui répondre que moi aussi je suis enchantée.

"Devon, tu n'aurais pas oublié quelque chose ? Parce que tu as précisé que j'étais ton assistante mais elle est qui pour toi ?" Demande la dite Samantha tout en se défaisant de notre étreinte.

En voilà une bonne question, on est qui l'un pour l'autre ? Même moi je ne sais pas trop le nom de notre relation.

"C'est ma voisine." Répond Devon incertain avant de finalement rajouter : "et aussi une amie."

"Hum, si tu le dis." Répond-elle, pas convaincue.

On a parlementé pendant quelques minutes avant que mon "ami" me demande de l'accompagner dans son bureau. Arrivés dans celui-ci, nous nous asseyons de façon à ce que je me retrouve en face de lui, séparés par la table de son bureau. Je décide de lui poser une question dont j'aimerais avoir la réponse.

"Pourquoi est-ce que tu m'as proposé de venir avec toi ?"

"En fait hier, tu paraissais triste, j'ai donc voulu te faire changer d'air en t'emmenant avec moi aujourd'hui." Dit-il.

"Ah bon ? Pour l'instant, sans vouloir te vexer, je ne vois pas vraiment ce qui est censé me faire changer d'air car figures-toi que je suis à l'instant même aussi enfermée entre quatre murs ici comme chez moi." Répliquais-je.

Rien qu'à cette pensée, je me dis que j'aurais mieux fait de rester chez moi devant un bon film à l'eau de rose. Mais puisque je suis là, autant y rester jusqu'au bout.

"J'aime bien ta franchise mais rassures-toi, on ne va pas rester ici. Tu vas plutôt m'accompagner à livrer des fleurs."

"Tu es le chef non ? Tu n'as pas quelqu'un qui s'occupe de ça ?" Interrogeais-je.

"Si, mais j'aime bien le faire moi-même de temps en temps. D'ailleurs, on y va tout de suite." Fait-il en se levant.

En toute franchise, je ne vois pas vraiment ce qui est passionnant dans le fait de livrer des fleurs mais vu son enthousiasme, j'ai hâte de le découvrir car après tout, je suis ici pour changer d'air, et quoi de mieux que de faire quelque chose que je n'ai jamais fait ?

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