Chapitre 18: l'amour est enfant de bohème.

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Dans la rue qui mène au labo, je regarde les gens marcher, attendre le bus, parler au téléphone...parfois parler entre eux.

Dans vingt petites minutes, le labo ouvrira ses portes et je pourrai faire ma prise de sang. Dans vingt petites minutes, je saurai si ma vie est sur le point de changer ou si je suis condamnée à m'occuper du chat de mes parents deux fois par an pendant leurs vacances jusqu'à la fin de mes jours.

Il commence à pleuvoir, les gens avancent la tête baissée, les yeux rivés sur leur portable. Je rentre dans un petit café, c'est la première fois que je viens dans cet endroit. Je préfère attendre ici plutôt que sous la pluie.

Le garçon de café court dans tous les sens. J'ai toujours aimé l'ambiance des bistrots le matin. L'odeur des grains moulus, le bruit de fond de la radio, et les gens qui parlent entre eux. Ceux qui lisent le journal, ceux qui réfléchissent... le regard dans le vide. Ceux qui surveillent l'heure avec angoisse, ils n'ont pas envie d'aller travailler, et ceux qui ne veulent pas rentrer chez eux après une nuit passée avec leur maîtresse, ceux qui font une pause avant même de commencer, ceux qui n'ont envie de rien et surtout pas d'avancer, ceux qui ont tout juste envie de croiser un regard et d'entendre un bonjour le matin, ceux qui doivent prendre un train, ceux qui ont laissé leurs enfants à l'école et qui se préparent à affronter la journée de parents, ceux qui bavardent en secret avec un homme dont on ignore l'identité. C'est bien Françoise que je vois là ?

Je me penche pour mieux voir, mais un poteau est juste planté là...au milieu de cette salle...il fallait qu'elle se mette à cet endroit exact. Je la regarde parler avec quelqu'un, un homme visiblement. Je ne distingue que les mains de l'individu et son dos. Le pilier le dissimule totalement. Françoise semble bouleversée, elle a le visage de quelqu'un qui a vu un fantôme. Et si elle était avec Zorro ?

Voilà une bonne chose...je vais enfin connaitre l'identité de son cavalier. J'essaie de me contorsionner, mais pas moyen de voir sans être vue. Je prends le journal de la table d'à côté et me cache derrière. En me penchant suffisamment je devrais pourvoir découvrir qui se cache derrière ce poteau rose. Oui, le décors est quelque peu kitch mais ça a son charme. Les murs sont ornés de vieilles affiches de cinéma avec à côté les photos des célébrités qui ont fréquenté ce lieu il y a longtemps. Des objets d'un autre temps sont posés ici et là sur des étagères. Des pochettes de disques de collection, une caméra tout droit sortie d'un film des années cinquante, une rampe de sports rétro et un vieux tourne disque...un de ceux qu'on ne voit plus que dans les greniers de nos grands parents. Un juke-box passe des titres que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître...et moi je les connais...je fais partie de la génération qui fredonne les chansons des chanteurs morts il y a plus de trente ans.

Tandis que Françoise discute avec sérieux, je cherche un moyen discret pour découvrir son secret.

J'étire mon cou le plus possible au dessus du journal qui me sert de paravent, je sens que je vais y arriver.

-Vous voulez un croissant avec votre café madame ?

Voilà que le serveur me coupe dans ma tentative d'espionnage.

-Non, ça ira...merci.

Je chuchote pour ne pas que Françoise m'entende.

Le serveur me regarde amusé.

-Je vois que la nuit a été difficile madame, me dit-il en chuchotant aussi.

Le ton monte à la table de ma copine.

-Tu ne peux pas me dire que tu m'aime alors que tu n'as rien fait pour me le prouver !

Françoise baisse les yeux, je vois qu'elle est troublée par les propos de son ami.

Tu finiras seule...avec des chats. (Thriller Erotico-Comique)Where stories live. Discover now