Chapitre 24

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XXIV.


Ce n'est qu'en foulant le sol extérieur que Sakura se rendit compte qu'elle était pieds nus. Elle ne ralentit pas son allure pour autant. Elle ignorait où aller et se contentait de marcher droit devant elle sans prêter attention à ses membres douloureux. Cette souffrance était la bienvenue.

Sakura aperçut à l'autre bout de la rue Kiba et Shino, les équipiers d'Hinata. Comme ils l'avaient vue eux aussi, elle emprunta la première bifurcation. Elle ne voulait parler à personne. Tout ce qu'elle désirait, c'était oublier. Tout oublier. Le Champ des Pleurs... Sakura avait lâché ces mots machinalement, d'un ton presque morne, désabusé, sans réelles intentions. Sans doute parce qu'elle savait au fond que c'était le seul moyen pour que les infirmières la laissent partir. Mais elle n'avait jamais eu l'intention de s'y rendre. Elle avait toujours évité d'y penser, toujours refusé d'accepter la réalité. Au fond, si elle ne voulait pas penser à Yutaka, c'était parce qu'elle n'acceptait pas sa mort. Elle espérait le voir réapparaître. Elle savait que le simple fait de se rendre au Champ des Pleurs anéantirait tous ses espoirs.

Elle stoppa net en réalisant qu'elle s'était finalement engagée dans l'artère principale du village menant à son extrémité, à l'exact opposé des grandes portes. Et cette route conduisait précisément à cet endroit qu'elle tentait vainement de fuir. Elle resta un long moment, immobile, contemplant au loin ce haut portail ouvert sur une vaste étendue paisible mais désolante. Peut-être était-ce le destin qui l'avait conduite là. Peut-être était-il écrit qu'elle devrait y venir. Visiblement, elle n'avait plus le choix. Le regard mort, elle reprit son avancée, d'un pas désormais lent et incertain.

Lorsqu'un jeune couple la dépassa, un bouquet de fleurs dans les bras, elle s'arrêta de nouveau. Sans ralentir, ils pénétrèrent bientôt dans le cimetière, grande étendue verdoyante striée de stèles identiques qui s'étendaient en rangées régulières, géométriques. Aurait-elle la force de les imiter ? De franchir ce portail en fer forgé d'un pas sûr et déterminé ?

Craintive, elle jeta un regard en arrière, ne sachant que faire, hésitant entre aller de l'avant et revenir sur ses pas. Alors que son regard se perdait au loin, un mouvement la ramena à la réalité. A une centaine de pas, une silhouette familière venait d'apparaître dans cette allée bordée d'arbres. Son maître, Kakashi, marchait avec son habituelle nonchalance, sans se presser, comme si ses pas le conduisaient au hasard.

Sakura tressaillit. Elle ne voulait pas le voir lui non plus. Aussi rapidement que son corps le lui permit, elle disparut de son champ de vision, quittant le chemin et se dissimulant derrière un arbre. Son maître passa devant elle sans la voir, ou du moins, sans manifester le moindre signe témoignant qu'il l'avait vue. Mais la jeune femme ne doutait pas qu'il avait déjà perçu sa présence depuis un bon moment. Après tout, Hatake Kakashi avait été son premier instructeur et un Shinobi d'élite de surcroît. Sakura lui fut reconnaissante d'avoir respecté son choix. Lui aussi allait certainement se recueillir. Mais maintenant qu'elle s'était arrêtée, elle était assaillie d'une nouvelle vague d'hésitation.

Sakura inspira profondément en levant les yeux au ciel. Son regard se figea. C'était derrière un cerisier qu'elle s'était dissimulée. La beauté et la vitalité qui se dégageaient de l'arbre en fleurs le rendait époustouflant. Alors qu'elle levait le bras pour effleurer une branche, une fleur se décrocha pour lui tomber sur l'épaule, fanée. Une seconde la suivit, encore épanouie.

Surprise, Sakura laissa lentement retomber son bras devenu fébrile. « Un signe », se dit-elle. Il avait fallu que ce soit sous cet arbre précis qu'elle décide de se cacher. Le destin la poursuivait. Ses yeux s'embuèrent lorsqu'elle s'accroupit pour ramasser la fleur encore jeune dans la paume de sa main. Combien de fois Yutaka lui en avait-il offertes de semblables ? Le prénom de Sakura signifiait « fleur de cerisier » et combien de fois l'Anbu lui avait-il répété qu'elle était semblable à celles-ci ? Combien de fois l'avait-il comparée à ces fleurs timides qui n'attendaient qu'un rayon de soleil chaleureux pour s'épanouir pleinement ?

Espoir de Rédemption (tome 1) - La Larme de l'Amazone - sasusakuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant