Prologue

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Au tout début des temps, après que Noctis et Solaris eussent œuvré de concert pour créer le monde, avec ses forêts, ses rivières, ses montagnes, ses animaux et l'ensemble de ses merveilles, chacun d'eux engendra sa part d'enfants. Noctis donna la vie à huit filles, huit lunes, rondes, blanches et lumineuses afin que chacune d'elle illuminât la nuit avec bienveillance et douceur. Solaris, quant à lui, arracha à ses flammes éternelles deux fils, deux soleils, éblouissants, chaleureux et réconfortants afin qu'ils réchauffassent la terre et chassassent les ténèbres.

Des années durant, le monde connut une paix parfaite sous la régence des fils de Solaris le jour et des filles de Noctis la nuit. La nature prospérait, les animaux proliféraient et rien ne semblait véritablement changer. Si bien qu'un beau matin, las de cette perfection perpétuelle, les Dieux imaginèrent une nouvelle race de créatures, des êtres doués d'une intelligence, d'une beauté et de qualités qu'aucune de leurs précédentes créations ne possédaient. Ils espéraient que cette nouvelle espèce, la plus réussie de toutes, à l'exception de Leurs enfants respectifs, sauraient apporter changement et évolution au sein de Leur immuable petit jardin.

Pour se faire, Noctis les modela à partir de son propre corps et Solaris leur insuffla la vie de son propre souffle, si bien que ces êtres merveilleux arboraient une peau aussi diaphane qu'un rayon de lune et irradiaient d'une lumière aussi pure qu'un éclat de soleil. Et comme escompté par les Dieux, les Célestes – qui s'appelleraient ensuite Célans – apportèrent une nouvelle ère de prodiges. Ils construisirent des villes, se regroupèrent en communauté, prièrent Leurs Pères et fondèrent la plus complexe et la plus merveilleuse des civilisations.

Et parce qu'Ils les aimaient tant, Noctis et Solaris veillèrent à ce que leur vie fût longue et facile, riche et heureuse, afin que leurs rires, leurs chants et leurs fêtes ne cessassent jamais de résonner jusqu'à eux et d'égayer leur petit monde. Et parce qu'Ils les aimaient tant et tant, Ils leur accordèrent à chacun une autre moitié, une âme-soeur, une étoile à eux seuls destinés, afin que leur bonheur ne connût aucune limite. Et parce qu'Ils les aimaient tant et tant et plus encore, Ils leur accordèrent le droit de renaître, vie après vie, mort après mort, en un cycle éternel.

Et ainsi, les Célestes apportèrent le changement.

Et ainsi, les Dieux cessèrent de s'ennuyer.

Jusqu'au jour où, de la perfection naquit l'imperfection, de la beauté naquit la laideur et de l'amour naquit la haine.

Par la faute d'un seul homme.

Et les Dieux, meurtris par cette trahison, décidèrent de ne pas pardonner. Au Pécheur Originel, ils s'adressèrent en ces termes :

"Toi qui a planté la graine du mal et de la rancoeur dans Notre Jardin de Lumière, Nous te maudissons. Par Notre volonté, Nous te retirons ta lumière et te plongeons dans les ténèbres, afin que vie après vie, tes semblables sachent quels péchés tu as commis. Ainsi sera désormais la punition que nous réserverons à ceux d'entre vous qui oseront salir Notre création. Va, à présent. Renais et porte Notre message à tes frères et à tes soeurs. Subis leur courroux et leur dégoût car c'est le seul héritage que tu leur as laissé. Et peut-être qu'un jour Nous n'aurons plus à pleurer sur votre pureté souillée."

Extrait de la Luminescence Divine, Livre I, Chapitre 12 "Le Pécheur Originel"

***

De la fumée. Un voile épais, opaque, qui rendait l'air étouffant et masquait le paysage autour de lui. Où qu'il regardât, Cyan ne voyait rien d'autres que des formes floues et indistinctes, des silhouettes fuyant de tous cotés, des débris de bois rougis retombant un peu partout. Il se tourna en tout sens pour essayer de trouver un visage familier mais ne croisa que des anonymes, des gens sans trait ni aura, dont les bouches se tordaient sur des cris inaudibles. Malgré le chaos ambiant, il ne percevait rien d'autre que les battements de son cœur affolé et une angoisse indicible s'insinua doucement en lui.

Il ne voulait pas rester-là, il ne voulait pas voir cela ! Mais son corps refusait de lui obéir, comme mu par une volonté autre que la sienne. Les lèvres tremblantes, Cyan esquissa un pas, puis deux, avant de se précipiter en plein cœur du champ de bataille. Un violent sentiment d'urgence le poussait toujours plus loin, toujours plus vite. Le carnage environnant aurait dû l'effrayer, le forcer à rebrousser chemin, mais la terreur de perdre quelque chose de plus précieux encore que la vie l'aidait à occulter les cadavres à ses pieds et les éclats de lames meurtrières près de lui.

Puis, sans que rien ne l'y préparât, le rideau de fumée se déchira brusquement devant lui et le soleil aveuglant sembla balayer les vestiges des combats précédents dans un silence respectueux. Plutôt que de se sentir rassuré par cette accalmie, ce soudain mutisme éveilla en lui une insupportable sensation d'appréhension. Il ne savait pas très bien ce qu'il espérait trouver ainsi mais son regard errait sur les reliefs du massacre sans jamais s'attarder. Les yeux vides, il passait des lances brisées aux cadavres désarticulés, des lames ensanglantées aux drapeaux à demi-consumés. Il lui sembla qu'un long moment s'écoula ainsi jusqu'à que ses prunelles se posassent finalement sur le seul homme encore debout, dos à lui.

Instinctivement, il esquissa un pas vers lui.

Les longs cheveux blonds de l'homme virevoltaient au gré du vent qui soufflait toujours sur les braises incandescentes des bois incendiés. Une paisible lumière argentée l'enveloppait tout entier, tel un voile protecteur face à la violence de ce monde. Immobile, il semblait appartenir au lieu autant que le dernier grand chêne contre lequel il s'appuyait d'un bras tremblant.

La scène, trop belle, paraissait irréelle.

Cyan la contempla de loin quelques secondes, incapable de décrocher son regard de celui qui, il le savait à présent, était la personne qu'il n'avait eu de cesse de chercher. Il aurait voulu que l'éternité se refermât sur eux et les gardât prisonniers, qu'elle ne les relâchât jamais. Car, il le pressentait au plus profond de lui... le temps s'apprêtait à le lui arracher.

Ne te retourne pas ! se surprit-il à penser.

Toutefois, l'homme aux cheveux blonds ne pouvait pas l'entendre. Et son vœu demeura stérile.

Tourné vers lui, l'inconnu plongea ses yeux mordorés au cœur des siens et une larme écarlate dévala sa joue en une traînée déchirante. Sa bouche s'ouvrit sur une plainte silencieuse et la détresse peignit un masque tragique sur ses traits virils.

Cyan n'aimait pas le voir ainsi. Il n'aimait pas le voir souffrir.

Il n'aimait plus cette scène.

Sans même s'en rendre compte, il s'était élancé dans sa direction, la main tendue vers lui, prêt à le saisir dans son étreinte et à le protéger de la cruauté du monde.

Ses bras se refermèrent sur un corps déjà froid.

Cyan hoqueta, la respiration coupée.

Pourquoi ?

Comment ?

Son regard glissa vers le sang épais qui maculait le cuir de l'armure de l'inconnu et s'écoulait abondamment de son abdomen, là où la lame meurtrière d'une épée s'était brisée en deux.

Non ! Non !

Il tenta d'endiguer le flot intarissable, comme si arrêter l'hémorragie suffirait à le sauver quand l'étincelle de la vie ne crépitait déjà plus en lui.

Reste !

Il le secoua. Le supplia. Le gronda. Mais l'inconnu ne réagit pas, ne réagirait plus.

Il était mort, lui aussi.

Parti là où il ne pouvait le rejoindre.

Alors que cette implacable vérité se frayait un chemin au travers de son cœur broyé, Cyan sentit un désespoir insupportable le terrasser de tout son poids. Il leva alors la tête vers les cieux, maudissant le ciel d'être si bleu et le soleil si brillant et un cri rauque lui déchira la gorge.

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Hellow !

Alors, avant toute chose, je tiens à préciser que ce prologue ne relate en rien une scène du futur, donc pas de panique. Toutefois, ça reste une scène importante =)

Pour le reste, j'espère que ça vous a plu et à bientôt pour le chapitre 1 !

Natsunokaze



Etoile Noire - Tome  1 : Les Disparus de ResnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant