13. Souris à tes premiers amours

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ISAAC.


La vie est aussi fine qu'une ficelle, tu la tires un peu trop fort et elle lâche.

Puis après, tu sais plus trop où te mettre.

T'as l'air d'un con.

T'as envie d'être là, mais tu sers juste à rien. En pansant les plaies, on n'est pas docteur, alors on ne fait que les désinfecter pour qu'elles s'ouvrent à nouveau.

Lochan prononce quelques phrases, mais je sais qu'il est aussi mort à l'intérieur que son frère. Je ne sais pas trop comment l'aider, n'ayant jamais fait face à un deuil. C'est incompréhensible, pour moi. 

«Tu veux que je reste, ce soir ?  »

Il ne m'a pas répondu, alors je me suis relevé de son canapé. Lochan m'a attrapé brusquement le bras et il m'a supplié de ses yeux de rester.

Alors je me suis rassis, et j'ai attendu. Je ne sais pas trop quoi, mais le silence avait l'air de l'apaiser.

J'ai regardé ses yeux fatigués fixer la télé éteinte, ses cheveux longs étaient détachés et j'ai trouvé en cet instant qu'il avait vraiment l'air fragile. Une fragilité qui me touchait profondément. Je l'ai alors regardé différemment, et j'ai trouvé que même s'il n'était pas musclé, son corps n'était pas...désagréable à regarder.

J'ai secoué vivement la tête et j'ai attiré son attention.

« On a aucune trace de Jake, dis-je pour changer de sujet. »

Il a hoché la tête, le regard un peu perdu. 

« Il est vraiment con. Faire ça après que Lyd... »

J'ai laissé ma phrase en suspend, le lourd silence me pesait comme une pierre qui tombait sur mon dos. Je me suis alors approché un peu pour attraper sa main qui tremblait. J'ai senti tout son corps de raidir avec le mien. 

J'ai dû reprendre ma respiration, remarquant que j'étais un peu essoufflé. Les yeux verts de Lochan se sont plantés dans les miens. Il avait ce regard...

J'ai attrapé son tee-shirt et j'ai attiré ses lèvres aux miennes.


AVELINE.


Le jour des funérailles de Lyderic, la moitié de notre petite ville s'était rassemblée autour de sa tombe en pleurant bruyamment. Je ne pensais pas que Lyderic avait autant d'amis. Je cherchais désespérément Jake du regard, mais comme il m'évitait je n'avais le droit qu'à voir son dos. Jake portait un costume noir, et j'imaginais sa cravate grise en parfait accord avec un de ses yeux. J'essayais de m'approcher en passant discrètement entre deux personnes qui reniflaient et frottaient méticuleusement leurs nez dans leurs tissus. J'aperçus enfin le visage de Jake, et me mordis la lèvre en remarquant qu'au soleil il était vraiment très beau. Son visage ne traduisait aucune once d'expression, et ses lèvres formaient une ligne fine. J'entendais le pasteur prendre la parole parmi tous les sanglots, et en profitais pour arriver à la hauteur de Jake.

Je savais que cette fois-ci, il ne pouvait pas m'éviter. 

Il avait reconnu ma présence, car j'ai vu son corps se redresser instantanément. Jake n'a pas cillé, alors quand j'ai vu qu'il fermait les yeux en entendant le nom de son ami, j'ai pris sa main dans la mienne. Il ne l'a pas enlevé, je me suis senti réchauffée. Puis, acceptant mon geste, il l'a serrée un peu plus fort. Le contact avec sa main m'avait envoyée ailleurs. Il y avait quelque chose dans son toucher qui était si différent de Gabriel.

Il y avait quelque chose de si différent chez Jake, et à chaque fois que je pensais à lui...

Je ne maîtrisais plus rien.


HétérochromieWhere stories live. Discover now