14. Lamentable

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JAKE.


Il doit être midi quand Aveline vient sonner à ma porte. J'ai beau essayer de lui échapper, elle revient comme une sangsue. Je n'ai pas la force de l'entendre une bonne demi-heure crier mon nom, alors je lui ouvre.

Elle porte cette jupe affreuse rose pâle et une chemise blanche qui lui donne l'air d'être une fille d'église.

J'avais juste oublié que c'était le cas.

« Qu'est-ce que tu veux ? Soufflais-je. »

Elle avait cette manière de me regarder, et à chaque fois que je la voyais replacer une de ses mèches de cheveux, je me mordais instinctivement la lèvre. Un tic nerveux, je crois.

« Bonjour...Tu veux bien que je rentre ?»

Oui.

«Non.»

Je la sens se raidir.

« C'est à cause de Gabriel ? demande-t-elle en fronçant les sourcils.»

Alors ce type a un nom.

Je ne pouvais l'appeler infiniment "gros tas de merde".

« Gabriel, répétais-je pour avoir le nom en tête, Non. Tu baises qui tu veux. »

Ses yeux étaient ronds, elle n'avait visiblement pas apprécié ce commentaire. Je regrettais mes paroles, mais une part de moi aurait redit la même chose si je pouvais revivre cette scène.

«Je ne suis pas comme ça.

-Bien sûr que tu n'es pas comme ça, j'ai répondu. »

Elle serait morte rien qu'en entendant le mot "sexe". 

Je me suis poussé afin qu'elle puisse rentrer. Elle m'a souri, visiblement contente de mon geste. Puis, lorsqu'elle me voit d'un peu plus près, elle écarquille les yeux.

«Qui t'as fait ça ? me demande-t-elle, sa voix traduisant son inquiétude.

C'est rien.»

Mais je savais qu'avoir un œil à moitié ouvert et violet n'était pas rien. 

Je sens ses doigts minuscules effleurer la "blessure" sur ma lèvre fraîchement saignante, et je réprime un léger gémissement.

Putain, reprends toi idiot. C'est que cette gamine intello.

«Il va pleuvoir, me dit-elle en plongeant son regard dans le mien.

-Non, il ne va pas pleuvoir. »

Je sens sa respiration chatouiller mon torse, et j'ai vraiment envie qu'elle s'éloigne. Je m'apprête à la repousser, mais elle me devance et s'écarte d'un pas.

Son visage ressemble à celui d'une poupée. J'ai envie de toucher ses joues, juste parce qu'elles me semblent douces à cet instant précis.

«Je dois y aller, me dit-elle en consultant son téléphone, Gabriel m'attend.»

Je ne comprends pas pourquoi elle est si obstinée et la seconde d'après, elle me fuit comme la peste. J'ai envie de lui dire de rester, mais je suis un idiot. Alors je lui dis simplement :

« Il pleut. »

Elle me gratifie d'un sourire, et quitte la maison sans se retourner. 

Un peu frustré, j'ai pris l'initiative de la suivre en voiture. 

Ils se sont donné rendez-vous dans un café à quelques pas de mon quartier. Depuis le parking, je ne peux m'empêcher de détourner le regard de ses jambes. Lorsqu'elle arrive à l'intérieur du café, le type ne la regarde même pas. Elle lui sourit, et je reconnais le même sourire qu'elle m'a donné avant de partir. 

Agacé, je frappe le volant. Mon geste a provoqué le klaxon de la voiture. A deux mètres à peine de là où Aveline se trouve. Elle se retourne et je ne peux pas éviter son regard.

Et merde.

Je démarre, et quitte ce foutu parking en me traitant lamentablement d'idiot.


HétérochromieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant