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Le lendemain au réveil, en regardant ma tête dans le miroir de la salle de bains, je remarque deux énormes poches violettes sous mes yeux. Je n'ai pas réussi à dormir, hantée par l'image de ce cadavre flottant dans la rivière. Je ne réussis pas à avaler quoi que ce soit au petit-déjeuner non plus et décide d'aller regarder la télé en attendant que Mickaël klaxonne pour m'informer qu'il est l'heure de retourner dans notre lycée pourri pour une nouvelle journée merdique de notre triste vie.

À peine ai-je allumé la télévision que je tombe sur les infos, j'augmente un peu le volume et écoute les gros titres de la matinée sans grand intérêt. Je m'apprête à changer de chaîne quand quelque chose m'interpelle sur l'écran. Je reconnais l'endroit où a été filmé la scène et le gros titre écrit en dessous ne ment pas non plus : Ce matin, une jeune fille a été retrouvée noyée dans la rivière.

J'augmente de nouveau le volume pour écouter ce que le journaliste a à dire que les images ne diraient pas déjà : Il s'agirait d'Olivia Hogan, une jeune adolescente de dix-sept ans étudiant au lycée du coin, l'autopsie devrait pouvoir nous fixer pour de bon sur son identité et sur sa mort. Il devrait s'agir d'un suicide mais nous n'en sommes pas certains étant donné que nous n'avons pas retrouvé de lettre ou quoi que ce soit qui le prouve pour le moment. Près de la rivière, nous avons également découvert la voiture immatriculée comme étant celle d'Olivia, nous l'avons fouillé mais n'avons rien trouvé indiquant un suicide, qui serait notre première hypothèse, nous avons cependant remarqué que les vitres avaient été cassées plus tôt. La théorie du meurtre reste donc plausible dans ce cas. C'était Tony Parker pour Radio...

Je sursaute en entendant Mickaël klaxonner dehors, je ramasse la télécommande que j'ai lâchée sur le coup de la peur et éteins la télé avant d'aller ramasser mes affaires dans l'entrée et de sortir en fermant la porte à clé.

Mickaël arbore un sourire radieux mais je remarque tout de même des cernes sous ses yeux, il fait comme-ci rien ne s'était passé, je sais que c'est ce qu'il faut faire mais j'en suis incapable. Il démarre sans un mot mais je sens qu'il est stressé, il a peur, comme moi.

- Tu as vu les infos ? je lui demande tout en fixant la route.

Il se tourne vers moi, je sens son regard peser sur moi mais je ne le regarde pas pour autant.

- Ouais, ça craint...
- Qu'est-ce qu'on va faire ?
- Rien, surtout on fait rien, personne ne doit savoir qu'on était là-bas.
- Tu la connaissais toi, Olivia ?
- Non, enfin oui sans doute, j'ai dû lui parler quelques fois, on était dans la même classe en primaire, et toi ?
- Elle avait colporté une rumeur l'année dernière, dis-je en me remémorant de mauvais souvenirs.
- Je sais ça, ne t'inquiète pas, tout va bien, je suis là, me glisse-t-il en me prenant la main.

Sa paume est chaude dans la mienne et me donne un petit peu de courage pour la journée qui s'annonce.

Nous arrivons devant le lycée une quinzaine de minutes plus tard, Mickaël se gare sur le parking et nous descendons de voiture. Au moment où nous marchons en silence vers le lycée, plusieurs personnes nous dévisagent et se retournent sur notre passage. Depuis que je côtoie Mickaël c'est ce qui arrive tous les jours. D'habitude je les ignore, je suis plutôt douée pour ça d'ailleurs, mais aujourd'hui c'est différent, aujourd'hui je sens ces regards pesés sur moi, comme s'ils savaient. Alors que personne ne sait, c'est idiot, nous n'étions que tous les deux au bord de la rivière.

Nous arrivons près de nos casiers et j'ouvre le mien afin de déposer mes affaires de la journée. Jeudi, le pire jour de la semaine, je commence par deux heures de biologie et comme le bâtiment des sciences et de l'autre côté du lycée je dois me dépêcher pour arriver à l'heure, j'ai déjà eu trop de retards ces derniers temps, à cause de Mickaël en grande partie (Mickaël ne s'est pas réveillé, Mickaël n'a plus d'essence, et blablabla...).

- Mike, dis-je en me retournant vers lui, à ce midi !
- À ce midi crevette ! me répond-il sans se retourner.
- Rrraahh ! dis-je en partant.

La plupart des cours sont à mourir, surtout la biologie, de mon point de vue on ne devrait pas obliger les ados à aller dans des cours qu'ils n'apprécient pas, sincèrement, ça énerve autant le prof que l'élève. Quand, après deux heures de torture, la sonnerie retentit je saute de joie et sors le plus vite possible. Il me reste encore deux heures de cours avant le repas du midi et je n'en peux déjà plus. Ma seule hâte est de retrouver Mickaël. Quand j'arrive dans le bâtiment principal, je suis totalement trempée par l'averse qui est tombée sur moi sans prévenir au moment où je sortais. Quelle poise aujourd'hui !

Mon prof de français me regarde bizarrement quand j'entre dans sa salle sans prévenir, dix minutes après la sonnerie. Il m'a sûrement déjà noté absente et c'est pour ça qu'il semble si surpris de me voir. Et quelques secondes plus tard, je réalise surtout qu'il doit se demander d'où je sors avec mes cheveux dégoulinants et mes vêtements trempés. J'ai eu beau essayer de les sécher aux toilettes, rien n'y a fait.

- C'est la pluie... dis-je pour amorcer, je me suis pris l'averse...
- Je comprends, allez vous asseoir mademoiselle Wilson, me coupe-t-il.

Je fonce au fond de la classe sous les regards dédaigneux de mes camarades. J'ouvre mon manuel et me force à suivre le cours qui est d'un ennui plus que mortel.

Finalement la sonnerie me réveille en fanfare, c'est la fin de la matinée ! Ouf, j'ai bien cru que ça ne se terminerait jamais ! Je me dépêche de sortir non sans bousculer certains élèves sur mon passage. Je cours presque jusqu'à mon casier où je retrouve Mickaël. Je n'hésite pas une seconde à lui sauter dans les bras tellement je suis heureuse que ce soit fini. Il semble surpris au début et après quelques secondes il déclare :

- Tu es sûre que ça va ?
- Je suis juste super contente de te voir !
- Attends, tu es sûre que tout va bien, il pose une main sur mon front, non pas de fière, dit-il pour rire.

Je m'écarte de lui, pars ranger mes affaires dans mon casier et nous nous dirigeons vers le réfectoire dans un joyeux brouhaha.

K7Where stories live. Discover now