Chapitre 6

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          Les deux femmes redescendirent et se séparèrent dans la grande salle. Les hommes étaient assis sur les fauteuils et les chaises libres, abrutis par le vin. Élisabeth se posta près de l'âtre et Adrianne la rejoignit en ondulant des hanches.

— Pendant ma ronde des tables de jeu, j'ai pu écouter certaines conversations. Louis XIV est loin de s'imaginer ce qui se passe ici. Ce n'est pas principalement une réception pour le Donjon des Demoiselles. Dans la nuit, quand la lune aura atteint son zénith et les filles couchées, ils se réuniront dans la salle blanche en prétextant un sujet important à délibérer d'urgence.

— Combien seront-ils ? demanda Élisabeth en considérant les flammes qui dansaient dans l'âtre.

— Tous les hommes présents dans le château en font partie, déclara Adrianne en se tournant vers sa compagne.

— Nous devons donc tous les supprimer, affirma la blonde.

— C'est une grande mission. Nous en enverrons beaucoup à la mort.

— C'est le problème de l'enfer et non du nôtre, rétorqua Élisabeth en refusant la valse d'un convive à la perruque légèrement de travers.

— La réponse est simple, mon amour. Le roi XIV nous ferait sauter la tête. Et nous lui devons bien ça après qu'il nous ait sauvés d'un enlèvement asiatique.

— Je n'en suis toujours pas convaincue, marmonna Élisabeth qui jouait avec les flammes.

— Tu obéis aux ordres, car, te perdre n'est pas une option, mais une raison de disparaître de ce monde, gronda la brune, en attrapant les doigts de sa compagne avant qu'elle ne se brûle.


          La Grande Dame arriva à l'improviste, en frappant deux coups dans ses mains. Elle demanda à toutes les demoiselles de regagner leurs chambres. Les invités se relevèrent avec peine et s'inclinèrent aussi bas que l'alcool le leur permettait. Les femmes hurlaient et piaillaient de joie en montant dans leurs alcôves. Dans le brouhaha de leur conversation aiguë, la certitude de quitter ce lieu dans peu de temps, car un homme les avait choisis pour épouses, les envahissait d'allégresse.

            Élisabeth et Adrianne s'éclipsèrent de la foule en se cachant derrière une colonne. Elles regagnèrent le banquet au pas de course juste à temps. La gent masculine partait rejoindre leur fameux rendez-vous. De loin, les deux femmes les suivaient. Personne ne parlait. Ils passèrent devant la salle blanche. Élisabeth observa Adrianne en fronçant les sourcils. Ils continuèrent leur chemin.

— Tu es certaine de tes informations ? chuchota Élisabeth.

— Oui. Je l'ai très bien entendu et plusieurs fois en plus, répliqua la brune.

— Peut-être qu'ils t'ont découverte.

Adrianne lui jeta un regard noir. La procession s'arrêta d'un seul coup. Un homme se détacha du comité et imposa ses mains sur un mur. Il le tâtait comme s'il cherchait quelque chose. Puis, la cloison s'ouvrit. Le groupe entra.

— Qu'est-ce qu'on fait ? murmura Adrianne, paniquée.

— On n'a pas le choix. On rentre, décida la blonde en observant la porte secrète se refermer déjà sur le dernier invité.

Et elles se jetèrent dans la gueule du loup.

LibertinesWhere stories live. Discover now