Chapitre 8

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           Les deux femmes abaissèrent petit à petit leurs pistolets, expirant les derniers nuages de mortuaire. Vingt-huit corps semblaient allongés dans les bras de Morphée, à même le sol. Seules les taches sombres sur leur poitrine déclamaient la vérité.

— XIV a tout intérêt à nous récompenser avec tous les mérites qui se doit, gronda la brune en rangeant son revolver dans son décolleté.

En marchant parmi les morts, le sang éclaboussait de gouttelettes sa robe. Cette dernière ne s'en soucia pas.

— Il a toujours été plus clément avec nous qu'avec les autres, et nous le savons, sourit Élisabeth en se dirigeant vers une fenêtre afin d'observer si des potentiels ennemis pouvaient arriver.

Adrianne s'agenouilla et sortit de sa chaussure un poignard. Elle prit en pleine main la première tête qui lui vint et trancha net au niveau du cou.

— En voilà une, claironna-t-elle en réduisant la perruque de sa victime tuée par des espionnes du XVIIème siècle.

La brune voulut passer au suivant, mais elle reçut un puissant coup par derrière et s'effondra sur le sol, le visage face contre terre. Deux hommes plaquèrent Élisabeth contre un mur et l'obligèrent à se retourner. Le Vicomte émergea alors de l'ombre du rideau noir, en exultant.

— Les espions du roi ont encore quelques compétences à acquérir, visiblement.

Il s'approcha d'Adrianne, assommée, en dévoilant de l'intérieur de sa veste, un pistolet gravé de dorure. Sous les cris d'Élisabeth, il tira sans relâche.

           Une fois l'arme vidée, l'ennemi l'essuya à l'aide d'un mouchoir blanc.

— Laissez-la-moi, ordonna-t-il en regardant le canon toujours fumant.

Élisabeth fut libérée et rampa jusqu'au corps d'Adrianne où le sang s'écoulait en une grande flaque sombre sur le sol crayeux.

— Pourquoi l'avoir tuée ? Vous n'aviez qu'à nous capturer et nous emmener au roi.

— Nous prenez-vous vraiment pour des idiots ? C'est Louis XIV qui vous envoie. Nous aussi bénéficions de quelques espions.

— Qu'allez-vous faire de moi ? demanda Élisabeth en tremblant, tout en tenant la tête d'Adrianne contre elle.

— Pour le moment, rien. Nous dépêcherons une missive à Louis XIV pour le prévenir que nous vous avons appréhendé.

— Le roi n'attend qu'une faute de votre part, comme a dit votre ami, répliqua Élisabeth.

— Sauf que ça n'en sera pas une. Vous croyez que le Roi de France essayera de vous récupérer ? Vous avez échoué et vous ne lui servez plus à rien.

— Je vais quand même réussir ma mission, bredouilla-t-elle, peu convaincue par sa réponse.

— Et comment ? éclata de rire le Vicomte. Vous êtes seule face à trois hommes.

— Pendant que vous parliez, en appréciant votre propre voix, Adrianne a versé de l'huile de baleine sur le sol.

Une expression d'horreur se peignit sur leurs visages. Élisabeth retira de son corset une bûchette et un briquet à silex. Sans que les ennemis du roi puissent agir, une flamme jaune naquit et fut lancée vers l'unique accès afin que personne ne rentre, ou ne sorte.

           Le feu se propageait dans la pièce et les hommes s'embrasaient en hurlant face à la douleur. Élisabeth n'avait pas lâché le corps d'Adrianne, dont la flaque de sang rejoignait l'embrasement.

— On avait des projets toi et moi, commença Élisabeth en pleurant. Après nos missions pour Louis XIV, nous aurions dû nous trouver une petite maison et élever des orphelins. Et nous aurions eu largement assez d'argent pour les combler de bonheur. Je t'ai adoré dès le premier jour. Je t'aime encore plus à cette heure. Je préfère, alors, en finir tout de suite plutôt que vivre une existence sans toi à mes côtés. Nous allons mourir dans les flammes de notre amour éternel.

À ces derniers mots, Élisabeth posa ses lèvres sur celles d'Adrianne et une vague flamboyante vint les engloutir.

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