La lecture qui te sauve

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CHAPITRE III
Lucy

Concentrée sur les mots de mon livre qui s'enchainent, je n'entends que vaguement les voix criardes de mes cousines. L'histoire emporte ma conscience qui tendrait à les écouter en priorité. Sans lâcher des yeux les écritures, je rabats d'une main pressée le plaid autour de mes épaules. L'air marin s'est refroidit.

– Lucy...regarde ! Lucy !

Cette fois-ci, leurs voix me déconcentrent et pendant une ligne, mes yeux lisent les mots sans que mon cerveau s'en imprègne. Le résultat est tel que je suis complètement perdue. L'énervement domine ma raison, je leur explique avec une impatience mal dissimulée.

– Les filles...je lis..allez emmerder quelqu'un d'autre. Dis-je sans lâcher mon livre des yeux.

Dans ce camping-car, réussir à être concentré relève d'une aptitude surnaturelle. Entre le volume des émissions télévisés bidons que mon oncle passe la journée à regarder, les jumelles qui se chamaillent inutilement, leur grande sœur qui téléphone sans cesse à ses copines et mon frère et Luxus qui jouent à la console, la notion même de silence se rapproche d'une utopie irréalisable.

– Allez Lucy !

Devant leur insistance je décide d'abdiquer et détache mes yeux des pages de mon livre pour regarder mes imbuvables petites cousines. Deux jumelles, une aussi infernale que l'autre, à sept ans, elles ont encore du mal à faire la différence entre la réalité et la fiction.

Leurs visages sont barbouillés de maquillage, le rouge à lèvres est tout aussi appliqué sur leurs joues que sur leurs bouches. Leur fard à paupière noire est effrayant; elles ont presque l'air bêtes. Leurs yeux sont brillants et un grand sourire pend à leurs lèvres attendant sûrement mon verdict. Je n'ai pas le temps de leur dire qu'elles sont laides que ma mère apparaît, lessivée.

– Tu veux bien aller faire la vaisselle ? Me demande-t-elle.

Je réprime un râle énervé. Mon livre m'attend dans mes mains. L'intrigue travaille mon cerveau depuis deux jours et le dénouement est proche. Je regarde ensuite par la fenêtre, de grosses gouttes d'eau s'y abattent depuis ce matin.

– Avec ce temps ?

Ma mère ne me répond pas et lâche sur la table la bassine lourde de vaisselle sale. Une légère grimace de dégoût s'installe progressivement sur mon visage quand je vois les bouts de lasagnes sur les assiettes. Mon estomac sensible, je suis écœurée par la simple vue de restes.

– Le temps ne change rien. Montre l'exemple à tes cousines.

D'un geste sec je ferme mon livre. Je pense directement à Carla à qui elle, on ne lui demande rien sous prétexte qu'à son âge, je ne faisais rien. Je m'empare finalement de mon anorak que j'enfile rapidement et saisis la bassine remplie plus qu'au rebord. Mes mouvements sont lents, flemmards. Ils deviennent plus rapides lorsque la pluie me trempe sur le chemin. Je cours à travers les gouttes et me retrouve rapidement aux sanitaires que je contourne pour arriver au lieu commun de bacs à vaisselle.

Ici, quelques personnes s'activent à laver leurs assiettes sales. Un peu pressée, je descend les marches glissantes. Je perds presque l'équilibre et le mouvement tremblant de mes mains fait tomber un gobelet en plastique au sol. Il roule quelques secondes avant de s'arrêter aux pieds d'un jeune homme en face d'un lavabo.

– Merde... Je jure, énervée contre moi-même.

Une des mains fortes de l'homme s'empare de l'objet délaissé au sol. Il lui faut quelques secondes d'observation pour comprendre que j'en suis la propriétaire.

– Tenez. Dit l'inconnu en me tendant le bout de plastique.

Je lui souris et le remercie gentiment avant de déposer la bassine sur le comptoir à côté de son lavabo. Je fais couler une noisette de liquide vaisselle sur mon éponge verte et jaune puis me décide à gratter la céramique des assiettes souillées de nourriture.

– La vaisselle sous la pluie c'est un cauchemar. J'affirme plus pour moi que pour faire la conversation.

Le jeune homme balance son torchon sur son épaule et cale sous son bras sa bassine où sa vaisselle brillante et lavée est bien rangée. De plus près, je devine presque qu'il doit avoir mon âge. Ses cheveux sombres encadrent un visage bien que sérieux, séduisant et charismatique.

– Et je viens enfin de m'en sortir ! Bon courage à vous ! Me salue-t-il en commençant à s'en aller.

– J'en ai bien besoin ! M'exclamé-je.

Sa silhouette disparaît au loin. Et c'est le sourire aux lèvres et d'une bonne humeur inespérée que je reprends le nettoyage de mes assiettes.

Lucy a un peu plus le smile que les autres! Je me demande qui était cet homme? Prochain chapitre PDV GREY

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Lucy a un peu plus le smile que les autres!
Je me demande qui était cet homme?
Prochain chapitre PDV GREY.

Les vagues éphémères Where stories live. Discover now