Une truite qui s'échappe

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CHAPITRE VII
Juvia

Mon regard s'attarde sur le groupe d'enfants à quelques mètres de moi. Quelques-uns courent, d'autres discutent. Leurs corps légers semblent bouger au gré de leurs émotions. Ils tiennent, dans leurs mains, de jolis souvenirs tous neufs. Mon esprit dérive. Je pense à Meldy et Sorano. Je devrais leur acheter un cadeau. Un porte-clés bidon ? Une carte postale où des canons à la plastique parfaite posent les fesses à l'air ? Une spécialité culinaire du coin ?

Paf. Mon nez s'écrase contre quelqu'un. Perte d'équilibre, mes pieds s'emmêlent, mes mains rencontrent brusquement le goudron chaud.

– Aïe.

J'ai mal. La chaleur du goudron m'agresse les narines, mon nez brûle. Et mes fesses aussi. Je regarde la personne que j'ai bousculé. Réflexe oblige, je m'excuse sans être la fautive :

– Excusez-moi. J'étais distraite.

Je me mords presque les joues. Il vaut mieux dire "veuillez m'excuser", non ? Là, j'ai l'impression de lui donner un ordre. Horrible. Panique face à l'inconnu, je ne pense même pas à me relever. Je relève mes yeux pour anticiper sa réaction. 

Mes doutes se noient dans les siens. Noirs. Très sombres. Du genre à ne rien refléter. Un puit.

L'homme me tend sa main et je reviens sur Terre. Son contact est électrique. Je n'ai pas le temps de l'apprécier que ses doigts fuient déjà les miens pour se caler dans ses poches de pantalon.

– Rien de cassé ? Me demande-t-il.

Je réprime le soupire de désespoir qui veut franchir mes lèvres.

– Rien, à part mon cerveau peut-être..

Ma réponse est un aveu. J'avoue mon trouble. L'inconnu ne semble pas vraiment en faire une affaire d'état. Il ricane puis passe sa main sur sa nuque.

– Grey. J'ai récupéré ton chapeau..y a pas si longtemps. Hier, je crois.

Grey. Gris. Quel drôle de nom. Sa voix qui prononce ce mot, qui articule ces lettres et associe ces sons me fait l'effet d'un vertige. Beaucoup trop sensible, j'ai l'impression que je peux tomber par terre à tout moment.

Le jeune homme me regarde. Il attend patiemment quelque chose de moi. Une réponse à ce qu'il a dit, sûrement. Dommage. Mon  cerveau s'est envolé au moment où le mot "Grey" est sorti d'entre ses lèvres. Perdu dans les sons et sens que ce mot peuvent avoir il a effacé tout ce qui a été prononcé après.

– Juvia. Dis-je à mon tour pour combler le blanc.

Il hoche la tête, un petit sourire coincé au bout des lèvres. Je me liquéfie sur place et ça n'est pas seulement à cause de la chaleur du soleil.

– Tu vas à la piscine ? Me demande-t-il en regardant le grand panneau derrière moi.

J'hoche négativement la tête de droite à gauche.

– Session pêche de mon coté.

Le jeune homme hausse un sourcil l'air de me croire pêcheuse professionnelle. Je ne peux empêcher un léger rire sortir d'entre mes lèvres :

Les vagues éphémères Onde histórias criam vida. Descubra agora