7 décembre - Séléna

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C'est l'heure de la pause méridienne, et alors que je pensais manger seule comme souvent, ou bien en tête à tête avec ma sœur, Astrée et Guilhem m'invitent à les rejoindre. Ça me fait tout drôle, mais j'aime bien ce sentiment de... d'avoir des amis. Mais je ne sais pas comment ils font pour ne pas en avoir marre de moi ! Surtout que cette journée était déjà très mal partie : mon réveil n'a pas sonné et Hélia commençait plus tard ce matin, il pleuvait à torrent et je n'avais pas de parapluie, j'ai raté le bus pour la sortie de ma classe de L au théâtre, et ce midi j'ai fait tomber mon plateau, quelle honte ! À croire que la chanson dont j'ai le refrain en tête depuis ce matin (La Loi de Murphy, d'Angèle) était un mauvais présage. C'est Murphy qui l'a dit... Bref, heureusement qu'ils étaient là pour me redonner le sourire !
Quoi ? Pourquoi Astrée me fixe comme ça ?
« Séléna. Tes dents, attends tiens. » me dit elle en me tendant un miroir de poche.
Oh non ! C'est pas vrai, j'ai une feuille de salade entre les dents. C'est pas possible, cette journée est un cauchemar...

J'espère que demain ça ira mieux, on est invitées chez Guilhem et Astrée pour décorer leur sapin et leur maison, puis mercredi ou samedi prochain, ça sera chez nous ! Je sais, en général je déteste noël. Mais cette année, c'est un peu différent, je commence à changer d'avis... Je suppose que c'est parce que je me sens un peu moins seule désormais. La pause méridienne est finie, Les S ont cours, moi j'ai une heure de libre, ou une heure à tuer on le voit comme on veut. J'ai tendance à voir le verre plutôt à moitié vide, ma sœur à moitié plein, Guilhem moitié/moitié et Astrée mi liquide - mi gaz : une véritable scientifique ! Je crois qu'elle veut faire des études de médecine d'ailleurs. Moi, je ne sais toujours pas vraiment ce que je veux faire, et ça aussi ça me fait peur... Enfin, je sais déjà que j'aime beaucoup la littérature et la philosophie, je vais donc sûrement me diriger vers des études littéraires qui me permettent de garder des cours assez variés en étant très tournée vers les humanités : je crois que la prépa littéraire me correspondrait bien, et comme ça il me restera encore deux années pour choisir. Mais je risque de devoir me séparer de ma sœur... et ça, ça va être horrible. Elle va sûrement faire une prépa scientifique, alors on ne sera sans doute pas dans le même lycée et qui sait si on sera dans la même ville... Oh comme elle va me manquer ! Même avant notre naissance, nous n'étions jamais réellement l'une sans l'autre. Opposées certes, mais complémentaires. C'est dur de l'admettre, mais je ne suis pas sûre d'être vraiment indépendante. Mon cœur se ressert à l'évocation de cette séparation qui me déchire rien que d'y penser.

Tiens, un post-it vient de tomber de mon sac pendant que j'en sortais un livre : « Si quelque chose ne va pas sœurette, n'oublie pas que je suis là et que
"All is gonna be alright, all is gonna be just fine"
H. ☀︎ »
Oh, comme c'est adorable ! S'il y a une chose qu'on a en commun, je crois que c'est les goûts musicaux. Même si on écoute pas toujours les mêmes chansons, on aime toutes les deux beaucoup Angèle et Jain notamment. Mais, je la connais la suite de la chanson : "all is gonna be alright, if love is around..."
Sauf que l'amour là, je ne l'aperçois toujours pas. Que je le cherche ou pas de toute façon, il n'est jamais là pour moi. Et puis, quoi qu'il en soit, c'est la dernière année qu'on passe au lycée. Je me fais des amis, mais je vais peut être devoir m'en séparer, alors un crush n'en parlons pas ! Les histoires de cœur de toute façon, ce n'est sans doute pas pour moi.
Néanmoins, je ne peux m'empêcher de sourire timidement quand je songe à la délicate attention de ma sœur. Pourquoi m'a t'elle écrit ça ? C'est comme si... comme si elle savait ce que je pouvais ressentir, les doutes et les tourments qui m'assaillent. Mais comment pourrait elle les connaître ? C'est vrai, je ne les raconte qu'à mon journal intime. À moins que... à moins que ce ne soit le lien des jumelles qui ait encore frappé. Peut être... qu'elle aussi ressent la même chose ?
Non, ce serait bête. Elle n'est pas soucieuse et anxieuse comme je le suis, elle c'est une hédoniste : elle profite simplement des petits bonheurs de la vie comme ils viennent. Je devrais songer à en faire autant. Enfin bien sûr, je suis comme je suis, je ne serai jamais comme elle, mais peut être que si je travaillais un peu sur moi et que je faisais des efforts pour voir le bon côté, le monde serait un peu plus beau, moins gris, moins laid, moins triste et moins désespérant.

Oh mais c'est pas vrai ! Je ne suis pas fichue de marcher au lycée sans me prendre une racine ? Mais quelle gourde. À croire que... c'est Murphy qui l'a dit.

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