Chapitre 1

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Une fois encore, un cauchemar venait me hanter. Depuis plusieurs nuits, une dame blanche me poursuivait en me hurlant qu'elle était ma mère. J'essayais de la fuir, en vain, puisque la scène m'apparaissait floue. Je ne voyais pas où j'allais et je ne comprenais pas pourquoi je rêvais de ça... Bien que c'était évident qu'elle mente, elle n'en présentait pas les signes physiques. On aurait dit qu'elle tentait à tout prix d'être crue.

Un bruit strident titilla mes oreilles jusqu'à me réveiller : les griffes de mon corbeau qui grattent mes volets en bois. Les coucous incessants de mon horloge n'aidaient pas à me rendormir et je me résolus à me redresser doucement pour frotter mes paupières, tandis que Ser ouvrit ma fenêtre et entra dans ma chambre. Je sortis mon uniforme d'espionne royale de mon placard et activai l'espace magique de ma bague pour l'y insérer.

La cérémonie de remise des diplômes clôturera mon entraînement et validera mon intégration dans l'armée de l'ombre de mon père. À partir de ce soir, je pourrai enfin défendre le Pays Oublié comme je l'ai toujours souhaité : auprès de mon peuple, directement sur le terrain, et non pas seule, derrière les murs du château de Sylvae. J'espérais ainsi retarder ma montée sur le trône, ou au moins l'adapter à mes envies. Je ne me sentais pas encore prête à accomplir mon rôle de souveraine, du moins... tel qu'on me le présentait : les responsabilités et la conduite à suivre m'angoissaient énormément.

Je sautai de ma fenêtre et déployai mes ailes noires. Mes sujets croient souvent qu'en tant qu'Élue, je peux contrôler chacun des quatre éléments à la perfection et à n'importe quel moment. Malheureusement, ce n'était pas le cas. De plus, je n'avais développé des affinités que pour le Feu et la Terre. Je savais néanmoins tirer profit de mes faiblesses. Par exemple, dans cette situation, mes ailes pesaient trop lourd dans mon dos, ce qui m'empêchait de voler correctement. Je m'aidais donc des courants d'air chauds et froids pour planer.

Ser et moi descendions de la falaise qui surplombait la capitale, semblable à n'importe quel village du Pays Oublié. La Lune éclairait les habitations et la forêt, malgré l'obscurité de la nuit. Plus nous nous rapprochions de la végétation, plus la brume environnante s'épaississait, imposant un certain silence en ce lieu réputé hanté, où personne ne tentait de s'y aventurer, voire d'y vivre. Cette rumeur lancée par un anonyme il y a de nombreuses années — avant même La Grande Bataille ! — permettait l'organisation des entraînements et des réunions secrètes des espions royaux, notamment celle de ce soir.

J'atterris sur l'herbe grisâtre et mouillée, et Ser sur la branche d'un arbre dénudé, criblé de trous de toutes les tailles et formes imaginables. En étudiant la position des astres au-dessus de nos têtes, je déterminais que la cérémonie se déroulerait dans environ une heure. Je me changeai et sentis que l'ambiance s'était détériorée, comme si quelqu'un m'observait à mon insu. Mon familier avait disparu et le tronc devant moi frémissait anormalement, m'obligeant à reculer prudemment.

— Qui a l'audace de se dévêtir de la sorte devant mon humble demeure ? grogna-t-il.

— Mille excuses ! J'ignorais que des Créatures magiques vivaient là, malgré les avertissements !

— Tu oses souiller ces lieux par ta personne et en plus tu les insultes. Ma sentence sera à la hauteur de la gravité de tes actions !

Parmi toutes ces menaces, je perçus un faible rire et découvris mon corbeau en train de grignoter les feuilles de l'arbre. Un visage hilare s'en détacha, puis une nymphe que Ser s'empressa de poursuivre avant d'atterrir sur mon épaule. La sortie « facile » de sa maison me surprenait et me fascinait à la fois. Elle retira les restes d'écorces sur son corps verdâtre et ses cheveux rouges. Elle écarquilla les yeux en m'apercevant.

The Chosen One(s)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant