Chapitre 20 | Partie 2: Hares on the Mountain

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ARLETTE

Elle rattrapa le contrebandier dans la pinède qui couvrait tout le bout de l'île et ils arrivèrent bientôt à sa pointe sud. A l'orée du bois se trouvait une petite zone herbeuse où les attendait un chien noir et blanc aux yeux bleus.

Au bout de ce pré se trouvait le petit phare de Bass Harbor. C'était une maison de briques accolée à une petite tour grisâtre. Un cabanon installé à côté prouvait qu'il n'avait pas encore été automatisé. C'était une réserve d'huile pour la lampe.

Le pré bordait une petite falaise de roches grises d'à peine cinq mètres de haut sur laquelle les vagues venaient se jeter.

Le chien vint humer les visiteurs puis aboya et les accompagna jusqu'à son maître, un homme d'une quarantaine d'années aux cheveux châtains et à la barbe plus claire. Il portait un pantalon de caoutchouc pour la pêche avec un pull à grosses mailles et un bonnet épais.

La Française laissa Henry le saluer en premier puis vint lui serrer la main. Il avait des airs de Joshua qui intriguèrent la jeune femme. Son visage avait beau être émacié, ses traits semblaient épais et il portait le même type de barbe fournie que son ancien ami.

Alors qu'Henry entrait dans la maison, l'homme fit signe à la jeune femme de rester à l'extérieur. Elle hésita un instant mais le contrebandier lui fit signe de rester dehors. Elle se retrouva donc seule avec le pêcheur.

Sans même se présenter, il lui tendit une petite perche en bois et l'invita a à l'aider pour remonter les pièges à homards qu'il avait placés entre les rochers plus bas.

Il l'amena près de la falaise et lui fit signe de le suivre alors qu'il descendait contre les roches glissantes, sans faire attention à la robe et aux bottines de ville que portait la jeune femme. Après tout, elle s'était présentée comme la patronne d'une auberge et non comme une rombière venue passer un week-end au grand air. Il la traitait donc comme telle.

Alors qu'ils descendaient une série de petits escaliers taillés dans des pierres glissantes, il se présenta comme le gardien du phare, et passa plus de temps à parler de son chien que de lui-même.

La bête qui l'accompagnait depuis des années dans ses rondes de nuit était ce qu'il appelait un « chien de brume », qui entendait venir les bateaux lorsque le brouillard était trop épais et que les yeux de son maître lui jouaient des tours. L'animal voyait de ses yeux bleus fantomatiques et entendait les bateaux dans les murmures du vent. C'était un chien d'Amérindien d'après le gardien, qui aurait pu tenir le phare tout seul s'il avait été doté de mains et de doigts.

Arlette regarda cet animal étrange qui lui passait devant pour aller se jeter sur les rochers face aux vagues et chercher les pièges de bois et d'acier, semblables à des huches à pain. Il s'arrêta sur une pierre à moitié couverte de coquillages et se mit à aboyer fièrement.

Le gardien le rejoignit et tira une cage au fond de laquelle se trouvait une sorte de gros cafard rouge. La jeune femme restée sur la dernière marche salua la prise en applaudissant malgré tout, alors que le marin ne pouvait s'arrêter de rire en montrant le homard au chien qui aboyait à tue-tête.

Le bruit des vagues, les aboiements du chien et les cris des goélands créaient une sorte de confusion générale, dans laquelle Arlette n'arrivait pas à trouver d'équilibre. Elle faillit glisser dans l'eau face à tout ce tumulte et se rattrapa à l'aide de la perche en bois. Elle se rattrapa de façon ridicule en dansant sur la perche et éclata de rire.

Le gardien s'esclaffa bruyamment à son tour en balançant les bras joyeusement. Ils étaient tous les deux emportés par l'euphorie de cette nature tapageuse. Il y avait quelque chose d'étrangement naïf dans cette scène qu'Arlette peinait à comprendre. Était-ce donc ce à quoi pouvait se résumer le bonheur ? Une vie simple et la fierté de voir son travail porter ses fruits ? Cette idée lui plut.

PINEWOODWhere stories live. Discover now