Chapitre 2 - Découvrir de nouvelles choses

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Le retour chez moi se fait dans le calme. La pluie ne cesse pas, mais son intensité semble avoir diminué un peu. J'essaie de me concentrer sur la route, cependant mon esprit ne peut s'empêcher de penser à l'individu de la montagne. Était-il blessé ? En état de choc ? Perdu ? Dans tous les cas, il n'était pas bien et ses pleurs en témoignaient.

Aussi, sa nature m'intrigue. Je n'ai pu le voir, je n'ai pu que l'entendre.

Un seul « va-t'en, laisse-moi » si convaincant, si profond... J'avais obéi, par peur.

Sa voix ne me donnait aucun indice autre que son âge. C'était une voix douce, agréable à l'écoute. Elle était un peu brisée par l'émotion, par la tristesse et par le bruit de l'orage, mais elle était belle. Elle m'avait donné des frissons, comme si j'étais parvenu à la reconnaître alors que je ne l'avais jamais entendue. D'ailleurs, je n'arrivais pas à savoir, même en la repassant en boucle dans ma tête, si elle était plutôt féminine ou bien masculine. Impossible de trancher. La voix était si androgyne qu'elle aurait très bien pu appartenir à un sexe comme à l'autre. De ce fait, mon esprit ressent un vide, incapable de se fabriquer une représentation mentale de cette personne. Mais qui est-elle ?

J'entre chez moi et prends une bonne douche chaude, réchauffant mon corps trempé par la pluie fraîche. J'essaie de profiter de ce moment de bien-être pour me vider un peu l'esprit, mais je n'y arrive pas. J'ai si peu l'habitude d'être perturbé dans mon quotidien si banal que cet événement, aussi minime soit-il, occupe toute mon attention.

Comme je m'en doutais, je me sens terriblement mal d'être parti et d'avoir laissé cette personne seule... Mais elle me l'a demandé... Je ne voulais surtout pas la contrarier davantage. Aurais-je pu tenter de l'aider autrement ? Peut-être... Mais quand elle m'a dit de m'en aller, j'ai vraiment senti qu'elle voulait être seule. Elle n'aurait pas accepté mon aide, même si j'avais insisté...

Assis sur mon lit, maintenant vêtu de larges vêtements secs, mon regard dérive sur les photos sur le mur en face de moi, au-dessus de mon petit bureau de travail. Il y en a de toutes sortes : mes parents et moi souriant à mon quatrième anniversaire, mon père et moi dans ma première voiture il y a trois ans, ma mère lisant son gros bouquin préféré près de la fenêtre du salon, et puis encore une tonne de photos de ma famille. Nous adorions prendre des photos, capturer l'instant. Mes parents étaient les personnes les plus importantes dans ma vie, je croyais les avoir avec moi, à mes côtés, pour toujours. Pourtant, le destin en a non seulement décidé autrement, mais il l'a aussi décidé trop tôt. Beaucoup trop tôt. 

Je me couche, laissant une petite lampe allumée près de moi, et prends la décision de retourner à la montagne demain, ne serait-ce que pour m'assurer que l'être de Cepheus n'y est plus, ou du moins qu'il va bien. Peut-être acceptera-t-il mon aide cette fois si ce n'est toujours pas le cas...

***

Le soleil semble être de mon côté aujourd'hui. Et pas d'orage prévu ni en vue ! J'arrive à la montagne assez tôt, n'ayant pratiquement pas fermé l'œil de la nuit. Ce mystère ne cessait de tourner en boucle dans ma tête, empêchant mon cerveau de se mettre complètement à off. Du coup, j'ai passé la nuit à ruminer, bien que cela ne m'ait mené à rien.

Je descends de ma voiture, puis, petit pack sac sur le dos, je me dirige vers le chemin que j'ai emprunté la veille pour redescendre de la montagne. Ce n'était pas mon chemin habituel, mais si je le suis bien en me guidant à l'aide de mes quelques souvenirs, il devrait me mener au tunnel.

J'entreprends donc mon ascension par cette ancienne route d'urgence, une certaine crainte se mêlant à une curiosité profonde, ces deux émotions me serrant les tripes. Je ne sais à quoi m'attendre, mais j'ai besoin de savoir. Si la personne n'y est plus, alors je saurai qu'elle est rentrée chez elle. Sinon, j'essaierai de lui apporter mon aide, si elle le veut bien cette fois.

Mon cerveau tourne à plein régime alors que je me rapproche de plus en plus du pont. Je reconnais certains trous auxquels j'ai dû faire attention la veille afin d'éviter une mauvaise chute. Il y en a partout, la route étant certainement abandonnée depuis de nombreuses années. J'aperçois au loin un creux dans Cepheus. Je sais que le pont n'est plus très loin.

J'avance encore et je suis émerveillé par le paysage s'offrant à moi. Contrairement à la veille, il semble accueillant, presque enchanteur. Je ralentis légèrement le rythme, prenant le temps d'apprécier, ébahis, cette vue encore à ce jour inconnu à mon regard. Je me dis alors que j'aurais dû passer par ici il y a bien longtemps, cette partie de la montagne étant la plus magnifique, et surtout, la plus paisible. Pendant un instant, j'oublie même la raison de ma venue ici. La lumière du soleil filtre à travers le feuillage des arbres, ceux-ci se balançant de manière gracieuse au gré du doux vent chaud du début de la saison estivale. De petits oiseaux piaillent et volent joyeusement au-dessus de moi, semblant se réjouir de cette merveilleuse température. Je me prends à sourire devant leur petit spectacle, la légèreté de l'air et la fraîcheur de la montagne venant accentuer ce sentiment de pur bonheur, de paix. Je respire profondément, sentant tout mon corps se détendre dans cette ambiance aux airs féeriques. Puis, les volatiles colorés disparaissent au loin, entre les arbres, poursuivant leur danse à travers la forêt.

Sans me rendre compte de la distance parcourue, j'arrive au pont. Déjà, la pleine lumière du jour le rend moins effrayant et cela me rassure un peu. Cependant, la nervosité m'habite de nouveau, mais heureusement, la curiosité prend le dessus de manière significative. Je reprends donc l'étroit chemin improvisé à travers les arbres, sur le flanc de la montagne, afin de parvenir au bas du pont. Je fais quelques pas en avant, me dirigeant vers ce qui est le milieu de la construction de pierre, et me retrouve face au tunnel. Bien que le soleil soit de sortie aujourd'hui, le tunnel demeure tout aussi sombre qu'en plein orage. Je n'y vois absolument rien.

Je m'avance un peu, plissant les yeux afin d'essayer de mieux voir, mais l'obscurité y est totale, comme si la lumière avait l'interdiction d'y pénétrer.

— Il y a quelqu'un ? demandé-je, presque dans un murmure.

Sans même la voir, je sens tout à coup une présence. Je sais que l'être de Cepheus est toujours là.

— N'aie pas peur, je veux seulement t'aider... dis-je de la voix la plus sécurisante possible.

J'attends quelques secondes, mais je n'obtiens pas de réponse. Pourtant, je sais qu'il y a quelqu'un là, dans ce tunnel, à seulement quelques mètres de moi.

Tout à coup, la voix que j'ai entendue sangloter la veille se fait entendre.

— Je n'ai pas besoin qu'on m'aide...

Sur un ton doux, délicat, comme dans un soupir, elle m'avait répondu. Un immense soulagement me gagne, tout comme cette tristesse que cet être semble porter.

J'ai besoin d'en apprendre plus à son sujet, mais pour cela, je sens que je vais devoir m'armer de patience et de douceur.

POLARIS [Skam France]Onde histórias criam vida. Descubra agora