CALLIE

2.7K 154 18
                                    

Assise dans sa voiture, sur le parking de l'hôpital, elle terminait sa cigarette avant de quitter le véhicule. Comme d'habitude, elle passa les portes de sécurité et retrouva son bureau. Elle s'y installa et se prépara à retrouver son premier patient de la journée. L'heure qu'indiquait l'horloge était neuf-heures cinq. Il allait donc bientôt arriver, Callie eut juste le temps d'aller se faire un café et de revenir se réinstaller derrière son bureau qu'il arrivait.

-Bonjour Mike, comment tu te sens aujourd'hui ?
-Baah... Pas mieux que les autres jours. Et vous ?
-Je vais bien, merci. De quoi veux-tu qu'on parle aujourd'hui ?
-Mmh, rien en particulier. C'est comme d'habitude. Je me lève, je mange, je me douche, je regarde la télé en pensant à comment je vais en finir, je mange, je joue aux cartes en pensant toujours à ça, je mange, je prends mes médocs, je regarde le journal télévisé et je me dis que j'ai encore plus de raisons de crever quand on voit le monde dans lequel on vit et puis je vais me coucher.

Callie écouta attentivement les paroles de l'homme qu'elle avait en face de lui et elle se leva. Elle s'approcha de la porte et l'ouvrit.

-Viens avec moi Mike, dit-elle avec douceur.

L'homme se leva et elle passa les portes avec lui jusqu'à se retrouver dehors sur le parking. L'hôpital étant sur les hauteurs, il y avait énormément de végétation autour d'eux. Elle s'avança donc vers la forêt qui bordait l'hôpital, marchant sur le sentier.

-Il fait beau, tu ne trouves pas ?
-Mh, si... Mais pourquoi on est là ? 
-Je pense que prendre l'air et voir le soleil, ressentir sa chaleur, ça fait du bien. Non ?
-C'est pas désagréable, dit-il continuant de suivre sur le sentier.
-Vois-tu, dans la vie... Quand on suit le chemin comme on le fait ici... On voit de jolies choses de temps en temps, rien d'exceptionnel. Le genre de choses qu'on aura déjà oublié dans deux jours. 
-Et alors ?
-Par contre, quand tu prends les choses en main et que tu décides de sortir du chemin que tout le monde emprunte, dit-elle en quittant le sentier, passant entre des arbres.
-Quoi quand on quitte le sentier ? dit-il voyant qu'elle ne terminait pas réellement sa phrase, bien qu'il la suivait quand même.

Callie resta silencieuse plusieurs dizaines de mètres, suivie par son patient. Ils arrivèrent face à une clairière avec un lac à l'eau écarlate en son centre, brillant sous les reflets du soleil, des cerfs majestueux y buvant.

-Tu peux voir des choses magnifiques.
-Oh... Ils sont beaux ! s'exclama-t-il à voix basse pour ne pas les effrayer.
-N'est-ce pas ?
-J'en avais jamais vu d'aussi près, dit-il en affichant un large sourire.

Un fin sourire se dessina sur ses lèvres en voyant la réaction du garçon. Elle était satisfaite d'avoir au moins pu émerveillé un peu sa matinée et peut-être qu'il allait comprendre cette métaphore.

-C'est comme la vie... Quand tu fais comme tout le monde, les choses perdent leur sens et elles finissent par te lasser et te sembler insignifiantes mais quand tu décides de prendre les choses en main et de faire les choses différemment, ça a un tout autre aspect. 
-Donc... Au lieu de faire comme tout le monde, je dois faire à ma manière si je veux sentir mieux ? C'est un peu bateau, non ?
-Exactement et ça peu sembler l'être mais ce n'est pas le cas. Ca ne fonctionne pas pour tout, c'est certain mais avec de la persévérance, on arrive à tout faire. Il est vrai que le monde dans lequel l'on vit est effrayant mais il y a des choses qui valent la peine d'être vécues et de nous pousser à vivre.
-Comme quoi ?
-Ce genre de moments d'émerveillement, les fous rires, les bonnes fêtes, l'amour, l'amitié, ... Je ne sais pas exactement mais énormément de choses. On a tendance à se focaliser sur les mauvaises choses, à mieux s'en souvenir que les bonnes mais au final... Penses-tu qu'on saurait ce que c'est que d'être heureux si on l'était tout le temps ? Rien n'est jamais noir ou blanc, ce n'est qu'un large nuancé de gris. Parfois très clair, parfois très sombre mais rien n'est insurmontable quand on se donne les moyens et que l'on est bien entouré. Ce n'est pas facile, ce n'est certainement pas à prendre à la légère mais c'est possible. J'aimerais, comme une sorte de devoir, que tu me listes tout ce que tu trouves de négatif chez toi, autour de toi, dans la vie en général. Ce qui te mine le moral. Tu n'y arriveras peut-être pas tout de suite et ne te mets pas la pression. Prends ton temps mais essaie de la faire.
-Mhmh... D'accord. J'imagine que je peux bien faire ça, c'est pas comme si mes journées étaient chargées.
-Bien. Nous devrions peut-être rentrer par contre sinon le directeur ne va pas apprécier, plaisanta-t-elle.

L'homme hocha la tête et la suivit. Ils retrouvèrent le sentier et retournèrent à l'hôpital. Une fois dans le bureau, elle se réinstalla derrière son bureau. 

-Quand tu auras dressé ta liste, on essaiera de changer certains points et que tu ne vois plus ça comme quelque chose de négatif.
-D'accord, dit-il simplement.
-Il nous reste encore un peu de temps, est-ce que tu veux me parler d'autre chose ?
-Mmh, pas spécialement mais merci. C'était agréable comme moment, on pourra le refaire ?
-Je demanderais l'autorisation avant mais c'est faisable, oui, répondit simplement Callie.
-Cool, merci, fit le garçon en se levant du siège, quittant le bureau. Oh... Dites..?
-Oui Mike ?
-Vous dites que rien n'est noir ou blanc... Mais quand quelqu'un meurt... Où est-ce que c'est ne serait-ce qu'un peu gris ? Y a pas une once de positivité là-dedans...
-Tu veux que je te dise ? Tu as certainement raison mais tu mets le doigt sur quelque chose qui est intéressant. Ces couleurs existent dans nos vies. La naissance, c'est la vie, la plus belle chose que l'on puisse t'offrir même si tu ne le penses pas spécialement, c'est le blanc. La mort, c'est triste, c'est horrible, ça déchire les gens, parfois même des familles, c'est le noir. Mais la vie que tu mènes, le présent... Ce n'est que du gris. Tu passeras peut-être une très mauvaise journée, que des mauvaises nouvelles mais tu es vivant, tu es là. Ton coeur bat, tu respires... Le lendemain, tu auras peut-être une bonne nouvelle, une nouvelle rencontre, un fou rire ou juste un bon film qui passe à la télé, dit-elle, finissant sa phrase sur un haussement d'épaule. Une journée n'est jamais parfaite mais ton humeur joue aussi. Si tu te lèves du mauvais pied, tu auras tendance à te dire que c'est une journée de merde parce que quelqu'un t'a bousculé et tu vas râler et continuer ta route alors que si tu étais de bonne humeur, tu t'excuserais et qui sait ? Peut-être qu'en prenant le temps de t'excuser, tu verrais qu'il a perdu son porte-feuille qui contient deux-cents dollars ? A toi de voir si tu veux lui rendre ou garder l'argent, c'est ton libre-arbitre là mais peu importe. Tu comprends ce que je veux dire ?
-Mmmh... Si quelqu'un me bouscule, je regarde par terre ?
-C'est pas vraiment ça, non, dit-elle en riant doucement. C'est juste qu'en prenant les choses avec plus de légèreté, tu verras plus facilement le positif mais mon exemple n'était peut-être pas très concluant, fit Callier amusée. On en reparlera la prochaine fois, d'accord ?
-D'accord docteur, merci. Bonne journée.
-Merci, à toi aussi Mike.

Ce rendez-vous s'était vraiment bien passé et Callie espérait donc qu'elle avait trouvé le moyen de lui faire voir que la vie n'était pas si horrible qu'elle n'y paraissait même si c'était loin d'être rose tout les jours, c'était un fait et que d'autres avaient des problèmes plus ou moins graves que les leurs mais que ce n'était pas insurmontable et chacun avait son degré de sensibilité. Un problème mineur pour certains pouvaient être majeur pour d'autres. Chacun avait son vécu et donc ses bagages derrière lui.
Callie eut un second rendez-vous qui se passa plutôt bien aussi, la patiente se dévoilant un peu plus au fur et à mesure de la conversation et l'heure du déjeuner approchait à grand pas donc Callie prit ses affaires pour aller manger en ville. Dans la voiture, elle reçu un appel de Megan.

-Allô ?
-Salut mon amour... Dis, est-ce que l'enveloppe c'est notre enveloppe ? Celle avec toutes nos économies ?
-Mhmh. Pourquoi ?
-T'es dingue ?!
-Megan, ne commence pas. Ce matin, ça s'est bien passé alors arrête.
-Mais tu te rends compte que lui a donné huit-milles dollars ?!
-Non. Je lui ai dit de prendre de l'argent pour les courses, pas l'enveloppe au complet.
-Mais putain, Callie ! Tu la connais à peine, elle va tout prendre et se barrer, réfléchis !
-Je lui fais confiance.
-T'es complètement conne putain ! Tu verras qu'elle sera plus là !

Callie exaspérée raccrocha. Elle voulait croire en Lisa et elle savait pertinemment ce qu'elle faisait. Elle savait qu'elle pouvait s'en aller avec tout et qu'elles perdent donc tout cet argent mais elle se devait aussi de lui faire confiance et de lui montrer que tout le monde n'allait pas l'accuser de tout les torts avant même qu'elle ait fait quoi que ce soit. Au pire des cas, elle appellerait la police et ils la retrouveraient assez vite si elle quittait la ville ou le pays. Peut-être pas avec tout la somme voire plus rien mais c'était un risque qu'elle était prête à prendre. 

-Je suis sûre que tout se passe bien, souffla-t-elle, pensant à voix haute. Mais je me demande ce qu'on va manger par contre, dit-elle, bien qu'elles avaient parlé de steak dans la matinée.

Lisa pouvait très bien changer d'avis à tout moment en voyant quelque chose qui lui donnerait plus envie.

La camisole des sentiments (TOME 1) [TERMINE - A CORRIGER]Where stories live. Discover now