Chapitre 2 - 5 : Intimité (Riza)

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Le hurlement me jeta hors de mes rêves aussi violemment que si on m'avait frappée dans mon sommeil. Je me redressai dans un sursaut, les yeux grands ouverts dans l'obscurité. Je bondis hors du lit et traversai la pièce, attrapant le magnum qui dormait toujours sous mon oreiller tandis que continuait ce cri de panique inarticulé. Je poussai la porte, mon arme dans l'autre main, prêt à en découdre avec n'importe quel agresseur inconnu. Pour ajouter à cette atmosphère de chaos, Black Hayatte aboyait nerveusement en bondissant dans mes pattes, manquant de me faire tomber tous les deux pas.

Tout ce que je discernais grâce au rai faiblard des réverbères qui filtrait par la fenêtre, c'était Edward, dans son lit, la main et les draps parsemés de taches sombres, totalement terrifié. J'inspectai rapidement le reste de la pièce du regard en quête d'un ennemi, puis baissai mon arme, ne voyant pas de danger immédiat. 

Je m'approchai de lui à pas vifs tandis que le long cri d'animal blessé qu'il avait poussé s'était transformé en une cascade de mots paniqués qui se bousculaient au point que je ne pouvais pas comprendre ce qu'il disait. Le flot d'information confus additionné à un réveil brutal et à Black Hayatte qui s'agitait à mes pieds et continuait à aboyer fit que je restai quelques instants silencieuse à essayer de simplement comprendre ce qui se passait. 

Malgré la pénombre, je pouvais distinguer qu'Edward n'avait pas vraiment l'air blessé, bien qu'il soit courbé en avant, ses bras enserrant son abdomen. Comment aurait-il pu être blessé alors que manifestement, personne n'était entré ? Ne voyant pas de danger, je remis le cran de sécurité de mon arme. Il parlait d'une voix forte mais inarticulée et tremblante, visiblement confus.

- Bon sang je saigne du bide je vais mourir je comprends pas pourquoi c'est pas naturel je me sens mal je me sens tellement mal et...

A ce moment-là seulement, je compris ce qui se passait, et je me sentis tout à coup parfaitement soulagée, manquant même d'éclater de rire.

- Edward... fis-je d'une voix apaisante.

- ...d'où ça vient cette blessure ça a pas de sens j'avais rien et maintenant je saigne si ça se trouve j'ai une hémorragie interne mais quand...

- Edward, calme-toi.

- ...est-ce que c'est arrivé s'il te plaît aide-moi faut que j'aille à l'hôpital parce que je saigne et je ne vais mourir si ça contin...

Comprenant qu'il ne m'entendait absolument pas, je pris une grande inspiration et lui lançai une bonne gifle, pas trop forte, pour ne pas lui faire vraiment mal, mais assez énergique pour le couper dans son élan et stopper son monologue. Il se figea et ouvrit des yeux ronds, choqué.

- Edward. Ne panique pas, tu n'es pas en train de mourir.

Je pris une grande inspiration avant d'ajouter une phrase que je ne pensais jamais avoir à prononcer.

- Tu as juste tes premières règles.

- Mes premières... quoi ? bredouilla-t-il en effleurant sa joue d'une main tremblante, visiblement encore désorienté, même s'il parlait tout à coup beaucoup plus lentement.

J'allumai la lumière et posai mon arme sur l'étagère vide avant de m'approcher de lui. Une fois éclairé, la nature des taches dans les draps ne faisait aucun doute : c'était du sang, en quantité relativement négligeable, mais du sang tout de même.

- Tes premières règles, répondis-je en m'asseyant sur le fauteuil qui se trouvait juste en face de lui.

- Mes... quoi ? réitéra l'adolescent avec une profonde perplexité gravée sur le visage.

Il y eut un instant de silence tandis que je plantais mon regard dans le sien, peinant à comprendre ce que tout me laissait porter à croire. J'écarquillai les yeux.

- Tu ne sais pas ce que c'est que les règles ?

- Des barres graduées servant à mesurer, mais je ne pense pas que ça soit de ça que vous vouliez parler... grommela-t-il, mal à l'aise.

- Tu as aidé Gracia à accoucher il y a trois ans, et tu ne sais même pas ce que c'est que... Oh bon dieu... marmonnai-je en me passant une main sur le visage. Dites-moi que je rêve.

- Ça devient un tout petit peu vexant, là, fit savoir Edward d'une voix rauque.

- Je... désolée. C'est juste que...

C'était juste que jamais je n'aurais pu imaginer me retrouver dans une situation aussi absurde que celle de devoir, à quatre heures du matin, expliquer au Fullmetal Alchemist l'existence du cycle menstruel et d'autres réjouissances féminines. Et là, avec toute la bonne volonté du monde, je ne savais pas trop par où commencer. Je restai silencieuse quelques secondes, cherchant comment entamer ce discours embarrassant.

- C'est quelque chose de naturel, qui commence à la puberté, tentai-je en me sentant terriblement maladroite. A partir de la puberté, les femmes suivent un cycle, qui se répète à peu près tous les mois. On dit que c'est vingt-huit jours, mais c'est souvent plus en réalité. Et à chaque fois, pendant quelques jours, ça saigne.

- Ça...

- Pour se renouveler, les muqueuses de l'utérus se détruisent et s'évacuent sous forme de sang, puis se reforment durant le cycle suivant.

- Ça saigne...

- Les quantités sont assez minimes, et ça s'arrête tout naturellement au bout de quelques jours. Il n'y a pas de raison de s'inquiéter, en fait, c'est parfaitement normal.

- Ça saigne... Tous les mois ?! s'étrangla-t-il à contretemps. Mais c'est quoi cette merde ? !

- Eh bien... la nature... On est faites comme ça.

- Mais c'est complètement CON ! s'exclama l'adolescent. En plus, moi, j'étais pas fait comme ça, à la base !

A ce moment-là, je ne pus me retenir d'éclater de rire en voyant sa mine déconfite.

- C'est vrai que c'est complètement « con », comme tu dis, lançai-je en sentant le juron détonner dans ma bouche. En même temps, je ne trouve pas ça très malin non plus de hurler à pleins poumons pour trois taches de sang quand on a déjà vécu des mutilations autrement plus horribles, comme, je ne sais pas moi, perdre son bras et sa jambe ?

- Mmmmais... C'est pas pareil ! défendit-t-il. Quand on saigne parce qu'on est blessé, on a mal, et on sait pourquoi ! Saigner sans sentir comment et pourquoi, c'est pas DU TOUT naturel. Et ça, c'est vraiment flippant.

Je devais lui accorder ce point. En plus, en étant désorienté par un réveil nocturne, certaines choses pouvaient facilement prendre des proportions absurdes, je le savais. J'avais moi-même eu un peu de mal à faire le point sur la situation quelques minutes auparavant. Je souris et lui ébouriffai les cheveux dans un geste rassurant.

- Ne t'inquiètes pas, un paquet de filles ont eu une réaction dans ton genre. Moi, je le savais avant, par des livres, mais c'est vrai que ça m'a fait bizarre la première fois.

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityWhere stories live. Discover now