Chapitre 5 - 2 : Paperasses et courrier (Roy)

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Trois coups secs frappés à la porte me tirèrent de la litanie de rapports et comptes-rendus que je subissais depuis de longues heures.

- Oui ?

- Edward Elric et Falman sont revenus, annonça Hawkeye en poussant la porte. Vous m'aviez dit qu'il fallait vous prévenir quand ce serait le cas.

- Oui, en effet. Dites au Fullmetal de venir.

- Je vous entends, Colonel, grommela une voix familière.

Un sourire grignota mon visage malgré moi. Sans aucun doute, la présence de l'adolescent rendait toujours mon quotidien moins sinistre.

- Alors bouge-toi, répondis-je.

- Vous êtes pénible, fit-il d'une voix grondante, comme un chat acculé. Je n'ai même pas un pied dans votre bureau et vous commencez déjà à être humiliant !

- Qu'est-ce que ça sera quand tu auras fermé la porte derrière toi ! prédis-je avec un sourire grinçant, remarquant que Havoc scrutait attentivement la scène.

- Qu'est-ce que j'aimerais ne jamais le découvrir ! s'exclama-t-il en levant les yeux au ciel, obéissant tout de même à l'ordre implicite en claquant la porte.

- Fullmetal, voici tes deux ordres de mission.

- Deux ordres de... commença-t-il sur le ton de la surprise, avant de s'arrêter pour prendre les deux dossiers que je lui tendais, visiblement mécontent.

- Une mission de surveillance t'a été attribuée pour un transfert de prisonnier, de Central-city à East-city, pour une comparution au tribunal. Peut-être que tu te souviens de Bald, ce terroriste qui avait tenté de détourner un train pour prendre en otage le général Haruko ?

- Colonel, j'étais dans le train en question, rappela-t-il d'un ton acide.

- Oui, c'est vrai. Je t'avais vivement conseillé de le prendre, parce que tu étais si petit que personne ne t'aurais pris au sérieux si tu n'avais pas eu au moins un exploit à ton actif.

- QUI EST AUSSI MINUSCULE ET INSIGNIFIANT QU'UNE ALLUMETTE EN PLEIN CHAMP DE BLÉ FAUCHE ?! explosa-t-il instantanément en montant dans les aigus de manière inhabituelle.

- Je n'ai pas dit ça, mais je note l'idée, commentai-je d'un ton taquin. J'ai juste dit que tu étais pe...

- Je – ne – suis – pas – petit ! coupa-t-il d'un ton soudainement grave et haché, après avoir plaqué ses mains sur mon bureau, penchant vers moi un visage barré par des yeux pleins de colère.

- Il faudra qu'on se voie ce soir, murmurai-je aussitôt d'une voix à peine perceptible, profitant du fait qu'il s'était assez rapproché de moi pour m'entendre parfaitement.

Il recula en sursaut, désarçonné par ma dernière phrase qui n'avait rien à voir avec la conversation.

- Si peu, ajoutai-je d'une voix claire en réponse à sa dernière remarque. Tu restes un gamin, et comme tous les gamins, le chaos que tu provoques autour de toi est inversement proportionnel à ta taille.

- JE NE VOUS PERMETS PAS DE ME PARLER COMME CA, ESPÈCE D'ARRIVISTE PRÉTENTIEUX !

En criant ces mots, Il s'était relevé et avait reculé, avec l'expression de quelqu'un qui songeait fortement à me balancer dans la tête les dossiers qu'il tenait à la main. Je me souvins alors que ce qui était ma distraction était sans doute sa torture, et je décidai de me calmer.

- On n'insulte pas son supérieur hiérarchique, répondis-je d'un ton sec. Pour ce qui est de ta deuxième mission, tu en connais déjà le contenu, tu es réquisitionné pour rechercher le copycat de Barry le Boucher, avec la compagnie de Falman. Le dossier que tu tiens dans ta main droite concerne cette enquête, je te prie donc de ne pas me le jeter au visage.

- Pourquoi vous me collez deux missions dans les pattes ? ! J'ai des projets plus personnels, vous savez ?

- Parce que je n'ai pas vraiment le choix. Si tout va bien, tes deux missions devraient se succéder, la deuxième a lieu dans une dizaine de jours.

- Dix jours ?! Vous croyez vraiment que je vais pouvoir traiter ces deux dossiers successivement ?! Vous avez assez fréquenté Hugues pour savoir le temps que ça prend de boucler ce genre d'investigation !

- Tu n'es pas comme Hugues, répondis-je d'un ton froid. Le Fullmetal n'est pas du genre à laisser traîner des enquêtes. Surtout quand une femme se fait découper en tranches tous les trois jours.

Il se figea et écarquilla ses yeux dorés, manifestement horrifié par ma dernière phrase. Je regrettai aussitôt mes paroles, et me mordis la lèvre, sentant que je l'avais heurté, et conscient que je n'aurais pas dû dire ça. C'était brutal et cruel de lui faire porter la responsabilité de sauver les nouvelles victimes potentielles de Barry le Boucher.

J'aurais voulu m'excuser, mais ça aurait impliqué de sortir de mon personnage de « Colonel hautain et insupportable », et l'isolation sonore de mon bureau était toute relative. L'atmosphère s'appesantit au fil des secondes, aussi finis-je par reprendre la parole pour briser le silence et faire taire un sentiment vaguement honteux.

- On reparlera de tes missions plus tard. Tu ferais mieux de t'y mettre dès maintenant, tu as du pain sur la planche.

J'avais appuyé ma première phrase d'un regard lourd de sous-entendus, mais j'avais tâché de garder un ton égal, conscient que les autres, derrière la porte, tendaient sans doute l'oreille. Je l'espérais assez malin pour qu'il comprenne que je m'attendais à le voir chez moi ce soir pour parler de ce qui sous-tendait cette mission.

- Bien, Colonel, répondit-il froidement, avant de sortir en refermant la porte, juste assez fort pour montrer sa colère.

Je poussai un soupir. Les choses n'étaient pas simples. Je replongeai le nez sur un rapport retraçant des fusillades ayant éclaté plusieurs fois à Central-City, sans qu'ils aient encore mis la main sur les coupables. De ce que j'en avais lu, il y avait de bonnes chances que cela concerne un réseau mafieux. Ce dossier qui avait atterri sous ma responsabilité me promettait de grandes heures, je le sentais.

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant