Chapitre 15.1

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{Dakota-Stereophonics}


L'air s'est rafraîchi sous l'ombre des arbres qui composent cette forêt. Je commence à avoir froid, les multiples feuilles et branches camouflent les rayons du soleil. Je n'avais pas non plus prévu une balade à l'extérieur, je ne me suis pas vraiment habillée pour l'occasion. 

D'un autre côté, de quoi me serais-je vêtue, sûrement un sweat noir et un jean de la même couleur, aucune grande différence avec ma tenue d'aujourd'hui.

-Tu sais qu'en général quand un mec emmène une fille en plein milieu d'une forêt sans que personne ne le sache, cela ressemble pas mal au scénario d'un film d'horreur. Et je n'ai pas du tout envie de finir enterrée au fin fond des bois.

-Non mais tu m'as regardé, est-ce que j'ai une tête de psychopathe?

-C'est exactement ce qu'il dirait.

Cette remarque me vaut un léger rire d'Abruti, dans le fond si ce n'était pas lui je pense que je serais déjà partie en courant. Mais étrangement je lui fais confiance, il est un des seuls d'ailleurs.

Après un temps qui m'a paru interminable, nous arrivons tous les deux devant un endroit calme mais qui semble regorger de souvenirs. Quelques rondins de bois entourent les restes d'un très vieux feu, formé par des pierres sûrement trouvées sur le chemin que nous avons emprunté. 

Adan s'arrête quelques secondes devant ce spectacle, je comprends dans ses yeux que cet endroit est important pour lui, qu'ici, je suis encore un peu plus proche de lui et de son passé.

Il marche et parcourt quelques mètres avant de s'allonger dans l'herbe encore humide. D'un mouvement de tête il m'incite à le suivre, je m'assois en tailleur à ses côtés pleinement concentrée sur lui et uniquement lui.

-J'ai toujours adoré cet endroit, si calme, c'est incroyable...

Je me laisse porter par ses paroles en portant mon regard sur lui, il semble si différent, la tristesse est en train de le ronger. Je ferme quelques secondes les yeux et inspire fortement, l'air pur de la nature me donne la force pour affronter cette conversation qui s'annonce difficile. 

Je préfère lui laisser le temps, que cela dure des minutes ou même des heures, c'est lui qui doit se lancer en premier, et s' il en a envie surtout. Le vent frais se dépose dans mon cou, ses yeux se tournent vers moi au moment où je frissonne légèrement. Nos regards s'entrechoquent à nouveau, ils sont différents et parviennent à deux opposés distincts. 

Néanmoins, ils se ressemblent en un point. Ils ont la même émotion, ou plutôt l'absence de tout sentiment. La haine, la culpabilité, la tristesse effacent tout sur leur passage pour ne laisser qu'un amas de vide bon à jeter.

Alors, pour combler cette absence je lui souris, simplement, ses yeux reflètent mon image, il est sur le point de craquer. Il détourne le regard, j'ai l'impression d'essuyer un nouvel échec jusqu'au moment où il entremêle nos doigts. 

Sa main est aussi froide que la mienne, le croisement de deux âmes perdues pourrait geler la forêt entière. Je le sens resserrer sa poigne, son souffle se ralentit, notre contact semble le calmer. Il prend alors la parole et c'est là que cette longue conversation s'enracine.

-J'avais 17 ans, on était tous au lycée, déjà notre petit groupe à nous. On trainait tout le temps ensemble, on faisait des conneries, beaucoup trop de conneries, il rigole avant de poursuivre, c'était il y a tellement longtemps. J'ai tellement peur que tu partes Junie, promets moi que tu ne nous abandonneras pas même si je fais parfois de la merde.

-Je ne partirai nulle part, pourquoi tu crois ça, regarde moi, je suis là et je t'écoute.

-Merci...c'est juste que ça me rappelle tellement de choses, j'ai l'impression de tout revivre, comme au lycée, mais ce n'était pas toi cette fois

-Raconte moi...

Ma voix ressemble plus à une supplique qu'à une demande, je veux tellement apprendre plus de lui et de ce qui l'a construit. Je veux le connaître, je veux le comprendre. 

Je parviens toujours à cerner ce qui m'entoure mais il reste une énorme énigme pour moi, un mystère qui grandit tous les jours.

-Au lycée, comme je te l'ai dit on était déjà tous ensemble, le petit groupe que tu connais, mais il y avait une autre personne, Chloé...elle...

Je ne m'attendais clairement pas à ça, une fille dont je ne connaissais pas l'existence et qui a l'air de le tourmenter. Je le sens se perdre dans ses souvenirs, sa main est toujours collée à la mienne mais ses yeux ne me regardent plus comme s'il avait honte de quelque chose.

-C'était ma meilleure amie, plus que ça même, elle était comme ma soeur. On s'est connus à l'école, elle était toujours drôle et elle ne se laissait jamais faire. C'est au collège qu'on a tous les deux découvert cet endroit, on y traînait tout le temps. Quelques semaines plus tard, on a ramené tout le monde ici et c'est devenu notre petit sanctuaire. Tu n'imagines pas le nombre de soirées qu'on a passées ici, le nombre de bouteilles qu'on a vidées aussi. Je l'aimais tellement, on l'aimait tous mais elle est partie, elle s'est barrée d'un jour à l'autre sans prévenir.

Il mord ses lèvres presque jusqu'au sang avant que je voie la première larme apparaître. Elle s'écoule sur sa joue montrant le chemin aux autres. Il s'assoit me faisant face et plonge sa tête entre ses genoux en murmurant ces mots qui paraissent tellement douloureux.

-C'est de ma faute, j'aurais pu la retenir, tout est de ma faute, elle me manque tellement mais j'ai aucun moyen de la retrouver

Soudainement, il se jette dans mes bras afin de cacher ses larmes, je resserre mon étreinte autour de lui attendant qu'il se calme. Son histoire m'a bouleversée, je repense alors au jour ou je lui ai dit que sa petite vie de sportif était parfaite, qu'est-ce que je peux être stupide.

Il se passe de longues minutes avant qu'il revienne à lui, toujours dans mes bras, les siens me tenant fermement à lui. Il se relève doucement sans perdre une miette de mon regard posé sur lui, il murmure encore quelques excuses.

-Je suis tellement désolé pour tout.

-Arrête, tu es génial, ne sois pas désolé, rien n'est de ta faute et regarde je suis toujours là. Tu n'imagines pas comment je me sens quand je suis avec toi, c'est tellement simple. C'est débile, tout ce que j'ai dit était débile quand je voulais ne plus jamais vous voir et c'était surtout faux.

Il me remercie et je fais de même plus silencieusement, je continue de l'observer, regarder cet adolescent épuisé et rongé par la culpabilité.

-C'était sa chanson préférée, elle la mettait tout le temps, "Dakota". Quand tu l'as mise dans la voiture ça m'a rappelé tous les bons moments avant qu'elle ne parte.

-Chante-la moi s'il te plaît, encore une fois.

Il hésite avant de me bercer avec sa douce voix et la mélodie de cette chanson.

"You make me feel like the one".



Don't look at my past [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant