Chapitre 2

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Assise dans la Volkswagen de mon voisin, je retournais ces questions dans ma tête. Je ne pense pas que ce soit ni le lieu, ni le moment de parler de cette discussion. À mon avis, il avait déjà tout oublié. Avec la mort de ma mère, nous n'avions pas vraiment eu le temps d'en reparler et je pensais qu'il avait demandé son truc ou son service à quelqu'un d'autre.

Notre conversation de tout à l'heure résonna dans mes oreilles. Est-ce que tout le quartier était au courant de sa mort ? Est-ce que tout le monde réagissait comme si c'était une tragédie ou s'en foutaient-ils carrément ?

Je me souvins du jour de l'enterrement, tout le voisinage était venu nous présenter leurs condoléances dont je me foutais d'ailleurs. Je ne connaissais qu'une partie des personnes présentes, il y avait de la famille que je n'avais pas vu depuis des années, des voisins de l'autre bout du quartier que je n'avais jamais croisé, des vieux amis de mes parents qui me parlaient comme si j'étais encore une gamine, et Lucas..

La seule personne qui ne m'a pas dit des phrases du genre : "je suis désolé", "votre mère était une femme formidable", "elle va terriblement nous manquer", "elle est dans un monde meilleur maintenant" et tant d'autres toutes aussi hypocrites les unes que les autres.

Non, Lucas était juste là, il me jetait quelques regards discrets. Il voulait certainement me dire quelque chose, mais n'osait pas ou ne savait pas quoi dire. À un moment donné, il s'est assis à côté de moi et m'a demandé si je voulais partir. J'ai failli accepter, j'en avais très envie, mais j'avais jeté un coup d'œil à mon père et il semblait dévasté, je ne pouvais pas le laisser tout seul. Incapable de dire non, parce que je ne pouvais pas mentir, je n'avais rien dit.

- Excuse-moi d'avoir été si froide avec toi..

- Hein ? Tu parles de quand ? T'as toujours été comme ça, je te rappelle.

- Je te parle de ses derniers temps, j'ai vu tes efforts pour me parler. C'était vraiment gentil à toi de ne pas relever les vents que je t'ai mis..

Les mains sur le volant, il haussa les épaules :

- Je comprends, ça n'a pas dû être très facile pour toi et ton père.

- Rassure-toi, mon père va très bien ! Il pète la forme, il travaille tellement bien qu'il a reçu une promotion ! Chose qu'il n'aurait jamais réussi à faire quand ma mère était là pour lui rappeler notre existence et lui dire de rentrer avant 19h !

- Tu exagères.. Le fait qu'il gère mieux que toi, ne veut pas dire qu'il souffre moins...

- Ouais, si tu le dis.. Il n'empêche que ça fait trois jours qu'il aurait dû appeler un plombier pour réparer la douche..

- Ne me dis pas que ça fait trois jours que tu t'es pas douché ! s'exclama-t-il en se tournant vers moi.

- Oh mon dieu, non ! J'ai été obligée de me laver au robinet avec un gant, mais je me suis lavé.. Hors de question de m'asperger de déodorant toute la journée ou de sentir comme certains élèves voire comme certains profs !

Il éclata de rire, d'un rire franc, d'un rire que je n'avais pas entendu depuis longtemps et qui me manquait finalement. Il se concentra de nouveau sur la route et proposa :

- Si tu veux, tu peux passer chez moi..

- Pour me doucher ?

- Oui, quoi d'autre ?

Je n'eus pas le temps de répondre à la proposition parce que nous entrâmes dans le parking de l'école et que la sonnerie, audible jusqu'à 2 km à la ronde, venait de retentir.

- Dépêche-toi !

- Ça va.. Calme-toi, on est pas pressés.. Je suis toujours en retard de quelques minutes et on me dit jamais rien.

Douche Froide [EN PAUSE]Where stories live. Discover now