Chapitre 10

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Après plusieurs minutes à rester assis, droite comme un piquet, à retourner sa carte dans mes mains en espérant que mon père fasse demi-tour, je me levai. Je marquai de nouveau une pause, me demandant si je devais prendre un petit-déjeuner. Mon estomac me criait famine puisque mon alimentation de la veille avait été très pauvre. Cependant, je sentais qu'il n'était pas en capacité d'accepter de la nourriture.

Je décidai de prendre une pomme et un paquet de gâteaux dans mon sac au cas où j'aurais besoin de manger. Je pris mes affaires et sortis lentement de la maison, prenant garde à bien fermer les fenêtres et la porte, car je n'aurais certainement pas la force de revenir le faire.

- Eh Estelle ! me salua Lucas qui venait de sortir de chez lui. Comment tu vas ? Tu veux que je te dépose ?

- Je vais super bien, comme d'habitude.

- Ah..

- Et oui ! C'est fou comme une discussion entre père et fille peut vous mettre de bonne humeur !

- Il n'y a que ça ?

- À ton avis ? On est le 23 !

- Je sais.. Tu veux que je te dépose ?

- Certainement pas !

- D'accord.. Euh pour ce soir.. Tu comptes passer vers quelle heure ?

- Ah non ! Finalement, je ne peux pas passer ce soir. Je me laverai au gant de toilette, pas de problème !

- D'accord, mais il faut qu'on fasse un truc pour-

- On en parle tout à l'heure, je vais être en retard ! Bye ! dis-je avant de partir vers l'arrêt de bus.

Une fois arrivée, je m'assis sur le banc et attendis. La voiture de mon voisin s'arrêta devant moi. La vitre descendit et la tête de ce dernier en sortit. Il me demanda à nouveau de l'accompagner, cependant, comme mon bus approchait, il n'insista pas et repartit.

Je montai dans le bus et pris place dans un des sièges disponibles. Le trajet se passa lentement, très lentement. J'avais pour habitude de mettre mes écouteurs et de disparaître dans un autre pays, emportée par la musique latino ou par la pop américaine. Mais cela faisait longtemps que je n'écoutais plus de musique "ambiançante", qui était remplacée depuis quelques mois par le silence seulement. De toute façon, je ne comprenais que très peu de mots de ces chansons, étant presque une alphabète dans les langues étrangères.

C'est pour ça que j'avais pris des spécialités scientifiques, bien que le tronc commun reste assez tourné vers le littéraire. Comme je ne savais pas quoi faire, je me suis tournée vers la filière qui m'offrait le plus de débouchés.

Le nom de l'arrêt du lycée retentit dans le bus, je me levai et sortis bousculée par les autres élèves. Lorsque je m'extirpai enfin de la foule, je vis Anna qui m'attendait devant le collège.

- Coucou, ma belle, dit-elle en me prenant dans ses bras. Comment vas-tu ?

- Ça va, pour l'instant, mais la journée ne fait que commencer..

- Tu as l'air d'avoir une bonne mine, mais je ne me fis plus à l'état de ton visage et à ton expression faciale depuis un bon moment.

- J'ai mal dormi, j'ai pas mangé et mon père m'a cassé la tête de bon matin. Me crie pas dessus s'il te plaît..

- Mais bien sûr que non, répondit-elle en m'enlaçant de nouveau. Qu'est-ce qu'il voulait ton père ? Il pouvait pas partir à l'aube comme chaque matin ??

- T'inquiète pas, il est pas resté très longtemps de toute façon, expliquai-je en mettant fin à notre étreinte. Juste le temps de me gronder sur le fait que je mange pas le matin et de me dire qu'il rentrerait à 23h. Viens, on commence à marcher.

- Ah, ça a l'air d'avoir été une discussion très instructive. Écoute, s'il est pas là ce soir, rien ne m'empêche de venir chez toi. On se ferait une petite soirée entre filles..

- Non, désolée, j'ai envie de rester seule et puis, il est hors de question que je contamine ton moral. En plus, mon père a dit, je cite ; "C'est une journée difficile mais je ne veux pas de laisser-aller ! Personne à la maison et pas plus de 20 euros". Ah oui, parce qu'il m'a laissé sa carte bleue pour que je me commande à manger parce qu'il sait qu'il y a presque plus rien dans le frigo, mais ça ne lui est pas venu à l'esprit d'aller faire les courses.

- Oh putain ! Quel salaud. Désolée, Estelle, je sais que c'est ton père. Mais, quel salaud !

- J'ai l'impression de m'entendre te réconforter après une rupture.

- Ah non, mais toi, c'est pire ! J'y pense, je t'ai amené un petit quelque chose !

Elle sortit de son sac une boîte de pâtisseries et l'ouvrit sous mes yeux. Il y avait plusieurs macarons rangés en colonne, certainement entre seize ou vingt, et six macarons avec une forme et une couleur étranges. Elle referma le petit coffre et me le tendit en disant :

- Je sais que ce sont tes gâteaux préférés et je me suis dit qu'une petite douceur pourrait te faire du bien sachant que tu ne vas certainement pas manger aujourd'hui. Je me suis levée tôt ce matin pour les récupérer. Ma mère rentrait de l'hôpital vers 6h30 donc elle m'a récupérée et m'a amenée les chercher. J'ai ajouté ceux que j'ai faits hier pour pas gaspiller. En fait, j'avais l'espoir de les réussir et de faire mes 8h de sommeil du coup. Mais j'ai lamentablement échoué ! Bon, je les ai quand même mis mais ils sont clairement pas du même niveau. Je me suis dit que peut-être ça te ferait plaisir de-

Elle fut coupée quand je me jetai sur elle pour la prendre dans mes bras. Elle faillit faire tomber la boîte à cause de mon geste brusque et inattendu. Je n'étais pas très câline et affectueuse, mais le manque d'attention et d'amour autour de moi, me faisait vénérer chaque personne qui m'en accordait un peu.

- Merci, merci, merci.

Je la sentis sourire et la serrai un peu plus fort contre moi. Des larmes menaçaient de tomber lorsque je me fis la réflexion qu'elle était plus présente que ma famille. Les membres de mon arbre généalogique appelaient parfois pour prendre des nouvelles sans vraiment s'intéresser à ce que je pouvais dire. Par politesse, ils me parlaient une fois tous les mois, le téléphone passait par toute la maisonnée et je sentais qu'ils ne voulaient clairement pas me parler. Alors, souvent, j'abrégeai la discussion prétextant que j'avais des devoirs à faire et disant que je les rappellerai plus tard, sans jamais le faire.

- J'ai de quoi faire un pique-nique en cachette pour ce midi.

- Tu es la meilleure !

- Je sais.


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plume_songeuse

Douche Froide [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant